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25/04/2024 | FRANCE | N°23TL01739

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 25 avril 2024, 23TL01739


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le préfet des Pyrénées-Orientales a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 février 2022 par lequel le maire de Pia a délivré un permis d'aménager à la société par actions simplifiée Alpha JV en vue de la réalisation d'un lotissement de trente lots à bâtir.



Par un jugement n° 2204400 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté son déféré.



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Par une requête enregistrée le 17 juillet 2023 le préfet des Pyrénées-Orientales demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Pyrénées-Orientales a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 février 2022 par lequel le maire de Pia a délivré un permis d'aménager à la société par actions simplifiée Alpha JV en vue de la réalisation d'un lotissement de trente lots à bâtir.

Par un jugement n° 2204400 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté son déféré.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2023 le préfet des Pyrénées-Orientales demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement

2°) d'annuler l'arrêté du maire de de Pia en date du 9 février 2022.

Il soutient que :

- la station d'épuration des eaux usées de la commune de Pia a été déclarée non-conforme en 2015 pour non-respect des performances puis non-conforme en équipement depuis 2020 ;

- par courrier du 16 juin 2022, la commune a été informée de sa mise en demeure prochaine de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la station d'épuration, seules à même de permettre la levée des restrictions en matière d'autorisations d'urbanisme et un arrêté du 21 juillet 2022 a rendu cette mise en demeure effective ;

- l'ensemble des travaux prévus au niveau de la station d'épuration de Pia sont insuffisants au regard de la mise en demeure édictée à l'encontre de la commune le 27 juillet 2022 et de la directive européenne Eaux Résiduaires Urbaines (ERU) du 21 mai 1991, de sorte que le permis d'aménager ne pouvait être délivré sans méconnaître l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- alors que la conformité du système d'assainissement s'établit non seulement au regard du traitement mais également au regard de la collecte des eaux usées, le système d'assainissement de la commune affiche de nombreux dysfonctionnements dans l'exploitation ;

- il est relevé des non-conformités persistantes au niveau des effluents traités par la station et, pour les années 2021 et 2022, aucune donnée n'a été transmise aux services de l'Etat ;

- les premiers juges n'ont pas pris en compte le volet réseau de collecte d'assainissement qui présente des défaillances structurelles ;

- il ne peut être pris en compte des critères non-règlementaires tenant au rapport sur le prix et la qualité du service pour établir la faisabilité du projet d'aménagement ;

- ce projet, qui comporte un nombre important de lots à bâtir, va aggraver la situation existante par l'augmentation d'effluents à traiter et à collecter, et constitue ainsi une atteinte à la salubrité publique.

Par un courrier, enregistré le 7 septembre 2023, la SAS Alpha JV représentée par son président, M. A..., demande à la cour " de reconsidérer la demande de retrait du permis d'aménager et de le [lui] accorder ".

Par un mémoire en défense enregistré le 21 septembre 2023, la commune de Pia, représentée par la SCP HGetC Avocats, conclut à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

En application de l'article R. 611-11 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 1er décembre 2023 par une ordonnance en date du 4 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 91/271 du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 21 juillet 2015 modifié relatif aux systèmes d'assainissement collectif et aux installations d'assainissement non collectif, à l'exception des installations d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- et les observations de Me Henry, représentant la commune de Pia.

Considérant ce qui suit :

1. La société Alpha JV a déposé auprès de la commune de Pia (Pyrénées-Orientales), le 1er octobre 2021, une demande de permis d'aménager pour la création d'un lotissement de trente lots à bâtir sur le terrain cadastré section AZ n° 39 situé route de Perpignan. Le maire de Pia a délivré le permis d'aménager sollicité le 9 février 2022. Par un recours gracieux du 29 avril 2022, réceptionné le 4 mai suivant, le préfet des Pyrénées-Orientales a demandé au maire de retirer ce permis d'aménager. Un rejet implicite a été opposé à cette demande. Par le jugement susvisé du 16 mai 2023, dont le préfet relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande d'annulation formée par le préfet des Pyrénées-Orientales à l'encontre de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité ou de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la conformité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. Lorsqu'un projet est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui permettraient d'assurer la conformité du projet, sans y apporter de modifications substantielles nécessitant une nouvelle demande.

4. Enfin, aux termes de l'article R. 2224-10 du code général des collectivités territoriales : " Les communes dont tout ou partie du territoire est compris dans une agglomération d'assainissement dont les populations et les activités économiques produisent des eaux usées dont la charge brute de pollution organique est supérieure à 120 kg par jour doivent être équipées, pour la partie concernée de leur territoire, d'un système de collecte des eaux usées ". Aux termes de l'article R. 2224-11 du même code : " Les eaux entrant dans un système de collecte des eaux usées doivent, sauf dans le cas de situations inhabituelles, notamment de celles dues à de fortes pluies, être soumises à un traitement avant d'être rejetées dans le milieu naturel, dans les conditions fixées aux articles R. 2224-12 à R. 2224-17 ci-après. Un arrêté des ministres chargés de la santé et de l'environnement fixe les prescriptions techniques minimales qui permettent de garantir l'efficacité de l'épuration des eaux usées, en ce qui concerne notamment la " demande biochimique en oxygène " (DBO), la " demande chimique en oxygène " (DCO), les matières en suspension (MES), le phosphore et l'azote. Lorsque l'installation est soumise à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-2 à L. 214-6 du code de l'environnement, les prescriptions techniques minimales prévues à l'alinéa précédent peuvent être complétées ou renforcées par les arrêtés préfectoraux pris en application des articles 13 et 15 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993 ou les mesures édictées en application des articles 31 et 32 du même décret. ". Selon l'article 3 de l'arrêté du 21 juillet 2015 susvisé : " Principes généraux. Le maître d'ouvrage met en place une installation d'assainissement non collectif ou un système d'assainissement collectif permettant la collecte, le transport et le traitement avant évacuation des eaux usées produites par l'agglomération d'assainissement, sans porter atteinte à la salubrité publique, à l'état des eaux (au sens des directives du 23 octobre 2000 et du 17 juin 2008 susvisées) et, le cas échéant, aux éventuels usages sensibles mentionnés à l'article 2 ci-dessus. Les systèmes d'assainissement sont implantés, conçus, dimensionnés, exploités en tenant compte des variations saisonnières des charges de pollution et entretenus, conformément aux dispositions des chapitres I et II ci-dessous, de manière à atteindre, hors situations inhabituelles, les performances fixées par le présent arrêté. Le maître d'ouvrage met en place un dispositif d'autosurveillance et en transmet les résultats au service en charge du contrôle, et à l'agence de l'eau ou office de l'eau conformément aux dispositions du chapitre III. (...) Le service en charge du contrôle évalue la conformité des systèmes d'assainissement en s'appuyant sur l'ensemble des éléments à sa disposition, notamment les résultats d'auto-surveillance, selon les dispositions du chapitre IV ci-dessous. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Pia dispose d'une station d'épuration de type boues activées à faible charge avec un fonctionnement séquencé (SBR), mise en service le 1er août 2011 dont la capacité nominale de traitement des eaux usées est de 12 000 équivalent-habitant (EH), extensible à 18 000 EH par ajout d'une cellule SBR. La mesure de demande biochimique en oxygène 5, dite DBO5, qui calcule la différence entre le taux d'oxygène initial et la concentration restante après cinq jours, donne une indication sur la qualité d'un cours d'eau à un instant donné ou sur la pollution représentée par un rejet et son impact sur le milieu récepteur et constitue ainsi une unité de mesure permettant d'évaluer la capacité d'une station d'épuration. En l'espèce, la capacité théorique de traitement de la station d'épuration de la commune de Pia est de 720 kilogrammes de DBO5/jour. Il ressort également des pièces du dossier que, pour l'année 2019, les services de l'Etat ont relevé 1 421 kilogrammes de DBO5, soit une charge supérieure pour la septième année consécutive à la capacité théorique de traitement de la station mais que, pour l'année 2020, les normes de rejets du système d'assainissement, hormis le paramètre phosphore, ont été respectées pour les autres paramètres dont celui concernant la demande biochimique en oxygène avec 697 kilogrammes de DBO5, soit un relevé inférieur à la capacité théorique de traitement, mais avec une forte variation de cette charge par rapport aux années précédentes. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les éléments de non-conformité de la performance des ouvrages d'épuration de la commune de Pia sont établis.

6. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le service gestionnaire en charge de l'eau, qui a émis un avis favorable le 21 décembre 2021 assorti de prescriptions reprises à l'article 1er de l'arrêté attaqué, aurait relevé une incompatibilité du projet de lotissement avec l'état du système d'assainissement collectif.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, en particulier du courrier du 17 février 2022 du maire de Pia adressé au préfet des Pyrénées-Orientales, que la commune a lancé un programme prévisionnel de travaux avec consultation des entreprises et chiffrage des postes afférents, pour rétablir les performances de la station d'épuration consistant, outre le remplacement des pompes d'injection de chlorure ferrique dans le cadre du traitement du phosphore, en la mise en conformité au cours de l'année 2022 du dispositif d'autosurveillance de la station d'épuration avec les normes de l'arrêté ministériel du 21 juillet 2015 et au cours de cette année 2022 et pour les années suivantes, en des travaux d'amélioration du fonctionnement de la station d'épuration. Il ressort également des pièces du dossier que l'ensemble de ces travaux étaient en cours d'exécution à la fin du troisième trimestre 2022 et que la note technique de mise en conformité de la station d'épuration établie en dernier lieu le 18 septembre 2023 détaille les travaux réalisés pour la période 2022-2023 notamment sur les postes d'autosurveillance, le traitement du phosphore, la réhabilitation des réseaux d'assainissement et, au demeurant, conclut à l'amélioration du fonctionnement de la station d'épuration, soit à l'entrée des flux de pollution d'une marge de 3 700 EH pour l'exercice 2022, c'est-à-dire l'absence de dépassement de la capacité nominale de traitement de la station d'épuration , et en sortie, une nette amélioration de la qualité des rejets de la station sur les années 2022-2023. Ainsi, l'ensemble de ces éléments traduisent une volonté manifeste de la commune, à la date de l'arrêté attaqué, de mener les travaux nécessaires sur la station d'épuration et le réseau s'assainissement, au vu d'un calendrier précisément établi et en cours d'exécution. A cet égard, si le préfet a adressé le 27 juillet 2022 à la commune de Pia, postérieurement à la date du permis d'aménager accordé, une mise en demeure de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité du système d'assainissement collectif, avec un échéancier de mise en conformité, dont une date du 31 décembre 2026 pour la mise en conformité de l'ensemble du réseau de collecte, cet arrêté de mise en demeure n'est pas de nature à infirmer la réalité et l'avancée des travaux d'amélioration engagés par la commune à la date de la décision en litige. Dans ces conditions, alors qu'au reste le préfet des Pyrénées-Orientales ne conteste pas utilement qu'à la date de la délivrance du permis en litige les normes de rejets du système d'assainissement ont été respectées notamment pour le paramètre DBO5, sauf le paramètre phosphore, et que les travaux et actions dont fait état la commune de Pia nécessaires à la mise en conformité des équipements de collecte et de traitement sont programmés et en cours d'exécution avancée, il n'est pas démontré par la partie appelante que la charge d'urbanisation induite par le projet de lotissement autorisé, au regard de l'état de fonctionnement du système du réseau d'assainissement collectif, en particulier de celui de la station d'épuration dont la capacité demeure suffisante au regard des habitants desservis, présenterait un risque d'atteinte à la sécurité ou à la salubrité publique. Par conséquent, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourra être remédié ultérieurement, lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises, au risque pour la salubrité et la sécurité publiques invoqué, le maire de Pia n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en délivrant le permis d'aménager en litige.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Orientales n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat, qui a dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement à la commune de Pia de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E:

Article 1er : La requête du préfet des Pyrénées-Orientales est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à la commune de Pia au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la commune de Pia et à la société par actions simplifiée Alpha JV.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.

Le rapporteur,

X. Haïli

Le président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 23TL01739

2


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01739
Date de la décision : 25/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Xavier Haïli
Rapporteur public ?: Mme Meunier-Garner
Avocat(s) : SCP HENRY-CHICHET-PAILLES-GARIDOU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-04-25;23tl01739 ?
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