Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 28 juillet 2020 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie a prononcé son licenciement et décidé de réduire de moitié l'indemnité de licenciement prévue par l'article D. 711-70-1 du code de commerce, d'ordonner à la chambre de commerce et d'industrie d'Occitanie et à la chambre de commerce et d'industrie territoriale des Pyrénées-Orientales de le réintégrer et de reconstituer sa carrière et droits sociaux, dans un délai d'un mois et sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie et de la chambre de commerce et d'industrie territoriale des Pyrénées-Orientales une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2004266 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 février 2022, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 22MA00423 puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL00423, et un mémoire, enregistré le 24 mars 2023, M. B..., représenté par Me Manya, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 3 décembre 2021 du tribunal administratif de Montpellier, ensemble la décision du 28 juillet 2020 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie a prononcé son licenciement ;
2°) d'enjoindre à la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie et à la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales de le réintégrer et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux, dans un délai d'un mois et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie et de la chambre de commerce et d'industrie territoriale des Pyrénées-Orientales une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a manqué d'impartialité, dès lors qu'une des assesseurs avait estimé, en tant que rapporteur public, la mesure de révocation prise à son encontre comme fondée ;
- le jugement est insuffisamment motivé quant à sa réponse au moyen tiré du détournement de procédure ;
- la décision de licenciement est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'erreur de droit, en ce qu'elle ne tient pas compte de l'autorité de chose jugée ;
- elle est entachée d'erreur de fait, en l'absence de comportement fautif et alors que les motifs invoqués pour provoquer son départ sont injustifiés ; les nombreux reproches formulés à son encontre sont totalement infondés ;
- elle est entachée d'un détournement de procédure.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2023, la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie et la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, représentées par la SELARL Maillot Avocats et Associés, agissant par Me Maillot, concluent au rejet de la requête de M. B... et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 24 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- les observations de Me Manya, représentant M. B... et les observations de Me Raynal, représentant la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie et la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales.
Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 3 mars 2024 et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., nommé directeur général de la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Perpignan et des Pyrénées-Orientales en mai 2002, a fait l'objet d'une révocation pour motif disciplinaire par une décision du 2 mai 2016. Cette décision a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 octobre 2018. Les présidents de la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie et de la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales ont cependant, à nouveau, prononcé la révocation de
M. B... par une décision du 30 avril 2019. Par une ordonnance du 25 juillet 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de suspension de l'exécution de cette décision. Mais, par une décision du 17 février 2020, le Conseil d'Etat, statuant en référé, après avoir annulé l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, a ordonné la suspension de l'exécution de la décision prononçant la révocation de M. B... au motif que le moyen tiré de la disproportion de la sanction était de nature à faire naître un doute sérieux sur sa légalité. Après retrait de la sanction, le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie a, cette fois, prononcé le licenciement de
M. B..., par une décision du 28 juillet 2020, au motif d'un comportement faisant obstacle au bon accomplissement de la tâche de directeur général et décidé de réduire de moitié l'indemnité de licenciement due à ce dernier. M. B... relève appel du jugement du 3 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a notamment rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 juillet 2020.
Sur la régularité du jugement :
2. Si la formation du tribunal administratif de Montpellier qui a rendu le jugement attaqué comprenait une magistrate qui avait, en sa précédente qualité de rapporteur public, prononcé des conclusions dans le cadre d'une instance relative à une affaire opposant M. B... aux chambres de commerce et d'industrie de la région Languedoc-Roussillon et de Perpignan et des Pyrénées-Orientales et portant sur la légalité de la décision du 2 mai 2016 prononçant la révocation de l'intéressé pour motif disciplinaire, le litige ainsi jugé, qui portait sur une décision autre qu'un licenciement, n'était ainsi pas relatif à la même affaire, les questions examinées n'étant pas du même ordre. Ainsi, alors même que ces décisions successives reposent sur des faits identiques, le moyen tiré d'une atteinte au principe d'impartialité doit être écarté.
3. Par ailleurs, en relevant au point 7 de son jugement que " le détournement de procédure allégué n'est pas établi ", le tribunal n'a pas insuffisamment motivé son jugement sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article D. 711-70-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1227 du 26 novembre 2019 relatif aux règles de gestion des directeurs généraux agents publics des établissements publics du réseau des chambres de commerce et d'industrie : " (...) IV. La cessation de fonctions du directeur général intervient dans les conditions suivantes : (...) 5° Licenciement / La dénonciation de la convention peut être prononcée par mesure unilatérale de l'employeur, sur proposition, pour le directeur général d'une chambre de commerce et d'industrie territoriale, du président de cette chambre. / Elle peut être motivée notamment : (...) -soit par un comportement faisant obstacle au bon accomplissement de sa tâche. / La décision de licenciement notifiée au directeur général comporte l'énoncé des motifs justifiant la mesure. / (...) En cas de licenciement motivé par une insuffisance professionnelle ou par un comportement faisant obstacle au bon accomplissement de sa tâche, l'indemnité de licenciement peut être réduite d'un montant qui ne dépasse la moitié de celui résultant de l'application de l'article 35-2 du statut./ (...) ".
5. La décision contestée rappelle le fondement légal du licenciement de M. B... en mentionnant les dispositions de l'article D. 711-70-1 du code du commerce et comporte l'énoncé des motifs justifiant la mesure prise à l'encontre de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de son défaut de motivation manque en fait.
6. Si, eu égard à leur caractère provisoire, les décisions du juge des référés n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée, elles sont néanmoins, conformément au principe rappelé à l'article L. 11 du code de justice administrative, exécutoires et, en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice, obligatoires. Il en résulte notamment que lorsque le juge des référés a prononcé la suspension d'une décision administrative et qu'il n'a pas été mis fin à cette suspension, soit, par l'aboutissement d'une voie de recours, soit dans les conditions prévues à l'article L. 521- 4 du code de justice administrative, soit par l'intervention d'une décision au fond, l'administration ne saurait légalement reprendre une même décision sans qu'il ait été remédié au vice que le juge des référés avait pris en considération pour prononcer la suspension.
7. Il ressort des pièces du dossier que, par la décision du 17 février 2020, le Conseil d'Etat statuant en référé a prononcé la suspension de l'exécution de la décision du 30 avril 2019 prononçant la révocation disciplinaire de M. B... au motif que le moyen tiré de la disproportion de la sanction était de nature à faire naître un doute sérieux sur sa légalité. Contrairement à ce que soutient le requérant, cette décision ne faisait pas obstacle à ce que le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie prononce à son encontre une mesure de licenciement pour un motif non disciplinaire. Dans ces conditions, en faisant application du 5° du IV de l'article D. 711-70-1 précité du code de commerce, le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie n'a pas méconnu le caractère exécutoire de la décision du Conseil d'Etat et le moyen tiré de ce que la décision contestée serait intervenue en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée doit être écarté.
8. Pour prononcer le licenciement de M. B... et, par voie de conséquence, réduire de moitié l'indemnité de licenciement devant lui être versée, le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie a relevé que le comportement de l'intéressé était de nature à faire obstacle au bon accomplissement de sa tâche. M. B... ne conteste d'abord pas le blocage jusqu'au mois de décembre 2015 d'une centaine de contrats de vacation pour l'établissement de Perpignan du centre de formation des apprentis, qui n'étaient signés que par les vacataires et non l'employeur, cette absence de transmission s'écartant de la stratégie décidée et arrêtée pour la chambre territoriale. En outre, il ressort des pièces du dossier que de nombreuses démarches, relevant de la responsabilité de l'intéressé en sa qualité de directeur général, n'ont pas été réalisées ou ne l'ont été qu'avec retard, qu'il s'agisse de la perte d'une cinquantaine de contrats de vacataires de la formation continue, de l'absence de traitement de près de six cents dossiers au centre de formalité des entreprises, ou encore de l'absence de réalisation de démarches administratives relatives à des transferts de véhicules auprès de la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie. Par ailleurs, il ressort des pièces produites en défense par les chambres de commerce et d'industrie que M. B... a instauré, de manière durable, un climat social tendu tant auprès du personnel qu'auprès des élus. M. B... a ainsi refusé, dans des termes sévères, de confier un pouvoir hiérarchique au directeur de la pédagogie du centre de formation des apprentis de Perpignan. Il a également résisté pour mettre en œuvre le rattachement des postes de responsables pédagogiques à l'emploi national de responsable de programme. Il ressort également des attestations concordantes des élus de la chambre, une ambiance de travail généralement dégradée avec les chefs de service. En outre, les relations qu'il entretenait avec les élus étaient difficiles, voire conflictuelles. Ainsi, notamment, lors d'une réunion du bureau du 11 février 2016,
M. B... a catégoriquement refusé de mettre en œuvre une décision qui venait d'être adoptée par les élus et a invectivé plusieurs élus de la chambre territoriale. L'attestation produite par le requérant de la chargée de mission exerçant ses fonctions au sein de la chambre territoriale suivant laquelle le directeur général et elle-même n'auraient eu aucune marge de manœuvre ou autonomie en raison de la gestion, qualifiée d'autocratique, du président de la chambre de commerce et d'industrie territoriale des Pyrénées-Orientales, qui mentionne également la volonté du directeur général de la chambre de commerce et d'industrie de la région de se " débarrasser " de M. B... ainsi que les démarches effectuées par ce directeur au début du mois de mars 2016 en vue de réunir des éléments à charge contre le requérant, n'est pas de nature à remettre en cause la matérialité des griefs précédemment évoqués et qui lui sont reprochés et elle ne permet pas, à elle seule, d'établir qu'il serait victime d'une cabale. Ainsi que l'a relevé le tribunal, M. B... ne conteste, par ailleurs, pas sérieusement que plusieurs dysfonctionnements relevés par la chambre territoriale sont directement liés à des insuffisances professionnelles ou des erreurs imputables à son propre comportement, ainsi que les difficultés relationnelles récurrentes et croissantes qu'il entretenait au sein de la chambre territoriale avec la direction, les élus, certains agents placés sous son autorité ou encore avec les partenaires institutionnels. Eu égard aux fonctions de direction qui lui étaient confiées, ces dysfonctionnements et difficultés étaient de nature à porter atteinte au bon fonctionnement de la chambre territoriale. Dans ces conditions, c'est sans faire une inexacte application des dispositions de l'article D. 711-70-1 du code de commerce précité et sans commettre d'erreur de fait que le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie a considéré que le comportement de M. B... faisant obstacle au bon accomplissement de sa tâche et qu'il a prononcé, pour ce motif, son licenciement, avec pour conséquence la réduction de moitié du montant de l'indemnité due à ce titre à l'intéressé.
9. Enfin, il n'est pas établi, nonobstant les termes de l'attestation précitée de la chargée de mission exerçant ses fonctions au sein de la chambre territoriale qui relate des faits datant de 2015 et 2016, que la décision de licenciement en litige du 28 juillet 2020 aurait été prise dans le seul but de réduire l'indemnité due à M. B... à ce titre. Par suite, le moyen tiré d'un détournement de procédure doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent également qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie et de la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, qui ne sont pas la partie perdante à la présente instance, la somme que demande M. B... sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie et de la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie et à la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 27 février 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.
Le rapporteur,
T. Teulière
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°22TL00423