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28/03/2024 | FRANCE | N°22TL21891

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 28 mars 2024, 22TL21891


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Aliance SC a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012.



Par un jugement n° 2001464, 2001465, 2001466 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande après l'avoir jointe avec deux autres.



Procédure devant la

cour :



Par une requête, enregistrée le 30 août 2022, la société Aliance SC, représentée par Me Benhamou, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Aliance SC a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 2001464, 2001465, 2001466 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande après l'avoir jointe avec deux autres.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 août 2022, la société Aliance SC, représentée par Me Benhamou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en refusant de communiquer les documents obtenus dans le cadre de demandes d'assistance administrative internationale auprès des autorités espagnoles, l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, ainsi que le principe du contradictoire et le droit à la défense du contribuable ;

- les avis de vérification de comptabilité et de mise en recouvrement sont irréguliers, dès lors que, postérieurs à sa radiation, ils n'ont pas été adressés à un mandataire ad hoc désigné par la juridiction compétente ;

- l'avis de vérification de comptabilité n'a pas été adressé à son siège social ;

- cet avis l'a induite en erreur en lui faisant croire que la faculté de se faire assister par un conseil ne peut intervenir qu'au cours du contrôle ;

- l'administration, qui a la charge de la preuve, ne démontre pas qu'elle exerçait son activité par l'intermédiaire d'un établissement stable en France ;

- elle a méconnu les stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 7 du modèle de convention fiscale établi par l'Organisation de la coopération et de développement économiques en taxant l'intégralité de ses crédits bancaires, alors que seulement 63 % et 65 % correspondaient à des virements en provenance du territoire français en 2011 et 2012.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 10 octobre 1995 entre la République française et le Royaume d'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société de droit espagnol Aliance SC, dont l'objet social est le commerce de gros et au détail, fait appel du jugement du 1er juillet 2022 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012. Ces rappels procèdent de la taxation d'office, sur le fondement du 1° du I de l'article 258 B du code général des impôts, de livraisons de biens meubles corporels réalisées en France.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au présent litige : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ".

3. Il résulte de l'instruction que l'avis de vérification de comptabilité a été adressé le 15 avril 2014 au représentant légal de la société Aliance SC à l'adresse à laquelle l'administration estimait qu'elle disposait d'un établissement stable en France. Une copie de cet avis a été envoyée le même jour à l'adresse du siège social en Espagne de cette société et reçue le 28 avril 2014. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis de vérification n'a pas été expédié au siège social de la société Aliance SC manque en tout état de cause en fait et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, en se bornant à présenter un formulaire déclaratif faisant état d'une dissolution de la société Aliance SC au 17 décembre 2013, mais qui comporte deux dates différentes et qui est dépourvu de signature, et un acte de dissolution conclu entre les associés le 16 décembre 2013 prenant effet le jour même, sans produire aucun enregistrement de cette décision par les autorités espagnoles, laquelle n'apparaît pas sur cet acte, la société requérante n'établit pas la réalité et le caractère opposable de cette dissolution. Dans ces conditions, l'administration fiscale, qui n'avait pas à demander la désignation d'un mandataire ad hoc, a pu régulièrement notifier au représentant légal de la société Aliance SC, postérieurement au 16 décembre 2013, l'avis de vérification de comptabilité et l'avis de mise en recouvrement des impositions en cause, qui concernent d'ailleurs un établissement stable en France de cette entreprise.

5. En troisième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Cet avis doit (...) mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ".

6. En adressant au représentant légal de la société Aliance SC un avis de vérification de comptabilité portant la mention selon laquelle " au cours de ce contrôle, vous avez la faculté de vous faire assister par un conseil de votre choix " et reproduisant au surplus, à son verso, les dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, l'administration ne peut être regardée comme ayant induit en erreur le contribuable quant à la portée de la garantie résultant de ces dispositions, laquelle implique qu'il doit être mis en mesure de se faire assister par un conseil dès le début des opérations de contrôle.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

8. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société Aliance SC, le service a mis en œuvre deux demandes d'assistance administrative internationale auprès des autorités espagnoles, le 12 juin 2014 et le 24 février 2015. Par courrier du 26 mai 2015, la société a été informée des réponses apportées par les services fiscaux espagnols. Par lettres des 4 et 15 juin 2015, son conseil a sollicité la communication de ces réponses, ainsi que des documents obtenus des autorités espagnoles. L'administration, qui a proposé sans succès un rendez-vous au représentant de la société afin de lui communiquer ces réponses et d'engager un débat, n'a pas fait droit à ces demandes et a adressé à la société une proposition de rectification le 29 septembre 2015. Après avoir reçu cette proposition, la société, y compris dans les observations qu'elle a présentées le 25 octobre 2015, à l'occasion desquelles elle s'est bornée à contester ces refus, n'a pas réitéré sa demande de communication des renseignements et documents obtenus des autorités espagnoles. Dans un tel cas, l'administration n'était pas tenue de répondre à la demande de communication formée antérieurement à la proposition de rectification du 29 septembre 2015. Par suite, en ne répondant pas à la demande de communication présentée les 4 et 15 juin 2015, l'administration, qui ne s'est pas fondée sur le caractère secret des informations obtenues dans le cadre de l'assistance administrative internationale, n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, ni les droits de la défense et le principe du contradictoire.

Sur le bien-fondé des impositions :

9. En premier lieu, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". L'article 258 B du même code, applicable au présent litige, dispose que : " I.- Par dérogation aux dispositions du I de l'article 258, est réputé se situer en France : / 1° Le lieu de la livraison des biens meubles corporels, autres que des moyens de transport neufs, des alcools, des boissons alcooliques, des huiles minérales et des tabacs manufacturés, expédiés ou transportés en France à partir d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, par le vendeur ou pour son compte, lorsque la livraison est effectuée à destination d'une personne bénéficiant de la dérogation prévue au 2° du I de l'article 256 bis ou à destination de toute autre personne non assujettie (...) ".

10. Il résulte de l'instruction que le redressement opéré par le service en matière de taxe sur la valeur ajoutée est fondé sur les dispositions du 1° du I de l'article 258 B du code général des impôts, qui a pour critère le lieu de livraison des biens meubles corporels vendus. Par suite et comme l'ont relevé les premiers juges, la circonstance que la société Aliance SC ne disposerait pas en France d'un établissement stable est sans influence sur son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de la livraison de biens meubles corporels, constitués de spas. Le moyen correspondant est donc inopérant.

11. En second lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / (...) / 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ". La société Aliance SC, qui n'a pas déposé dans le délai légal ses déclarations annuelles de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période en litige, a été, en application de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, taxée d'office. En vertu des articles L. 193 et R. 193-1 du même livre, elle supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions contestées.

12. Il résulte de l'instruction que, pour déterminer le chiffre d'affaires taxable de la société Aliance SC, le service vérificateur a pris en compte les crédits figurant sur le compte bancaire ouvert au nom de celle-ci, à l'exception de ceux qui ont été déclarés auprès de l'administration fiscale espagnole. En se bornant à faire valoir que seulement 63 % et 65 % de ses crédits correspondaient à des virements en provenance du territoire français en 2011 et 2012, la société requérante n'apporte pas la preuve du caractère exagéré des impositions contestées.

13. Il résulte de ce qui précède que la société Aliance SC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la société Aliance SC est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aliance SC et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2024.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL21891 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21891
Date de la décision : 28/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - RECTIFICATION (OU REDRESSEMENT) - GÉNÉRALITÉS - INTERVENTION D'UNE PROPOSITION DE RECTIFICATION - 1) EFFET SUR LA DEMANDE DE COMMUNICATION DES RENSEIGNEMENTS ET DOCUMENTS OBTENUS AUPRÈS DE TIERS - NÉCESSITÉ DE LA RÉITÉRER 2) ESPÈCE - CONTESTATION POSTÉRIEURE À LA PROPOSITION DE RECTIFICATION DU REFUS DE COMMUNICATION QUI LUI ÉTAIT ANTÉRIEUR - ABSENCE DE RÉGULARISATION OU DE RÉITÉRATION.

19-01-03-02-01-02-02 1) L'administration n'est pas tenue de répondre à une demande de communication formée avant l'intervention d'une proposition de rectification. Il appartient au contribuable, s'il l'estime utile, de présenter à nouveau, postérieurement à cette proposition, sa demande de communication des renseignements et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels est fondée la rectification 2) La contestation postérieure à la proposition de rectification du refus de communication qui lui était antérieur ne constitue pas une régularisation ou une réitération de la demande.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - RECTIFICATION (OU REDRESSEMENT) - PROPOSITION DE RECTIFICATION (OU NOTIFICATION DE REDRESSEMENT).

19-01-03-02-02


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : LEV LAW AVOCATS;LEV LAW AVOCATS;LEV LAW AVOCATS;LEV LAW AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-28;22tl21891 ?
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