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02/04/2024 | FRANCE | N°22TL21505

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 02 avril 2024, 22TL21505


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Sérignan à lui verser la somme de 26 671,30 euros, à parfaire, assortie des intérêts de retard et de leur capitalisation en réparation des conséquences dommageables de la chute dont elle a été victime le 20 décembre 2017.



La caisse primaire d'assurances maladie de l'Hérault a demandé à ce tribunal le remboursement par la commune de Sérignan de ses débours po

ur un montant de 4 609,31 euros, sous réserve d'autres paiements non encore connus au jour du jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Sérignan à lui verser la somme de 26 671,30 euros, à parfaire, assortie des intérêts de retard et de leur capitalisation en réparation des conséquences dommageables de la chute dont elle a été victime le 20 décembre 2017.

La caisse primaire d'assurances maladie de l'Hérault a demandé à ce tribunal le remboursement par la commune de Sérignan de ses débours pour un montant de 4 609,31 euros, sous réserve d'autres paiements non encore connus au jour du jugement, assorti des intérêts de retard et le versement par cette commune de la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire.

Par un jugement n° 2004229 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Sérignan à verser à Mme C... la somme de 16 584,07 euros et à verser à la MAIF et à la MGEN, respectivement, les sommes de 258,72 euros et de 125,11 euros.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête n° 22TL21505, enregistrée le 4 juillet 2022, et un mémoire enregistré le 6 juillet 2023, la commune de Sérignan, représentée par Me Caudrelier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 mai 2022 ;

2°) à titre principal, de rejeter les demandes de Mme C..., de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, de la mutuelle assurance des instituteurs de France et de la mutuelle générale de l'éducation nationale ;

3°) à titre subsidiaire, de ramener la demande indemnitaire de Mme C... à de plus justes proportions ;

4°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la preuve certaine du lien de causalité entre la chute dommageable de l'appelante et le mobilier urbain incriminé n'est pas rapportée ;

- à supposer que ce lien de causalité soit établi, elle n'a pas méconnu son obligation d'entretien normal dès lors qu'elle a pris les mesures de signalisation de la présence de l'ouvrage public en cause pour éviter la survenance d'un accident ;

- la faute de la victime qui a fait preuve d'inattention, aurait dû entraîner l'exonération totale de sa responsabilité ;

- à titre subsidiaire, en ce qui concerne les sommes réclamées par Mme C..., la base d'une heure retenue pour le calcul de l'indemnité due au titre de la tierce assistance et de l'assistance non spécialisée doit être ramenée à une demi-heure ; l'évaluation du préjudice d'agrément, des souffrances endurées et du préjudice esthétique permanent doit être ramenée à de plus justes proportions ;

- le déficit fonctionnel permanent n'aurait pas dû être évalué à 7 % mais à 5 % au maximum ; si le taux de 7% était retenu, ce préjudice ne peut être indemnisé au-delà de 5 000 euros compte tenu de l'âge de la victime.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 septembre 2022 et le 12 juillet 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme C..., représentée par Me Breuker, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en tant qu'il a condamné la commune de Sérignan à lui verser seulement la somme de 16 584, 07 euros et en tant qu'il n'a pas assorti cette condamnation des intérêts de retard au taux légal et de leur capitalisation ;

3°) à la condamnation de la commune de Sérignan à lui verser la somme de 54 381,76 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis ;

4°) et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Sérignan la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement, qui a omis de se prononcer sur une partie de ses préjudices, est irrégulier ;

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas examiné sa demande tendant à ce que l'indemnité que la commune de Sérignan est condamnée à lui verser soit assortie des intérêts de retard et de la capitalisation de ces intérêts ;

- la preuve du lien de causalité entre sa chute et le mobilier urbain est suffisamment établie ;

- la preuve de l'entretien normal du mobilier urbain incriminé n'est pas rapportée par la commune ;

- si une faute d'inattention devait être reconnue à son encontre, sa participation fautive dans la réalisation du dommage ne saurait être supérieure à 30 % ;

- elle demande l'indemnisation des trois postes de préjudices pour lesquels le tribunal a omis de statuer.

II.- Par une requête n° 22TL01970, enregistrée le 12 juillet 2022, au greffe de la cour administrative de Marseille, puis enregistrée sous le n° 22TL21663 le 1er mars 2022, au greffe de la présente cour, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, représentée par Me Noy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 mai 2022 en tant qu'il a omis de statuer sur ses demandes ;

2°) de condamner la commune de Sérignan à lui rembourser la somme de 4 609,31 euros au titre des débours exposés, assorti des intérêts de retard et à lui verser la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

3°) de mettre à la charge de cette commune la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement, qui a omis de statuer sur ses demandes, est irrégulier ;

- son action subrogatoire dans les droits de la victime, Mme C..., est recevable ;

- elle détient une créance définitive au titre des débours s'élevant à la somme totale de 4 609,31 euros ;

- ayant exposé des frais pour le traitement interne de la présente affaire, elle a droit au versement de la somme de 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2023, la commune de Sérignan, représentée par Me Caudrelier, conclut à ce qu'il soit sursis à statuer sur la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault dans l'attente de l'arrêt à intervenir dans la requête n° 22TL21505.

Vu les autres pièces de ces deux dossiers.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami,

- les conclusions de Mme A...,

- et les observations de Me Caudrelier, représentant la commune de Sérignan et celles de Me Breuker, représentant Mme C....

Une note en délibéré a été présentée le 20 mars 2024 pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Le 20 décembre 2017, vers 22 heures, au sortir d'un spectacle donné à l'établissement dénommé ... à Sérignan (Hérault), Mme C... a heurté un élément de mobilier urbain décoratif, puis chuté, ce qui lui a occasionné une fracture du poignet et un traumatisme du ménisque du genou gauche. Le 4 juin 2020, elle a présenté à la commune de Sérignan une demande préalable indemnitaire fondée sur le défaut d'entretien de l'ouvrage public. Par une décision du 28 juillet 2020 la commune précitée a rejeté sa demande. Par une requête n° 22TL21505, cette commune relève appel du jugement du 12 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser à Mme C... la somme de 16 584,07 euros et à verser à la MAIF et à la MGEN, respectivement, les sommes de 258,72 euros et de 125,11 euros. Par la voie de l'appel incident, Mme C... demande la réformation de ce jugement en tant qu'il a condamné la commune de Sérignan à lui verser seulement la somme de 16 584, 07 euros et en tant qu'il n'a pas assorti cette condamnation des intérêts de retard au taux légal et de leur capitalisation. Par une requête n° 22TL21663, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault relève également appel de ce jugement en tant qu'il a omis de statuer sur ses demandes et conclusions tendant à la condamnation de la commune de Sérignan à lui rembourser la somme de 4 609,31 euros au titre des débours exposés, assorti des intérêts de retard et à lui verser la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

2. Les requêtes précitées sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur la responsabilité de la commune pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage :

3. Si, en matière de dommages de travaux publics, la personne publique doit apporter la preuve de l'entretien normal de la voie, il appartient à la victime qui soutient avoir chuté du fait d'un ouvrage public installé sur la voie, d'établir l'existence de cet obstacle et d'un lien de causalité direct et certain entre celui-ci et le dommage.

4. Pour établir avoir fait l'objet, le 20 décembre 2017, d'une chute sur le trajet allant de la sortie de la salle de spectacle " la Cigalière " au parc de stationnement de son véhicule, Mme C... produit un billet pour le spectacle du 20 décembre 2017 au nom de son fils, le courriel de la réservation pour ce spectacle effectuée par son fils, pour trois adultes et un enfant, et les attestations de son fils et de son ex-belle fille. Ces éléments peuvent être regardés comme établissant la présence de Mme C... au spectacle qui s'est tenu à " la Cigalière " le 20 décembre 2017 et sa chute à la sortie de ce spectacle.

5. Mme C... incrimine, dans ses écritures, le bloc de béton recouvert d'une grille métallique, de 12 cm de hauteur, qui se trouve sur le trottoir longeant la salle de spectacle, en retrait de l'escalier desservant le côté nord-est de cette salle comme constituant l'ouvrage à l'origine de sa chute. Il résulte de l'instruction que cet ouvrage, qui fait partie d'un ensemble décoratif composé de cadres métalliques, de taille croissante, installés à espace régulier au sol sur la bordure du trottoir matérialisée par une bande constituée de marquages horizontaux réfléchissants, se trouve à la droite du bas des marches de l'escalier de sortie de la salle de spectacle et est donc situé à proximité immédiate de cet escalier et non du parc de stationnement. Mais, les attestations produites, en particulier celle de l'ex belle-fille de Mme C..., qui indique que sa belle-mère a heurté une plaque métallique proche du parc de stationnement, ne permettent ni d'identifier avec précision l'emplacement de l'ouvrage à l'origine de l'accident ni de corroborer les dires de la victime quant à la proximité de cet ouvrage avec l'escalier de sortie de la salle de spectacle. De plus, cet ouvrage qui est décrit comme présentant une hauteur de 12 centimètres environ, ne correspond pas à la description de l'obstacle faite le 7 janvier 2019 par l'intéressée au médecin expert mandaté par sa compagnie d'assurance selon laquelle elle aurait heurté un élément de mobilier urbain de 50 centimètres. Bien que cette discordance ait été relevée par la commune de Sérignan, Mme C... n'apporte cependant aucune explication de nature à l'écarter. Dès lors que, comme il a été dit, le trottoir emprunté par la victime pour se rendre au parc de stationnement de son véhicule est jalonné, sur le bord opposé à la voie, de plusieurs cadres métalliques d'une hauteur croissante, il existe un doute sur l'emplacement et les caractéristiques de l'ouvrage à l'origine de la chute accidentelle. Dans ces conditions, Mme C... qui n'établit pas de façon certaine que l'ouvrage métallique situé à proximité de l'escalier de sortie de la salle de spectacle, d'une hauteur de 12 centimètres, est directement à l'origine de sa chute accidentelle, n'est pas fondée à rechercher la responsabilité pour défaut d'entretien de l'ouvrage de la commune de Sérignan.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, d'une part, que la commune de Sérignan est fondée à demander l'annulation de celui-ci et, d'autre part, que Mme C... et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort, respectivement, que ce jugement a limité le montant de la condamnation de la commune et qu'il a omis de statuer sur ses demandes.

Sur les frais d'expertise :

7. Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 080 euros toutes taxes comprises par ordonnance du président du tribunal administratif de Montpellier par intérim en date du 1er avril 2021 sont mis à la charge définitive de Mme C....

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sérignan, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme réclamée par Mme C... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C..., le versement à cette commune de la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 mai 2022 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme C... est rejetée.

Article 3 : La requête n° 22TL21663 de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault est rejetée.

Article 4 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme totale de 1 080 euros toutes taxes comprises sont mis à la charge définitive de Mme C....

Article 5 : Mme C... versera à la commune de Sérignan la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sérignan, à Mme B... C..., à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, à la mutuelle assurance Instituteur France et à la mutuelle générale de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21505 ; 22TL21663


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21505
Date de la décision : 02/04/2024

Analyses

67-02-03-02 Travaux publics. - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. - Lien de causalité. - Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : BREUKER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;22tl21505 ?
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