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23/05/2024 | FRANCE | N°21TL02606

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 23 mai 2024, 21TL02606


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Saint-Clément-de-Rivière à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral dont elle estimait avoir été l'objet.



Par un jugement n° 1905749 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enre

gistrée le 5 juillet 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 21MA02606, puis le 1er mars 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Saint-Clément-de-Rivière à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral dont elle estimait avoir été l'objet.

Par un jugement n° 1905749 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 21MA02606, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL02606, et des mémoires enregistrés les 16 janvier 2023 et 3 avril 2023, Mme A... B..., représentée par la SELARL Gil-Cros agissant par Me Gil-Fourier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'ordonnance de règlement de l'information judiciaire en cours devant un juge d'instruction de Montpellier à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de la commune de Saint-Clément-de-Rivière du 30 août 2019 à son encontre sur des faits de harcèlement moral au sens de l'article 222-33-2 du code pénal et de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

2°) d'annuler ce jugement du 7 mai 2021 ;

3°) de condamner la commune de Saint-Clément-de-Rivière à lui verser la somme de 70 000 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait des agissements constitutifs de harcèlement moral et des comportements vexatoires dont elle a été l'objet, somme augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du 29 juillet 2019 et de la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Clément-de-Rivière la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- tant la responsabilité pour faute que la responsabilité sans faute de la commune sont engagées au regard des faits établissant l'existence d'un harcèlement moral et de comportements vexatoires dont elle a été l'objet de la part et au sein de la commune à compter de mai 2018 jusqu'à sa révocation ;

- le jugement est entaché d'erreurs de droit et d'erreurs d'appréciation des faits ;

- la succession importante de mesures défavorables prises à son encontre fait présumer l'existence des agissements de harcèlement moral dont elle a été victime, lesquels ont eu pour effet de dégrader ses conditions de travail ; la commune ne démontre pas que ces agissements sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ;

- les éléments produits par la commune au soutien de son prétendu comportement fautif sont inopérants et non fondés ;

- la responsabilité de la commune est également engagée pour manquement à l'obligation de résultat et de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité, en méconnaissance des dispositions de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984, du décret du 10 juin 1985 et des articles L. 4121-1 et suivants et R. 4121-1 et suivants du code du travail ;

- ses préjudices constitués de troubles causés dans ses conditions d'existence, d'une grave altération de sa santé, de perte de revenus, de perte de droits à la retraite et de son préjudice moral doivent être intégralement réparés à hauteur de 70 000 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés les 13 avril 2022, 7 mars 2023 et 27 avril 2023, et un dépôt de pièces enregistré le 14 mars 2023, la commune de Saint-Clément-de-Rivière, représentée par Me Jeanjean de la SCP SVA, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme B... la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, le jugement doit être confirmé dès lors que les faits invoqués par Mme B... ne sont pas de nature à révéler l'existence d'un harcèlement moral ;

- la demande tendant au sursis à statuer est dépourvue d'utilité ;

- à titre subsidiaire, le montant d'une éventuelle indemnisation devrait être ramené à de plus justes proportions au regard du comportement de l'agent, qui sollicite pour la première fois en appel l'indemnisation des " comportements vexatoires " dont elle aurait été victime.

Par ordonnance du 4 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 25 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cros représentant Mme B..., et de Me Gimenez représentant la commune de Saint-Clément-de-Rivière.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., rédactrice principale de 1ère classe, exerçait depuis le 2 novembre 2010 les fonctions de responsable du ... de la commune de Saint-Clément-de-Rivière (Hérault). Elle a été placée en congé maladie du 12 avril 2019 jusqu'au 31 mars 2020. A compter de cette date, compte tenu de l'état d'urgence sanitaire, elle a été placée en autorisation spéciale d'absence jusqu'au 11 mai 2020. Par un arrêté du 4 mai 2020, elle a été suspendue de ses fonctions à compter du 11 mai 2020, à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par la commune à l'encontre de Mme B... du chef de faits de harcèlement moral auxquels elle se serait livrée envers plusieurs agents de la commune. Cet arrêté de suspension de ses fonctions a été prolongé à deux reprises, en dernier lieu jusqu'au 10 mai 2021. Par un arrêté du 19 mars 2021, la maire de Saint-Clément-de-Rivière a prononcé sa révocation à compter du 6 avril 2021. Par un courrier du 26 juillet 2019, Mme B... a formé une demande indemnitaire préalable tendant au versement de la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral dont elle estimait avoir été l'objet de la part de certains agents et élus de la commune et de la part de la commune elle-même. En l'absence de réponse à cette demande, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Saint-Clément-de-Rivière à lui verser cette même somme en réparation de ses préjudices. Elle relève appel du jugement du 7 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande, en portant le montant de sa demande indemnitaire à la somme de 70 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des agissements constitutifs de harcèlement moral et des comportements vexatoires dont elle aurait été l'objet.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la situation de harcèlement moral :

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 applicable à l'espèce : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

4. Mme B... soutient que la commune aurait décidé de l'évincer de son poste en mai 2018 et aurait depuis lors multiplié les actes et prises de position attentatoires à ses droits et à sa dignité, ayant pour effet de dégrader ses conditions de travail et d'altérer sa santé, jusqu'à ce qu'elle soit révoquée par arrêté du 19 mars 2021. Elle expose avoir signalé, par courriers adressés les 29 et 31 mars 2018 au maire de Saint-Clément-de-Rivière qui était alors en fonctions, des faits constitutifs de harcèlement moral de la part de la responsable de ..., de deux agents du service des finances et de l'ancien directeur ..., et avoir présenté deux demandes de protection fonctionnelle les 13 avril et 8 août 2018, auxquelles la maire élue à la fin du mois d'avril 2018 n'a pas fait droit. Ses requêtes présentées à l'encontre des décisions refusant d'accéder à ses demandes ont cependant été rejetées par jugements du tribunal administratif de Montpellier n° 1805990 et 1805992 du 10 juillet 2020 devenus définitifs, au motif que les agissements au titre desquels Mme B... a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle ne pouvaient être qualifiés de harcèlement moral.

5. La requérante expose avoir été l'objet d'accusations publiques de la part de la maire ainsi que de plusieurs collègues lors de la réunion de service du 4 juillet 2018 à laquelle elle n'avait pu assister. Toutefois, il ne résulte pas des termes du procès-verbal de cette réunion que les reproches formulés à son encontre par la maire concernant les convocations pour le conseil municipal du 9 juillet excèderaient l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. La circonstance qu'une remarque ait été formulée lors de cette réunion par un agent de la commune, portant sur la nécessité pour la requérante de respecter les délais de remise des chiffres concernant la masse salariale, ne révèle par elle-même aucun agissement susceptible de faire présumer de faits de harcèlement à l'encontre de Mme B....

6. La requérante produit deux attestations de l'ancien directeur ... rapportant les propos d'un conseiller municipal et du responsable du service ... lui affirmant qu'elle allait être mutée comme secrétaire ..., poste qu'elle occupait avant le 2 novembre 2010. Il résulte toutefois de l'instruction que la commune de Saint-Clément-de-Rivière a mis fin au détachement de ce directeur pour perte de confiance à la fin de l'année 2018, à la suite de l'analyse de la masse salariale par l'adjoint aux finances en mars 2018 révélant un dérapage des dépenses concernant en particulier l'évolution du régime indemnitaire des agents lors de l'application du RIFSEEP en janvier 2017.

7. Si Mme B... se plaint d'une attitude de dédain et d'une absence de protection de la part de la collectivité, il résulte toutefois de l'instruction qu'à la suite des courriers mentionnés au point 4 tendant à dénoncer des faits de harcèlement moral dont elle estimait être victime, la nouvelle municipalité a diligenté une enquête interne auprès de 51 de ses agents, en excluant ceux qui avaient été recrutés de manière récente. Il était demandé de manière anonyme aux agents si la responsable ... leur semblait être victime de critiques émises à l'encontre de son travail et dans quelles conditions, si des pressions pesaient sur elle et si elle était victime de discrimination ou de harcèlement, et de décrire de façon générale le service ... s'agissant de son fonctionnement, de son ambiance, en faisant part de toute remarque sur ce service et sur le fonctionnement de la mairie. Il ressort des résultats de cette enquête menée entre le 19 septembre et le 11 octobre 2018 que de très nombreux agents se sont plaints d'un comportement inadapté de la part de Mme B... depuis plusieurs années, au regard de faits de harcèlement, de pressions, de violences verbales et de menaces à l'encontre de plusieurs agents ainsi que d'abus de pouvoir, de manipulation et d'emprise sur les agents plus vulnérables, à l'origine d'un climat anxiogène au sein des services de la commune. Par la suite, un courrier signé par 38 agents a été adressé à la maire le 25 janvier 2019, concernant un " dysfonctionnement du service ... " et sollicitant le bénéfice de la protection fonctionnelle et en dénonçant des actes graves imputables à la requérante. Au regard de l'ensemble de ces faits portés à sa connaissance, la requérante n'est pas fondée à reprocher à la commune d'avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République du chef de faits de harcèlement moral le 22 mai 2019, puis une nouvelle plainte avec constitution de partie civile le 30 août 2019. Mme B... ne peut davantage sérieusement remettre en cause les conditions dans lesquelles cette enquête interne a été menée, ni exposer qu'elle démontrerait la volonté de la commune de l'évincer de son poste au regard des résultats de de cette enquête, alors que plusieurs réponses étaient particulièrement circonstanciées sur les faits graves qui lui étaient reprochés par de nombreux agents. La requérante conteste également les circonstances dans lesquelles un audit externe auprès d'un psychologue psychosociologue expert près le tribunal judiciaire de Montpellier a été réalisé en mai 2020, sans qu'elle puisse être entendue alors qu'elle était en congé de maladie depuis un an et reprochant que l'audit n'ait interrogé que 38 agents de la commune. Alors que les résultats de cet audit convergent tant avec ceux de l'enquête interne réalisée en septembre-octobre 2018 qu'avec les faits dénoncés dans le courrier du 25 janvier 2019 émanant de 38 agents, il résulte de l'instruction que les agents ont été choisis sur la base de critères objectifs portant sur leur ancienneté dans la commune, leur niveau de responsabilité et leur disponibilité professionnelle lors de l'audit. En outre, ces agents représentant l'ensemble des services, une hétérogénéité des fonctions exercées, de grades détenus, de parcours professionnels ainsi que d'antériorité, cette dernière allant de 3 à 40 ans d'ancienneté. Par ailleurs, la commune produit plusieurs attestations d'agents faisant état du comportement répréhensible de la requérante, dont le contenu n'est pas utilement remis en cause par l'intéressée.

8. Mme B... soutient avoir été mise à l'écart en ce qu'elle n'était plus conviée aux entretiens de recrutement à compter de juin 2018 et aux réunions concernant son domaine d'activité, et n'était pas destinataire de toutes les informations nécessaires à l'exercice de ses missions. Il résulte toutefois de l'instruction que la requérante a participé à des entretiens de recrutement en juin 2018, avant d'en être dispensée en raison de son retard dans les missions qui lui étaient confiées. Les faits de mise à l'écart qu'elle invoque ne sont pas corroborés par la production des courriels produits. En outre, si Mme B... se plaint des refus d'entretien que la maire lui aurait opposés et de la circonstance que certaines de ses questions n'auraient pas été abordées au cours de rencontres qui ont eu lieu, ces éléments ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

9. Si Mme B... persiste à se plaindre d'une baisse de son complément indemnitaire annuel de 388 euros entre 2017 et 2018, alors que les autres responsables de service auraient bénéficié d'une augmentation de leur prime, il résulte de l'instruction que cette faible diminution a fait suite à une augmentation substantielle de son régime indemnitaire à hauteur de 8 500 euros sur l'année 2017, atteignant de ce fait le plafond légal, au contraire des autres responsables de service auxquels elle fait référence, ainsi qu'il a été relevé dans le rapport d'observations de la chambre régionale des comptes publié le 7 novembre 2020.

10. La requérante soutient que sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 10 avril 2019 et de la maladie pour laquelle elle est placée en congé maladie depuis le 12 avril 2019 a été rejetée à tort, alors que la commission de réforme avait émis un avis favorable. Toutefois, si le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 16 juillet 2019 par un jugement du 7 mai 2021 n° 1904128, il s'est fondé sur un motif de forme relatif à l'insuffisance de motivation de cette décision. De même, par un jugement du 7 mai 2021 n° 1904138, ce tribunal a annulé le compte-rendu d'entretien professionnel établi le 23 janvier 2019 au titre de l'année 2018 en relevant l'insuffisance des appréciations relatives à certaines compétences ou qualités succinctement énumérées, ainsi que de l'appréciation générale littérale ne comportant que le mot " insatisfaisant ". L'illégalité de ces décisions ne saurait constituer, par elle-même, un agissement révélant l'existence d'un harcèlement moral.

11. Si Mme B... conteste des sanctions disciplinaires prononcées à son encontre, il résulte de l'instruction que les deux avertissements en cause ont été retirés et que le blâme n'a pas été prononcé.

12. Si elle se plaint ensuite du non-respect de ses droits au titre de son compte épargne temps, les faits reprochés ne sont pas établis, alors que la requérante a bénéficié de l'indemnisation de l'ensemble des jours sollicités en avril et novembre 2020 et en juillet 2021.

13. Mme B... reproche en outre à la commune d'avoir engagé une procédure de recrutement d'un responsable des ... en décembre 2019, alors qu'elle était toujours en position d'activité. Il résulte toutefois de l'instruction qu'alors que la requérante était en congé maladie depuis le 12 avril 2019, la commune a été contrainte de recruter un agent contractuel pour effectuer des tâches ne nécessitant pas de compétence particulière en matière de ... pour une durée de six mois prenant fin le 12 décembre 2019. La collectivité a ensuite procédé au recrutement d'un agent sur un poste de responsable de la gestion administrative et du personnel, distinct du poste occupé par la requérante. Les faits dénoncés ne sont dès lors pas établis.

14. Si elle reproche à la commune de l'avoir placée en autorisation spéciale d'absence dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire du 31 mars au 11 mai 2020 et refusé de la faire bénéficier d'un temps partiel thérapeutique, cette décision relève de l'exercice normal du pouvoir d'organisation du service dans le contexte particulier précité.

15. Si selon Mme B..., l'arrêté du 4 mai 2020 par lequel la maire l'a suspendue de ses fonctions à titre conservatoire à compter du 4 mai 2020 est de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, il ne résulte pas de l'instruction que les faits reprochés à Mme B... ne présenteraient pas le caractère d'une faute grave pouvant justifier cette mesure, alors qu'ainsi qu'il a été exposé au point 7, la plainte déposée à son encontre par la commune le 30 août 2019 était en cours d'instruction. La circonstance qu'elle ait fait l'objet d'une mesure de révocation par arrêté du 19 mars 2021, prise après avis favorable du conseil de discipline, ne constitue pas davantage un acte révélant l'existence d'un harcèlement moral à son encontre. De plus, sa requête présentée à l'encontre de cet arrêté a été rejetée par un arrêt de ce jour.

16. Il résulte de tout ce qui précède que les actes invoqués, qu'ils soient considérés isolément ou dans leur ensemble, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence de harcèlement moral contre Mme B..., dès lors qu'ils ne sont soit pas matériellement établis, soit ponctuels ou justifiés par l'intérêt du service ou encore n'excèdent pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'obligation de sécurité :

17. Aux termes de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, aujourd'hui codifié à l'article L. 811-1 du code général de la fonction publique : " Dans les services des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2, les règles applicables en matière d'hygiène et de sécurité sont celles définies par les livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application, ainsi que par l'article L. 717-9 du code rural et de la pêche maritime. Il peut toutefois y être dérogé par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article 3 du décret n° 85-603 du 10 janvier 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale, dans ses dispositions applicables au litige : " En application de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dans les services des collectivités et établissements mentionnés à l'article 1er, les règles applicables en matière de santé et de sécurité sont, sous réserve des dispositions du présent décret, celles définies aux livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application, (...) / Des arrêtés conjoints du ministre chargé des collectivités territoriales et du ministre chargé du travail déterminent, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, les modalités particulières d'application exigées par les conditions spécifiques de fonctionnement de certains services. ". Enfin, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;(...) ", et aux termes de l'article L. 4121-2 du même code : " L'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent être évités ; (...) ".

18. Si Mme B... soutient pour la première fois devant la cour que son employeur aurait méconnu ses obligations en matière de protection de la santé et de la sécurité posées par les dispositions citées au point précédent, elle se borne pour ce faire à invoquer le harcèlement moral dont elle prétend avoir été victime. Il résulte toutefois des points 4 à 16 du présent arrêt qu'elle ne peut être regardée comme ayant été victime, notamment de la part de son employeur, d'agissements relevant d'une situation de harcèlement moral et de comportements vexatoires. Par suite, un tel moyen ne peut qu'être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente de l'ordonnance de règlement de l'information judiciaire en cours devant un juge d'instruction de Montpellier à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de la commune de Saint-Clément-de-Rivière formée le 30 août 2019, laquelle demande ne présente pas d'utilité à la solution du présent litige, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Clément-de-Rivière, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

21. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Saint-Clément-de-Rivière en application de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera à la commune de Saint-Clément-de-Rivière la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Saint-Clément-de-Rivière.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°21TL02606 2


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL02606
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Anne Blin
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : GIL, CROS SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-05-23;21tl02606 ?
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