Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 30 mars 2021 par lequel la préfète du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2103711 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2022, et des mémoires, enregistrés le 7 février 2023 et le 4 avril 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me Sadek, doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 juillet 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 30 mars 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " sous astreinte de cent euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué a été adopté par une autorité incompétente dès lors que la délégation de signature accordée à M. B... est subordonnée à l'absence ou à l'empêchement du préfet et qu'il n'est pas établi que cette délégation en date du 13 août 2020, était valable à la date d'adoption de cet arrêté ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- la décision portant refus de séjour a été adoptée aux termes d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ; cette commission devait être saisie dès lors qu'elle remplit les conditions posées par le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle remplit les conditions pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle a fixé le centre de ses intérêts personnels et familiaux en France ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2023, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 4 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 mai 2023 à 12 heures.
Par une décision du 7 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à Mme A... l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Beltrami.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante comorienne, née le 23 octobre 1986, a obtenu, le 27 avril 2016, un titre de séjour " vie privée et familiale " valable jusqu'au 9 mars 2021, n'autorisant son séjour qu'à Mayotte. Après être entrée en France métropolitaine, le 5 septembre 2020, elle a demandé, le 5 février 2021, la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " valable en métropole. Par un arrêté du 30 mars 2021, la préfète du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Saisi d'une requête tendant notamment à l'annulation de cette décision, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 13 juillet 2022 dont Mme A... relève appel, rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En premier lieu, par un arrêté du 13 août 2020, régulièrement publié le 14 août 2020 au recueil des actes administratifs de la préfecture et en vigueur à la date des arrêtés en litige, la préfète du Tarn a donné délégation à M. Michel Laborie, secrétaire général, à l'effet de signer les décisions prises en matière de police des étrangers. Cette délégation de signature n'étant pas subordonnée à l'empêchement ou à l'absence de la préfète, la circonstance, à la supposer établie, que la préfète n'ait pas été absente ou empêchée, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige. De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier que postérieurement à l'arrêté du 13 août 2020 et antérieurement à l'arrêté attaqué, la préfète du Tarn aurait donné délégation de signature à une autre personne. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait et doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué par adoption de motifs retenus à bon droit par le tribunal.
4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète se serait abstenue de procéder à un examen réel et sérieux de la situation de Mme A... dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que celle-ci aurait porté à la connaissance de l'administration des éléments concernant l'état de santé de son fils.
5. En quatrième lieu, en vertu du deuxième alinéa de cet article L. 832-2, alors applicable, " les ressortissants de pays figurant sur la liste (...) des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres, qui résident régulièrement à Mayotte sous couvert d'un titre de séjour n'autorisant que le séjour à Mayotte et qui souhaitent se rendre dans un autre département doivent obtenir un visa. Ce visa est délivré, pour une durée et dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, par le représentant de l'État à Mayotte après avis du représentant de l'État dans le département où ils se rendent, en tenant compte notamment du risque de maintien irrégulier des intéressés hors du territoire de Mayotte et des considérations d'ordre public ". L'article R. 832-2 du même code, alors en vigueur, précise que : " L'étranger qui sollicite le visa prévu à l'article L. 832-2 présente son document de voyage, le titre sous couvert duquel il est autorisé à séjourner à Mayotte, les documents permettant d'établir les conditions de son séjour dans le département de destination, les moyens d'existence lui permettant de faire face à ses frais de séjour ainsi que les garanties de son retour à Mayotte. / Sauf circonstances exceptionnelles, ce visa ne peut lui être délivré pour une durée de séjour excédant trois mois (...) ". Ces dispositions instituent une autorisation spéciale, délivrée par le représentant de l'État à Mayotte, que doit obtenir l'étranger titulaire d'un titre de séjour délivré à Mayotte dont la validité est limitée à ce département, lorsqu'il entend se rendre dans un autre département. La délivrance de cette autorisation spéciale, sous conditions que l'étranger établisse les moyens d'existence lui permettant de faire face à ses frais de séjour et les garanties de son retour à Mayotte, revient à étendre la validité territoriale du titre de séjour qui a été délivré à Mayotte, pour une durée qui ne peut en principe excéder trois mois.
6. Les dispositions de l'article L. 832-2, qui subordonnent ainsi l'accès aux autres départements de l'étranger titulaire d'un titre de séjour délivré à Mayotte à l'obtention de cette autorisation spéciale, font obstacle à ce que cet étranger, s'il gagne un autre département sans avoir obtenu cette autorisation, puisse prétendre dans cet autre département à la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions de droit commun et en particulier de plein droit de la carte de séjour temporaire telle que prévue à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il est constant que Mme A... n'a ni obtenu ni même sollicité l'autorisation spéciale prévue par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 5. Dès lors, elle ne pouvait prétendre à obtenir le bénéfice de plein droit d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 6° ou du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 6° et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peuvent qu'être écartés.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Le préfet ou, à Paris, le préfet de police saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance. (...) ". Le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues pour la délivrance des titres visées par cet article.
9. Mme A... n'étant pas, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète n'était pas tenue de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.
10. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. À la date de l'arrêté attaqué, Mme A..., âgée de 34 ans, était entrée en France depuis moins de six mois, accompagnée d'un de ses enfants français, né le 17 janvier 2011 à Mayotte, pour rejoindre son compagnon, de nationalité comorienne, et leurs trois enfants communs. Toutefois, la présence en métropole de son compagnon, qui a déclaré un domicile dans le Tarn, le 29 janvier 2020, et la scolarisation sur le territoire national de leurs enfants communs présentaient un caractère récent. En outre, l'obtention le 28 juin 2021 de la nationalité française par l'un de ses enfants, née à Mayotte le 3 février 2008, et la naissance, le 7 novembre 2021, d'une fille issue de son union avec son compatriote, constituent des événements postérieurs à l'arrêté attaqué. Si l'intéressée fait état de la nécessité de poursuivre en France la prise en charge médicale et éducative de son fils, né en 2013 à Mayotte, souffrant d'une épilepsie séquellaire, elle n'apporte cependant aucun élément circonstancié de nature à contredire les pièces produites par l'administration. À cet égard, le médicament antiépileptique qui est prescrit à son fils est disponible aux Comores et Mayotte est doté d'un institut médicoéducatif, créé en 2002, qui a vocation à accueillir et à accompagner les enfants porteurs de handicaps ou de déficiences intellectuelles. Enfin, ni Mme A..., ni son compagnon ne justifient de leur insertion sociale ou professionnelle en France. Elle n'établit pas, par ailleurs, être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où elle a vécu longtemps avant son arrivée en France. Ainsi, rien ne s'oppose à ce que la vie familiale du couple et de leurs enfants se poursuivent à Mayotte ou aux Comores. Dans ces conditions, la préfète du Tarn, qui n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect d'une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cet arrêté, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.
12. En septième lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
13. Pour les motifs exposés au point 11, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue aux Comores ou à Mayotte. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doit être écarté.
14. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".
15. Si, à la date de la décision attaquée, Mme A... réside avec un de ses enfants, français et mineur, elle ne justifie pas cependant par les pièces qu'elle produit, contribuer à l'entretien et à l'éducation de celui-ci depuis sa naissance. Par suite, elle ne peut prétendre à la protection contre les mesures d'éloignement prévue par le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article ne peut qu'être écarté.
16. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 30 mars 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'Intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2024 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL22139