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04/04/2024 | FRANCE | N°22TL21068

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 04 avril 2024, 22TL21068


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 avril 2022 et le 1er décembre 2022, l'association Les Robins des Bois de la Margeride et M. B... E..., représentés par la SELAS Bremens avocats, demandent à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté n° PREF-DREAL-2021-309-001 du 5 novembre 2021 de la préfète de Lozère portant autorisation d'exploiter le parc éolien, installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, sur le territoire des communes d'Arzenc-de-Randon et de Monts-de-Randon

par la société Parc éolien de Chan des Planasses, ensemble la décision implicite rejetant ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 avril 2022 et le 1er décembre 2022, l'association Les Robins des Bois de la Margeride et M. B... E..., représentés par la SELAS Bremens avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté n° PREF-DREAL-2021-309-001 du 5 novembre 2021 de la préfète de Lozère portant autorisation d'exploiter le parc éolien, installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, sur le territoire des communes d'Arzenc-de-Randon et de Monts-de-Randon par la société Parc éolien de Chan des Planasses, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux ;

2°) de condamner respectivement l'Etat et la société Parc éolien de Chan des Planasse à leur verser chacun la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt à agir contre l'arrêté en litige ;

- leur requête n'est pas tardive compte tenu du recours gracieux introduit dans le délai de deux mois et compte tenu du délai raisonnable d'un an après la décision implicite de rejet du recours gracieux du 28 décembre 2021 ;

- l'arrêté est entaché d'un vice d'incompétence ;

- l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 145-3 II, devenu l'article L. 122-9, du code de l'urbanisme compte tenu de l'implantation du projet au sein d'un espace caractéristique du patrimoine naturel et culturel montagnard et de son impact sur les paysages des terres des montagnes de la Margeride, alors qu'il n'est prévu aucune mesure de préservation du patrimoine et des paysages ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article R. 122-27 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, en l'absence de raison impérative d'intérêt public majeur et n'est pas motivé s'agissant des éléments chiffrés.

Par des mémoires en intervention, enregistrés le 24 mai 2022 et le 1er décembre 2022, M. A... D... représenté par la SELAS Bremens avocats, conclut à l'admission de son intervention volontaire, à ce que la cour fasse droit à la requête des requérants et demande la condamnation respective de l'Etat et de la société Parc éolien de Chan des Planasse à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son intervention volontaire est recevable ;

- l'arrêté est entaché d'un vice d'incompétence ;

- l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 145-3 II, devenu l'article L. 122-9, du code de l'urbanisme compte tenu de l'implantation du projet au sein d'un espace caractéristique du patrimoine naturel et culturel montagnard et de son impact sur les paysages des terres des montagnes de la Margeride, alors qu'il n'est prévu aucune mesure de préservation du patrimoine et des paysages ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article R. 122-27 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, en l'absence de raison impérative d'intérêt public majeur et n'est pas motivé s'agissant des éléments chiffrés.

Par des mémoires en défense enregistrés le 23 juin 2022, le 27 octobre 2022 et le 23 décembre 2022, la société à responsabilité limitée Parc éolien Chan des Planasses, représentée par Me Gelas, conclut à titre principal, à l'irrecevabilité manifeste de la requête, à l'irrecevabilité manifeste de l'intervention, à titre subsidiaire au rejet au fond de la requête, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de chaque requérant et à la charge de l'intervenant en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est tardive à défaut de recours gracieux ayant régulièrement interrompu le délai de recours contentieux ;

- les requérants ne justifient pas d'intérêt à agir ;

- l'intervenant ne justifie pas d'un intérêt à agir ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 145-3 II du code de l'urbanisme est inopérant ;

- aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête, à titre principal comme irrecevable, et à titre subsidiaire, au fond.

Il soutient que :

- la requête est tardive à défaut de recours gracieux ayant régulièrement interrompu le délai de recours contentieux ;

- les requérants ne justifient pas d'intérêt à agir ;

- l'intervenant ne justifie pas d'un intérêt à agir ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 145-3 II du code de l'urbanisme est inopérant ;

- aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Par une ordonnance du 23 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été reportée et fixée en dernier lieu au 9 janvier 2023.

Par un courrier, enregistré le 10 novembre 2023, Me Viennois-Servant indique à la cour que M. C... E..., héritier de M. B... E..., dont le décès est survenu le 5 juillet 2023, se désiste purement et simplement de l'ensemble de ses demandes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- et les observations de Me Kerjean Gauducheau, représentant la société défenderesse.

Considérant ce qui suit :

1. La société Parc éolien de Chan des Planasses a déposé le 2 octobre 2017 en préfecture de la Lozère un dossier de demande d'autorisation environnementale portant sur l'exploitation d'une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent regroupant huit aérogénérateurs sur le territoire des communes d'Arzenc-de-Randon et de Monts-de-Randon. L'autorité environnementale a rendu son avis le 17 janvier 2020, et l'unité départementale de l'architecture et du patrimoine de la Lozère, la direction régionale de l'environnement Occitanie et la direction départementale des territoires de la Lozère ont rendu un avis commun favorable relatif aux enjeux paysagers le 6 et 7 décembre 2017. A l'issue de l'enquête publique prolongée jusqu'au 17 décembre 2020, le commissaire-enquêteur a émis un avis favorable au projet, le 15 janvier 2021. En séance du 22 octobre 2021, la demande a recueilli l'avis favorable de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, dans sa formation spécialisée dite "des sites et paysages". Enfin, dans son rapport du 20 septembre 2021, l'inspection des installations classées a émis un avis favorable au projet. Par un arrêté du 5 novembre 2021, la préfète de Lozère a délivré à la société Parc éolien de Chan des Planasses, une autorisation d'exploiter le parc éolien, installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, composé de sept machines sur le territoire des communes d'Arzenc-de-Randon et de Monts-de-Randon. Par la présente requête, l'association Les Robins des Bois de la Margeride et M. B... E... ont demandé l'annulation de cet arrêté, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Sur le désistement de M. C... E... en sa qualité d'ayant-droit de M. B... E... :

2. Par un mémoire, enregistré le 10 novembre 2023, M. C... E..., agissant en sa qualité d'ayant-droit de M. B... E... décédé le 5 juillet 2023, déclare se désister purement et simplement de sa requête. Ce désistement étant pur et simple, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur la fin de non-recevoir opposée à l'intervention volontaire de M. D... :

3. Est recevable à former une intervention, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige et qui n'a pas qualité de partie à l'instance.

4. Si M. D..., fait valoir à l'appui de son mémoire en intervention volontaire au soutien de la requête qu'il est propriétaire d'une résidence secondaire au lieu-dit de Costeboulès sur le territoire de la commune d'Arzenc-de-Randon, il n'établit pas que la visibilité et le fonctionnement du parc éolien depuis sa propriété, située à environ 3 100 mètres pour l'éolienne E2 la plus proche, sont de nature à modifier la perception des paysages et de l'environnement concernés et ne justifie ainsi pas que l'atteinte qu'il invoque est susceptible d'affecter suffisamment les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Par suite et ainsi que le soutient en défense la société bénéficiaire de l'autorisation en litige, l'intéressé ne démontrant pas un intérêt à intervenir dans la présente instance, son intervention ne peut être admise.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 4 septembre 2020, publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture de la Lozère le jour même, la préfète de ce département a donné délégation à M. Oudinot, secrétaire général de cette préfecture, à l'effet de signer, notamment, les décisions relevant des attributions de l'Etat dans ledit département, à l'exception des réquisitions de la force armée et des arrêtés de conflit. Il en résulte que M. Oudinot a pu valablement signer l'arrêté du 5 novembre 2021 en litige au nom de la préfète. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.

6. D'une part, aux termes de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme : " Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard. ". Ces dispositions sont applicables sur le territoire des communes d'Arzenc-de-Randon et de Monts-de-Randon, classées en zone de montagne. D'autre part, aux termes de l'article R. 111-27 du même code que l'association a entendu invoquer en en citant le texte mais en faisant référence de manière erronée à l'article R. 122-27 : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

7. Pour statuer sur une demande d'autorisation environnementale, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que le projet ne méconnaît pas l'exigence de protection des intérêts patrimoniaux, paysagers et naturels visés par les dispositions précitées. Pour rechercher si une atteinte à ces intérêts est de nature à fonder un refus d'autorisation ou à fonder les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le secteur du projet de parc éolien en litige est localisé sur les communes d'Arzenc-de-Randon et de Monts-de-Randon, dans la moitié nord du département de la Lozère. La zone d'implantation correspond au centre de l'ensemble paysager de la Margeride, sur la crête de la Margeride, caractérisée par une longue croupe orientée selon un axe nord-ouest/sud-est à environ 1 400 mètres d'altitude, dont les reliefs arrondis et amples alternent avec des vallées et vallons creusés par les cours d'eau. Le secteur est composé d'espaces boisés surtout sur les sommets et d'espaces agricoles ouverts, essentiellement dans les vallées. Les zones d'habitat à proximité du projet sont la Baraque de Pompeyrenc et les hameaux de Costeboulès et du Giraldès à 2 et 3 kilomètres au sud-est du site supportant le terrain d'assiette du projet. En outre, aucun des quatre sites historiques classés et douze sites inscrits recensés, ne se trouve au sein de l'aire d'étude immédiate dans un rayon de 5 kilomètres autour du projet. Par ailleurs, si la zone d'implantation du projet est traversée par le chemin de randonnée GR43 et de manière plus lointaine par l'itinéraire " GRP Tour de la Margeride ", ces deux chemins, bien que reconnus comme touristiques, ne bénéficient toutefois d'aucune protection particulière. Dans ces conditions, alors même que les éoliennes seront notamment visibles depuis le point de vue remarquable du Truc de Fortunio, le site choisi pour l'implantation du projet en litige, qui ne fait l'objet en tant que tel d'aucune protection particulière et qui fait partie des onze sites éoliens potentiels à l'échelle de la Lozère, ne peut être regardé comme présentant un intérêt patrimonial ou paysager particulier.

9. En second lieu, le projet autorisé en litige porte sur l'édification d'un parc éolien ramené à sept aérogénérateurs, par la suppression de l'éolienne E2, d'une hauteur totale de 125 mètres en bout de pales et de deux postes de livraison. Il résulte de l'instruction que l'aménagement retenu présente le plus souvent une implantation régulière en cohérence avec les lignes de force du paysage, depuis les sites patrimoniaux et touristiques du village de Châteauneuf-de-Randon, du lac de Charpal, du col du cheval mort sur la RD3 touristique, depuis le point de vue remarquable du Truc de Fortunio et depuis les zones d'habitat. En outre, si ces éoliennes, du fait de l'altitude, formeront un repère paysager visible, il résulte de l'instruction que les effets cumulés sur l'ensemble de ces éléments paysagers et patrimoniaux sont jugés faibles à modérés et que le projet assure une bonne lisibilité et insertion paysagère notamment depuis le point culminant de la Margeride, le Truc de Fortunio, qui en constitue un belvédère emblématique, situé à 4,8 kilomètres de l'éolienne la plus proche et à 6,1 kilomètres de celle la plus distante, et n'impacte pas les ouvertures visuelles sur les espaces boisés du plateau du Palais du Roi et le grand paysage du Massif central. En particulier, il résulte de l'instruction que l'abandon du parc éolien de la Villedieu au cœur de la montagne de la Margeride, à la suite de l'annulation de l'arrêté du 10 décembre 2013 du préfet de la Lozère par l'arrêt n°16MA02903 du 11 avril 2017 de la cour administrative d'appel de Marseille, et la suppression de l'éolienne E2 du parc éolien par l'arrêté préfectoral en litige, réduisent significativement les impacts du parc éolien de Chan des Planasses sur le site et les paysages alentours. Dès lors et dans ces conditions, le projet de parc éolien en cause n'est pas susceptible de porter atteinte au caractère ou à l'intérêt du site et des lieux avoisinants, ainsi qu'aux paysages naturels lesquels ne présentent pas de caractère remarquable.

10. Eu égard à ce qui vient d'être dit, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Lozère a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme en délivrant l'autorisation environnementale en litige, ni à soutenir que le projet en litige porterait atteinte aux espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme.

11. Aux termes de l'article L. 181-2 du code de l'environnement : " I.- L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : (...) / 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° du I de l'article L. 411-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 411-1 de ce même code : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 de ce code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / (...) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...) ". Enfin l'article L. 411-2-1 du même code dispose que : " Sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2 du présent code, les projets d'installations de production d'énergies renouvelables ou de stockage d'énergie dans le système électrique satisfaisant aux conditions prévues à l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie. (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. Pour déterminer si une dérogation peut être accordée sur le fondement du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de porter une appréciation qui prenne en compte l'ensemble de ces aspects, parmi lesquels figurent les atteintes que le projet est susceptible de porter aux espèces protégées, compte tenu, notamment, des mesures d'évitement, réduction et compensation proposées par le pétitionnaire, et de l'état de conservation des espèces concernées.

13. L'arrêté par lequel l'autorité préfectorale accorde une dérogation sur le fondement de l'article L. 411-2 du code de l'environnement constitue une décision administrative individuelle qui déroge aux règles générales fixées par la loi ou le règlement, au sens de l'article L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration. Il est donc soumis à l'obligation de motivation prévue par ces dispositions.

14. La dérogation à l'interdiction de destructions d'espèces protégées contenue dans l'autorisation environnementale d'exploiter le parc éolien Chan des Planasses en litige mentionne les textes dont elle fait application et expose, en termes suffisamment précis, les circonstances de fait en constituant le fondement, tant en ce qui concerne l'existence de raisons impératives d'intérêt public majeur fondant la dérogation accordée, qu'en ce qui concerne l'absence de solution alternative satisfaisante et la condition tenant à ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. L'arrêté indique en particulier que s'agissant de la production d'électricité d'origine éolienne, au niveau régional, l'Occitanie représente près de 10 % de la puissance raccordée, soit " 1654 MW au 30/09/2020 avec 193 parcs éoliens raccordés et des emplois (1 803), des retombées économiques et fiscales pour les collectivités locales, entre 10 k€ et 12 k€/MW installé soit environ 17 M€ en 2019 pour l'Occitanie ". Cette motivation permet ainsi de s'assurer que les trois conditions cumulatives des dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement sont remplies. Si l'association requérante fait valoir que l'arrêté attaqué ne fournit " aucun élément chiffré " justifiant la raison impérative d'intérêt public majeur, les dispositions précitées n'impliquent pas que l'administration prenne explicitement parti sur le respect par le projet qui lui est soumis de chacune des règles dont il lui appartient d'assurer le contrôle et qu'elle énonce la part précise du projet dans la réalisation des objectifs de production d'énergies renouvelables au niveau régional, le quantum de réduction des émissions de CO2 que le projet permettrait et le bénéfice social ou économique, notamment en termes de créations d'emplois locaux escomptées. Le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit, dès lors, être écarté.

15. En l'espèce, le projet d'installation de production d'énergies renouvelables qui contribue à l'atteinte des objectifs fixés par le schéma régional éolien de la région, bénéficie en application de l'article L. 411-2-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte, d'une présomption au regard de la condition de raison impérative d'intérêt public majeur. Même si la requérante soutient que le parc éolien ne contribuerait que modestement à cet objectif par une capacité de production de 21 MW correspondant à l'approvisionnement de 26 000 personnes, puissance qu'elle estime surévaluée, et alors que les objectifs de rejets évités de quantité annuelle de CO2 et de bénéfices socio-économiques ne sont pas démontrés, ces éléments ne sont toutefois pas suffisants pour renverser cette présomption. En tout état de cause, il résulte de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté que le projet de construction du parc éolien participe à l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre en favorisant le développement de la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité en France. De surcroît, il résulte également de l'instruction, en particulier de l'étude d'impact que le parc éolien de Chan des Planasses permet d'éviter le rejet annuel estimé de 3 978 tonnes de CO2 et que l'exploitation du parc éolien prévue pour une durée de 20 à 25 ans induit des retombées économiques locales significatives, compte tenu des recettes fiscales annelles perçues par les collectivités territoriales et compte tenu des emplois créés pour la construction et la maintenance du parc éolien. Par suite, eu égard à la nature du projet, il répond à une raison impérative d'intérêt public majeur au sens du c) du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées à la requête, que l'association Les Robins des Bois de la Margeride n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 5 novembre 2021 de la préfète de Lozère ainsi que la décision tacite rejetant le recours gracieux formé à son encontre.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société défenderesse, qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'association requérante au titre des frais non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Parc éolien de Chan des Planasses à ce titre. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et la société défenderesse versent une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à M. D..., qui n'a pas la qualité de partie à l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de M. C... E..., ayant droit de M. B... E...

Article 2: L'intervention de M. D... n'est pas admise.

Article 3 : La requête de l'association Les Robins des Bois de la Margeride est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de la société Parc éolien de Chan des Planasses présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Les Robins des Bois de la Margeride, à M. C... E..., ès qualité d'héritier de M. B... E..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la société Parc éolien de Chan des Planasses et à M. A... D....

Copie en sera adressée au préfet de la Lozère.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

Le président-assesseur,

X. HaïliLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22TL21068

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21068
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

44-02 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Xavier HAÏLI
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SELAS LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;22tl21068 ?
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