Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 14 octobre 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier spécialisé Léon-Jean Grégory de Thuir a fixé la date de consolidation de son accident de travail au 12 juin 2019 et l'a placée en congé de maladie ordinaire à compter du 13 juin 2019, et d'enjoindre au centre hospitalier de Thuir, après un nouvel examen de son dossier, de la placer en congé pour accident de service à compter du 12 juin 2019 avec toutes conséquences de droit, notamment concernant la régularisation administrative de sa carrière professionnelle.
Par un jugement n° 1906637 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juin 2022, Mme B... A..., représentée par Me Manya, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 avril 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 14 octobre 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Thuir a fixé la date de consolidation de son accident de travail au 12 juin 2019 et l'a placée en congé de maladie ordinaire à compter du 13 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Thuir, après un nouvel examen de son dossier, de la placer en congé pour accident de service à compter du 12 juin 2019 avec toutes conséquences de droit, notamment concernant la régularisation administrative de sa carrière professionnelle ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Thuir la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision est entachée d'un vice de procédure en ce que la saisine de la commission de réforme n'était requise par aucun texte : elle a été privée d'une garantie substantielle dès lors que le centre hospitalier a suivi l'avis de cette commission sans lui permettre de le contester ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation, en méconnaissance du 6° de l'article L. 211-2 du code des relations entre l'administration et le public ;
- elle est entachée d'erreur de droit en ce que le centre hospitalier s'est cru lié par l'avis de la commission de réforme ; le tribunal n'a pas statué sur ce moyen ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle reste inapte à ses fonctions et qu'il existe un lien direct entre la pathologie actuelle et l'accident de service.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 janvier 2023, le centre hospitalier spécialisé Léon-Jean Grégory de Thuir, représenté par la SCP Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et Associés, conclut au rejet de la requête et demande de condamner Mme A... à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- aucun des moyens invoqués n'est fondé ;
- à titre subsidiaire, il y a lieu de prononcer un non-lieu à statuer.
Par ordonnance du 24 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 22 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bardoux substituant Me Manya représentant Mme A..., et de Me Constans représentant le centre hospitalier spécialisé Léon-Jean Grégory de Thuir.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., aide-soignante au centre hospitalier spécialisé Léon-Jean Grégory de Thuir (Pyrénées-Orientales) depuis 1995, a été victime, les 9 juin et 17 novembre 2017 d'accidents de service à l'origine de douleurs lombaires. Par décision du 1er juin 2018, le directeur du centre hospitalier a reconnu imputable au service une rechute en date du 24 mai 2018. Par décision du 14 octobre 2019, il a fixé la date de consolidation de cet accident au 12 juin 2019 et prononcé le placement de Mme A... en congé de maladie ordinaire à compter du 13 juin 2019. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 14 octobre 2019. Elle relève appel du jugement du 7 avril 2022 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du point 4 du jugement contesté que les premiers juges ont répondu avec une motivation suffisante au moyen selon lequel la décision du 14 octobre 2019 serait entachée d'erreur de droit en ce que le directeur du centre hospitalier se serait cru lié par l'avis de la commission de réforme. En conséquence, le jugement attaqué ne peut être regardé comme étant entaché d'une omission à statuer ou d'une insuffisance de motivation de ce chef.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 16 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière, dans sa version alors en vigueur : " La commission départementale de réforme des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée si la maladie provient de l'une des causes prévues au deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. La commission de réforme n'est pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. La commission de réforme peut, en tant que de besoin, demander à l'administration de lui communiquer les décisions reconnaissant l'imputabilité ". L'article 21 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique hospitalière prévoit que : " La commission de réforme donne son avis sur l'imputabilité au service ou à l'un des actes de dévouement prévus aux articles 31 et 36 du décret du 26 décembre 2003 susvisé de l'infirmité pouvant donner droit aux différents avantages énumérés à l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisé et aux articles 41 et 41-1 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. Elle doit également donner son avis sur le caractère provisoire ou définitif de l'inaptitude constatée et, le cas échéant, sur l'aptitude de l'intéressé à occuper un emploi adapté à son état physique qui peut lui être offert par l'autorité investie du pouvoir de nomination (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, par décision du 1er juin 2018, le centre hospitalier a reconnu l'imputabilité au service de l'accident déclaré par Mme A... le 24 mai 2018 au titre de la rechute de l'accident de service survenu le 17 novembre 2017. Toutefois, à la suite de l'expertise médicale rendue le 12 juin 2019 estimant que la date de consolidation de l'état de Mme A... pouvait être fixée à cette même date, qu'au-delà du 12 juin 2019 les arrêts et soins de l'intéressée relevaient d'une prise en charge au titre de la maladie ordinaire et qu'elle était atteinte d'une incapacité permanente partielle au taux de 10%, le directeur du centre hospitalier l'a informée, par un courrier du 4 juillet 2019, de la saisine de la commission départementale de réforme et, dans l'attente de cet avis, de ce qu'elle était placée en position de maladie ordinaire dès le 12 juin 2019. Dès lors que le centre hospitalier envisageait de mettre fin à l'imputabilité au service des arrêts de travail présentés par Mme A..., il était fondé à saisir la commission de réforme. En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, la lettre de notification l'informait de la possibilité de contester la décision de la commission de réforme. Le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision attaquée du fait de la saisine de la commission de réforme doit dès lors être écarté.
5. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation dont serait entachée la décision contestée, et de l'erreur de droit en ce que le centre hospitalier se serait cru lié par l'avis de la commission de réforme, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 4 de son jugement.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions que le droit de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions.
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui présentait une lombosciatique chronique L5 gauche depuis plusieurs mois, a subi, le 10 septembre 2018, une intervention chirurgicale consistant en une exérèse d'hernie discale lombaire. Les expertises médicales menées le 24 octobre 2018 et le 12 juin 2019 ont reconnu le lien entre cette intervention et l'accident de travail dont Mme A... a été victime le 17 novembre 2017 en manipulant une patiente en état d'obésité qui venait de faire un malaise. Si l'expert a relevé, dans la seconde expertise, que l'intéressée souffrait de lombalgies chroniques au décours de la cure chirurgicale de sa hernie discale et a fait état d'un lien médical d'aggravation entre les séquelles de l'accident de service du 17 novembre 2017 et l'état antérieur de l'intéressée, il a conclu à la consolidation, le 12 juin 2019, des séquelles en lien avec l'accident de travail et l'opération menée consécutivement. Mme A... soutient que ses arrêts de travail postérieurs au 12 juin 2019 sont en lien direct avec l'accident de service du 17 novembre 2017 et à la rechute du 24 mai 2018. Toutefois, il ressort des expertises médicales précitées ainsi que de la première expertise établie le 4 août 2017, que l'intéressée présente un état antérieur de sciatalgies gauches et de discopathies débutantes étagées, révélé par les examens d'imagerie par résonance magnétique effectués dès le 24 novembre 2016. Alors que Mme A... avait déjà présenté un épisode de lombalgie et radiculalgie gauche, aucune pièce médicale ne permet d'établir un lien entre ses arrêts de travail à compter du 13 juin 2019 et l'accident de service dont elle a été victime. A cet égard, le certificat médical produit pour la première fois en appel, faisant état de l'apparition de nouvelles douleurs lombaires en lien avec la pathologie discale L4 L5, qui a été établi par un médecin du sport le 14 avril 2021, soit près de deux ans après la date d'effet de la décision contestée, ne permet pas de justifier du lien direct entre les arrêts de travail postérieurs au 12 juin 2019 et l'accident du 17 novembre 2017. Par ailleurs, si la requérante persiste à se prévaloir de l'existence d'une pathologie dépressive, en lien avec l'accident de travail survenu le 17 novembre 2017, il ressort des pièces du dossier qu'elle a informé le centre hospitalier de cette nouvelle pathologie par courrier du 23 novembre 2019, accompagné d'un certificat médical en date du 20 novembre 2019, soit postérieurement à la décision en litige. En outre, la circonstance qu'elle soit potentiellement inapte à une reprise sur ses fonctions antérieures ne permet pas de conclure que son état ne serait pas consolidé, alors au demeurant qu'il est constant que Mme A... est atteinte de séquelles permanentes puisqu'un taux d'incapacité permanente partielle a été fixé à 10 %. Dans ces conditions, en fixant la date de consolidation de son état de santé au 12 juin 2019 et en estimant que les arrêts de travail postérieurs relevaient du congé de maladie ordinaire, le directeur du centre hospitalier n'a entaché sa décision d'aucune erreur d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Thuir, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Thuir en application de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier spécialisé Léon-Jean Grégory de Thuir en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier spécialisé Léon-Jean Grégory de Thuir.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°22TL21297 2
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