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16/04/2024 | FRANCE | N°23TL01699

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 16 avril 2024, 23TL01699


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Canopée a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté n° PC 046 320 20 90005 du 17 janvier 2023 par lequel la préfète du Lot a délivré à la société par actions simplifiée CS Le Carteyrou un permis de construire pour l'installation d'une centrale photovoltaïque au sol, constituée de trois parcs et de ses équipements annexes, sur un terrain situé au lieu-dit " Le Carteyrou " sur le territoire de la commune de Tour-de-Faure.


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Canopée a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté n° PC 046 320 20 90005 du 17 janvier 2023 par lequel la préfète du Lot a délivré à la société par actions simplifiée CS Le Carteyrou un permis de construire pour l'installation d'une centrale photovoltaïque au sol, constituée de trois parcs et de ses équipements annexes, sur un terrain situé au lieu-dit " Le Carteyrou " sur le territoire de la commune de Tour-de-Faure.

Par une ordonnance n °2301488 du 21 avril 2023, la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une ordonnance n° 475299 du 11 juillet 2023, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête d'appel de l'association Canopée.

Par une requête et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 21 juin 2023 et 7 octobre 2023, l'association Canopée, représentée par Me Cofflard, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'ordonnance du 21 avril 2023 de la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Toulouse.

Elle soutient que :

- le permis de construire en litige porte une atteinte directe au champ matériel et géographique des intérêts statutaires qu'elle défend et le tribunal administratif a commis une erreur de qualification juridique des faits en refusant d'admettre son intérêt à agir ;

- son intérêt à agir est également justifié à raison du champ géographique de ses statuts ainsi que l'a déjà admis le Conseil d'Etat ;

- à titre subsidiaire, c'est à tort que sa demande a été rejetée en application des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative dès lors que le tribunal avait l'obligation de l'inviter à régulariser sa demande au regard des statuts produits.

Les parties ont été informées le 6 mars 2024 en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office tirés, d'une part, de l'irrecevabilité de la requête d'appel en l'absence de preuve de l'accomplissement des formalités de notification en application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation du permis de construire attaqué présentées par l'association Canopée dont l'objet statutaire ne lui confère pas un intérêt à agir contre cette autorisation d'urbanisme.

Des pièces et des observations, produites par l'association Canopée, représentée par Me Cofflard, ont été enregistrées les 6 et 14 mars 2024 en réponse à la communication des moyens susceptibles d'être relevés d'office.

Elle soutient en outre qu'elle justifie de circonstances particulières au sens de l'article L. 600-1-3 du code de l'urbanisme dès lors qu'elle justifie, depuis le 6 décembre 2023, d'un agrément spécial pour la protection de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2024, la société par actions simplifiée CS Le Carteyrou, représentée par Me Elfassi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association Canopée une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, l'association ne justifie pas, au regard de ses statuts, d'un intérêt à agir contre le permis de construire en litige ;

- le tribunal administratif n'avait pas à inviter l'association à régulariser sa demande pour la rejeter comme irrecevable en raison du défaut d'intérêt à agir au regard de l'objet statutaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens d'appel de l'association Canopée ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction est intervenue trois jours francs avant l'audience en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

La société CS Le Carteyrou, représentée par Me Elfassi, a produit un mémoire enregistré le 2 avril 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabert, président,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Cofflard, représentant l'association Canopée,

- et les observations de Me Morti, représentant la société CS Le Carteyrou.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté n° PC 046 320 20 90005 du 17 janvier 2023, la préfète du Lot a délivré à la société CS Le Carteyrou un permis de construire pour la réalisation d'une centrale photovoltaïque composée de trois parcs sur un terrain situé au lieu-dit " Le Carteyrou " sur le territoire de la commune de Tour-de-Faure. Par la présente requête, l'association Canopée relève appel de l'ordonnance du 21 avril 2023 par laquelle la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. D'une part, l'article R. 612-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) ". Aux termes de l'article R. 222-1 du même code : " (...), les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ".

3. D'autre part, l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme prévoit que : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. " L'article L. 600-1-2 du même code dispose que : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. / Le présent article n'est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire. ". Aux termes de l'article L. 600-1-3 de ce code : " Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l'intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. ". Enfin, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 600-4 dudit code : " Lorsqu'elles sont introduites par une association, ces mêmes requêtes doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées des statuts de celle-ci, ainsi que du récépissé attestant de sa déclaration en préfecture. ".

4. Il ressort des pièces de première instance qu'à l'appui de sa demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré par la préfète du Lot à la société CS Le Carteyrou, l'association Canopée a, conformément au deuxième alinéa de l'article R. 600-4 précité, produit devant le tribunal administratif de Toulouse la copie de ses statuts modifiés par l'assemblée générale de l'association du 10 juillet 2019. Alors que les dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de justice administrative ne sont pas applicables au recours formé par une association, la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Toulouse était en situation de porter une appréciation sur l'intérêt à agir de l'association Canopée au regard de son objet statutaire défini à l'article 2 de ses statuts. Elle n'était pas ainsi tenue d'inviter l'association à régulariser sa requête avant de la rejeter par ordonnance après avoir relevé une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance en raison de son défaut d'intérêt pour agir au regard de ses statuts dûment produits. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'ordonnance en raison de l'absence d'invitation à régulariser ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance :

5. Aux termes de l'article 2 des statuts de l'association Canopée : " Cette association a pour objet d'œuvrer à la protection et à la restauration des forêts dans le monde, en soutenant le droit des communautés qui en dépendent. / L'association inscrit son projet dans une dimension d'intérêt général, en s'ouvrant à tous les publics et en préservant à ses activités un caractère non lucratif. / L'association agit de façon indépendante de tout intérêt économique privé, religieux ou politique ".

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet en litige autorisé par la préfète du Lot consiste à installer une centrale photovoltaïque constituée de trois parcs distincts situés sur le territoire de la commune de Tour-de-Faure. Si l'emprise totale de ce projet présente une superficie de 19,16 hectares et a nécessité la délivrance d'une autorisation de défrichement le 17 janvier 2023, la nature et l'importance de ce seul projet situé dans le département du Lot, alors en outre que le siège de l'association se situe dans le département du Maine-et-Loire, ne permettent pas de faire regarder l'association appelante comme justifiant, au regard de son objet statutaire de préserver et restaurer les forêts dans le monde, d'un intérêt suffisant à agir pour demander l'annulation du permis de construire délivré à la société CS Le Carteyrou.

7. D'autre part, l'association Canopée soutient qu'elle bénéficie depuis le 6 décembre 2023 d'un agrément spécial pour la protection de l'environnement pour une période de cinq ans délivré par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et qu'elle justifie ainsi de circonstances particulières au sens et pour l'application de l'article L. 600-1-3 du code de l'urbanisme. Toutefois, l'agrément accordé à l'association appelante le 6 décembre 2023 étant postérieur à la date à laquelle a été enregistrée la demande d'annulation du permis de construire en litige devant le tribunal administratif de Toulouse, cette circonstance ne peut, en tout état de cause, lui conférer un intérêt à agir.

8. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Canopée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association appelante la somme que demande la société CS Le Carteyrou au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par l'association Canopée est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société CS Le Carteyrou sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Canopée, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société par actions simplifiée CS Le Carteyrou.

Copie en sera adressée à la préfète du Lot.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2024.

Le président-rapporteur,

D. Chabert

Le président-assesseur,

X. HaïliLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01699


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01699
Date de la décision : 16/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Denis Chabert
Rapporteur public ?: Mme Meunier-Garner
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-04-16;23tl01699 ?
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