Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... et M. E... A..., agissant pour le compte de leur enfant mineur B... A..., ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Saint-Génis-des-Fontaines à verser à leur enfant la somme de 77 260 euros en réparation des préjudices résultant de son accident survenu le 12 octobre 2006 à l'intérieur du skate park communal, assortie des intérêts de retard et de leur capitalisation. Ils ont également demandé à ce tribunal de condamner cette commune à leur verser, en qualité de victimes indirectes, à Mme D..., la somme de 11 904,60 euros et, à M. A..., celle de 5 000 euros en réparation de leurs préjudices personnels, assorties des intérêts de retard et de leur capitalisation.
Par un jugement n° 2100514 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 août 2022, et un mémoire en réplique, enregistré le 1er février 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme D... et M. A..., agissant pour le compte de B..., leur fils mineur, et en leur nom propre, représentés par Me Pons-Serradeil, doivent être regardés comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 juin 2022 ;
2°) de condamner la commune de Saint-Génis-des-Fontaines à verser à leur enfant la somme de 77 260 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts retard et de leur capitalisation ;
3°) de condamner cette commune à verser à Mme D..., la somme de 8 000 euros et à M. A... celle de 5 000 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts de retard et de leur capitalisation ;
4°) de mettre à la charge de cette commune les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 2 199 euros toutes taxes comprises ;
5°) de mettre à la charge de cette commune la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la commune de Saint-Génis-des-Fontaines a engagé sa responsabilité sur le fondement du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public que constitue le module du skate park sur lequel B... a chuté dès lors que ce module était dépourvu des gardes corps initialement présents et ôtés par la commune et que l'absence de quatrième pente de ce module n'était pas signalée ;
- en méconnaissance des décrets n° 94-699 du 10 août 1994 et n° 96-1136 du 18 décembre 1996, la commune n'a respecté ni son obligation de protéger les parties d'équipement élevées pour éviter le risque de chute accidentelle ni son obligation d'affichage des consignes de sécurité pour l'utilisation des équipements du skate park ; ces défauts relèvent d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage ;
- l'accident dont a été victime B... est directement imputable au défaut d'affichage des consignes de sécurité ; aucun manque de prudence ou de vigilance ne saurait être reproché à la victime et à ses parents ;
- B... n'utilisait pas le module du skate park de manière anormale ;
- le montant provisoire de l'indemnité à laquelle peut prétendre la victime directe de l'accident en réparation de l'ensemble des préjudices subis, s'élève à la somme de 77 260 euros ;
- en qualité de victimes indirectes, la mère et le père de la victime directe ont droit à une indemnité respective de 8 000 euros et de 5 000 euros en réparation des préjudices subis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2023, la commune de Saint-Génis-des-Fontaines, représentée par Me Pons et Me Liégeois, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit mis à la charge solidaire des appelants les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 2 199 euros toutes taxes comprises ;
3°) et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire des appelants la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, la preuve de la matérialité des faits n'est pas rapportée ;
- à titre subsidiaire, sa responsabilité ne peut être engagée sur le fondement du défaut d'entretien normal de l'ouvrage incriminé ; d'une part, la réglementation issue du décret n° 94-699 du 10 août 1994 ne s'applique pas au skate park, qui ne présente pas le caractère d'une aire collective de jeux au sens de ce décret, d'autre part, l'absence d'affichage de consignes de sécurité ne révèle pas, à lui seul, un défaut d'entretien normal de l'ouvrage ;
- le lien de causalité entre le défaut allégué d'affichage des consignes de sécurité sur le skate parc et l'accident n'est pas établi ;
- la preuve de l'entretien normal du mobilier urbain incriminé est rapportée ;
- à supposer que sa responsabilité soit retenue, elle doit être entièrement exonérée compte tenue de la faute d'imprudence de la victime et du défaut de surveillance ;
- l'indemnité réclamée au titre des préjudices subis par la victime directe doit être ramenée à de plus justes proportions ;
- la réalité des préjudices subis par la mère et le père de la victime n'est pas justifiée.
Vu les autres pièces du deux dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le décret n° 94-699 du 10 août 1994 ;
- le décret n° 96-1136 du 18 décembre 1996 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami, rapporteure,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Pons Serradeil, représentant les appelants et celles de Me Liégeois, représentant la commune de Saint-Génis-des-Fontaines
Considérant ce qui suit :
1. Le 12 octobre 2016, B... A..., âgé de 9 ans, a été victime d'une chute à vélo sur une aire aménagée par la commune de ...(Pyrénées-Orientales) pour la pratique acrobatique de la planche à roulettes, du patin à roulettes ou du vélo (" skate park ") où il se rendait pour la première fois, en présence de sa mère, provoquant de multiples fractures du massif facial, hématomes et lésions dentaires. Le 10 août 2018, Mme D... et M. A..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur enfant mineur, ont présenté à la commune de Saint-Génis-des Fontaines une demande préalable indemnitaire fondée sur le défaut d'entretien de l'ouvrage public. Une décision implicite de rejet de leur demande est née du silence gardé par cette commune pendant deux mois. Sur leur demande du 16 octobre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a désigné un expert aux fins de déterminer l'étendue des préjudices subis par leur fils à la suite de l'accident. L'expert a déposé son rapport le 7 février 2019. Mme D... et M. A... relèvent appel du jugement du 9 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes indemnitaires.
Sur la responsabilité de la commune pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage :
2. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit que l'ouvrage était en état d'entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.
3. Par ailleurs, l'autorité responsable d'un ouvrage public répond de plein droit à l'égard des usagers du défaut d'entretien normal tenant, notamment, à l'aménagement de l'ouvrage pourvu que l'usager en fasse un usage conforme à sa destination normale.
4. Il résulte de l'instruction et notamment des attestations produites par les appelants que B... s'est élancé à vélo sur la pente centrale du module " demi pyramide " du skate park communal, qui est constitué de deux autres pentes latérales, et a chuté du haut de la plate-forme, qui n'est prolongée par aucune pente descendante et ne comporte aucun garde-corps. Ces éléments établissent que ce module, qui constitue un ouvrage public, est à l'origine de la chute accidentelle de B..., lequel avait la qualité d'usager de cet ouvrage.
5. La réglementation issue du décret du 10 août 1994 fixant les exigences de sécurité relatives aux équipements d'aires collectives de jeux et du décret du 18 décembre 1996 fixant les prescriptions de sécurité relatives aux aires collectives de jeux, ne s'applique qu'aux aires collectives de jeux et non aux terrains de sport conformément à l'article 1 du décret du 18 décembre 1996. Or, un skate park s'analyse en un espace dédié à la pratique des sports de glisse urbains et doit, en conséquence, être regardé comme constituant non pas une aire collective de jeux au sens de ces décrets mais un terrain de sport. Il en résulte que la commune de ... n'était pas tenue d'appliquer les prescriptions essentielles de sécurité prévues par les annexes des décrets du 10 août 1994 et du 18 décembre 1996.
6. Par ailleurs, aucune législation ou réglementation n'imposait à la commune de ... d'afficher les consignes de sécurité et d'utilisation des différents modules du skate park. À cet égard, un skate park présente la caractéristique que l'usage des modules et des équipements qui le composent, est, par principe, risqué. Ainsi, il appartient à un usager qui pénètre dans cet espace d'avoir une connaissance de l'utilisation normale des modules et un minimum de maîtrise pour ne pas s'exposer à un risque anormal pour sa sécurité et celle des autres usagers. En l'espèce, la victime, âgée de neuf ans, était accompagnée de sa mère, qui ne pouvait ignorer les risques auxquels elle exposait son fils, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il avait une pratique régulière des sports de glisse, en le laissant utiliser les équipements du skate park qu'ils fréquentaient pour la première fois. Compte tenu de la configuration de ce skate park composé seulement de trois modules suffisamment éloignés les uns des autres, la mère de la victime, qui aurait dû s'assurer de son aménagement, ne pouvait que constater, sauf à manquer de vigilance, par une simple inspection visuelle que le module demi pyramide ne comportait pas une quatrième face. En effet, ce module, sur lequel B... s'est élancé, a vocation à être utilisé par les pratiquants pour passer en " transfert " c'est-à-dire d'une face à une autre de la pyramide en sautant au-dessus de la partie la plus haute. La conception et l'aménagement de ce type d'équipement ne supposent donc pas la présence d'un garde-corps sur sa partie la plus haute. En conséquence, l'aménagement de l'ouvrage concerné était conforme à l'usage pour lequel il était conçu.
7. Il s'évince de ce qui a été dit précédemment que la commune de ... rapporte la preuve de l'entretien et de l'aménagement normal de l'ouvrage à l'origine de la chute accidentelle de B....
8. Dès lors, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes indemnitaires.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de ..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme réclamée par les appelants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des appelants le versement à cette commune de la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de Mme D... et de M. A... est rejetée.
Article 2 : Mme D... et M. A... verseront à la commune de ... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., à M. E... A..., à la commune de ... et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2024 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21778