Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... et Mme D... G... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2021 par lequel le maire d'Aubais a accordé un permis de construire à M. et Mme F... en vue de la construction d'une maison individuelle avec garage sur un terrain situé n° 41 impasse des Ecureuils sur le territoire de cette commune.
Par une ordonnance n° 2104241 du 8 août 2023, le président de la première chambre du tribunal administratif de Nîmes a donné acte du désistement de la demande de M. E... et Mme G... par application de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions présentées par M. et Mme F... au titre de l'article L. 761-1 de ce code.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 août 2023, 22 décembre 2023 et 8 février 2024, M. A... E... et Mme D... G..., représentés par Me Reymond, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) à titre principal, d'annuler l'ordonnance n° 2104241 du 8 août 2023 et de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Nîmes ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du maire d'Aubais du 20 juillet 2021 accordant le permis de construire à M. et Mme F... ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Aubais et de M. et Mme F... une somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- à titre principal :
' leur requête d'appel est recevable : les formalités de notification prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne sont pas opposables à leur requête dès lors, d'une part, que l'ordonnance attaquée n'entre pas dans le champ d'application de cet article et, d'autre part, que l'affichage du permis de construire ne mentionnait pas l'obligation de notification ;
' le président de la première chambre du tribunal administratif n'a pas fait une juste application de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative dès lors qu'ils avaient invoqué dans leurs écritures l'instance pendante devant le tribunal judiciaire de Nîmes dont l'issue sera déterminante pour la solution du litige concernant le permis de construire ;
' leur avocat n'a pas été en mesure de prendre connaissance dans le délai imparti des messages électroniques relatifs à la demande de maintien de la requête ; l'accès au dossier était par ailleurs impossible sur l'application informatique Télérecours ;
- à titre subsidiaire :
' leur demande de première instance était recevable : ils justifient d'un intérêt à agir en leur qualité de voisins immédiats ; le recours gracieux présenté par le géomètre mandaté par leurs soins a prorogé le délai de recours contentieux ; ils avaient procédé à la notification de leur recours conformément aux exigences de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
' l'arrêté en litige est entaché d'un vice de forme en l'absence d'identification par un numéro autre que le numéro d'enregistrement du permis de construire ;
' le dossier de permis de construire comporte des informations inexactes s'agissant de la limite séparative entre leur propriété et le terrain d'assiette du projet ;
' le permis de construire ne respecte pas les prescriptions des articles UD 3, UD 6 et UD 12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Aubais.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2023, la commune d'Aubais, représentée par Me Merland, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. E... et Mme G... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, le premier juge a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative ;
- à titre subsidiaire :
' la demande de première instance était irrecevable : le recours gracieux présenté par le géomètre n'avait pas pu proroger le délai de recours contentieux ; les requérants ne justifiaient pas d'un intérêt à agir suffisant ; ils n'avaient pas notifié leur recours à la commune ;
' le permis de construire n'est pas entaché des illégalités invoquées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2023, M. C... F... et Mme B... F..., représentés par Me Bernardin, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. E... et Mme G... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- à titre principal :
' la requête d'appel est irrecevable en ce qu'elle n'a pas fait l'objet des notifications prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
' l'ordonnance attaquée procède d'une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative ;
- à titre subsidiaire :
' la demande de première instance était irrecevable : le recours gracieux présenté par le géomètre n'avait pas pu proroger le délai de recours contentieux ; les requérants ne justifiaient pas d'un intérêt à agir suffisant ; ils n'avaient pas notifié leur recours à la commune ;
' le permis de construire n'est pas entaché des illégalités invoquées.
Par une ordonnance du 12 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 8 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Lenoir, représentant la commune d'Aubais, et celles de Me Bernardin, représentant M. et Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme F... ont déposé le 7 mai 2021 une demande de permis de construire pour la réalisation d'une maison individuelle avec garage sur la parcelle cadastrée section B n° 2534 située au n° 41 de l'impasse des Ecureuils sur le territoire de la commune d'Aubais (Gard). Par un arrêté du 20 juillet 2021, le maire de cette commune leur a accordé le permis ainsi sollicité. M. E... et Mme G... sont propriétaires et résident sur la parcelle cadastrée ..., laquelle est limitrophe du terrain d'assiette du projet. Les intéressés ont saisi le tribunal administratif de Nîmes, le 9 décembre 2021, d'une demande tendant à l'annulation du permis de construire accordé aux époux F... le 20 juillet 2021. Par un courrier adressé le 14 juin 2023 sur le fondement de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, le président de la première chambre du tribunal administratif de Nîmes a indiqué s'interroger sur l'intérêt que conservait la demande de M. E... et Mme G... et a invité leur avocat à produire, dans le délai d'un mois, soit un mémoire, soit une lettre maintenant les conclusions de la demande, soit une lettre de désistement, en précisant qu'ils seraient réputés s'être désistés de leurs conclusions à défaut de confirmation dans le délai imparti. En l'absence de réponse à ce courrier dans ce délai, le président de la première chambre du tribunal administratif de Nîmes a, par une ordonnance du 8 août 2023, donné acte du désistement de la demande de M. E... et Mme G.... Par leur requête, les intéressés relèvent appel de cette ordonnance.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel par M. et Mme F... :
2. L'article R. 222-1 du code de justice administrative dispose que : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : / 1° Donner acte des désistements ; / (...) ". En outre, l'article R. 612-5-1 du même code mentionne que : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement (...) peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions. ".
3. Selon l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre (...) d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant (...) une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. (...) ".
4. L'article R. 424-15 du même code dispose que : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite (...) est acquis et pendant toute la durée du chantier. / Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis (...). ". L'article A. 424-17 dudit code précise que : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : / (...) / " Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis (...). Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme)." ".
5. Les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme visent, dans un but de sécurité juridique, à permettre à l'auteur de la décision et au bénéficiaire de l'autorisation d'être informés à bref délai de l'existence d'un recours contentieux introduit à son encontre. Il résulte par ailleurs de la combinaison des dispositions des articles R. 600-1 et R. 424-15 et A. 424-17 du même code que l'irrecevabilité tirée de l'absence d'accomplissement des formalités de notification prescrites par l'article R. 600-1 de ce code ne peut être opposée, en première instance, en appel ou en cassation, qu'à la condition que l'affichage du permis de construire ait mentionné cette obligation conformément auxdits articles R. 424-15 et A. 424-17.
6. En l'espèce, alors que les requérants avaient accompli les formalités prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme lors de leur recours gracieux et de leur demande de première instance tendant à l'annulation du permis de construire du 20 juillet 2021, les intéressés ne contestent pas s'être abstenus de notifier à la commune d'Aubais et à M. et Mme F... leur requête d'appel introduite contre l'ordonnance du 8 août 2023 par laquelle le président de la première chambre du tribunal administratif de Nîmes a donné acte de leur désistement d'office par application de l'article R. 612-5-1 précité du code de justice administrative.
7. D'une part et contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'ordonnance par laquelle le président de la formation de jugement donne acte du désistement d'une demande tendant à l'annulation d'une autorisation d'urbanisme, y compris sur le fondement de l'article R. 612-5-1 du code de l'urbanisme, constitue une décision juridictionnelle concernant une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol au sens et pour l'application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Par voie de conséquence, la requête d'appel introduite par les intéressés contre l'ordonnance du 8 août 2023 entre dans le champ d'application de cet article imposant la notification du recours à l'auteur du permis ainsi qu'à son titulaire.
8. D'autre part, contrairement à ce que soutiennent également les requérants, il ressort notamment des photographies produites par M. et Mme F... en pièce jointe n° 3 de leur mémoire en défense de première instance que le panneau d'affichage du permis de construire implanté sur le terrain d'assiette du projet rappelait bien l'obligation de notification résultant de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, en reproduisant in extenso les termes énoncés par l'article A. 424-17 du même code. Il en résulte que les requérants étaient tenus de notifier leur requête d'appel tant au maire d'Aubais qu'à M. et Mme F.... Dès lors qu'ils n'ont pas satisfait à cette exigence, la fin de non-recevoir opposée par ces derniers doit être accueillie et la requête des appelants ne peut en conséquence qu'être rejetée comme irrecevable.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soient mises à la charge de la commune d'Aubais ou de M. et Mme F..., lesquels n'ont pas la qualité de parties perdantes dans la présente instance, les sommes demandées par les requérants au titre des frais non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des appelants une somme de 750 euros à verser respectivement à la commune d'Aubais et à M. et Mme F... en application de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... et Mme G... est rejetée.
Article 2 : M. E... et Mme G... verseront une somme de 750 euros respectivement à la commune d'Aubais et à M. et Mme F... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et Mme D... G..., à la commune d'Aubais et à M. et Mme C... et B... F....
Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet du Gard, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL02215