Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première demande enregistrée sous le n° 1903780, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016. Par une seconde demande enregistrée sous le n° 1903931, il a demandé au même tribunal de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016.
Par un jugement n° 1903780,1903931 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté les demandes de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 février 2022 sous le n° 22MA00426 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis sous le n° 22TL00426 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et deux mémoires enregistrés le 30 novembre 2023 et le 8 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Guidera, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration ne lui a pas adressé l'avis de vérification du 19 février 2018 ;
- l'envoi, le même jour, de deux mises en demeure de souscrire ses déclarations de résultats et de chiffre d'affaires des années 2015 et 2016 a eu pour effet de faire débuter la vérification de comptabilité dès le 19 février 2018, de sorte qu'il a été privé de la garantie d'un délai raisonnable entre l'envoi de l'avis de vérification et le début effectif du contrôle ;
- la vérification de comptabilité a débuté avant même l'envoi de l'avis de vérification le 19 février 2018, dès lors que l'administration était certaine à cette date qu'il dépassait le plafond de résultat du régime du " micro-BIC " ;
- en mettant en recouvrement les rappels de taxe sur la valeur ajoutée le 31 décembre 2018 sans lui avoir préalablement adressé les éléments recueillis dans le cadre du droit de communication dont il avait demandé la communication par une lettre reçue le 26 décembre 2018, le service a vicié la procédure d'imposition, en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- le service n'a pas régularisé ce vice de procédure en dégrevant ces impositions par une décision du 22 mai 2019 et en les mettant à nouveau en recouvrement le 31 juillet 2019.
Par deux mémoires, enregistrés le 5 août 2022 et le 6 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 1er décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 8 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Restino,
- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui exerce une activité individuelle de restauration sous l'enseigne " C... " à Manduel (Gard), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, à l'issue de laquelle lui ont été notifiés des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 et des rectifications de ses bénéfices industriels et commerciaux au titre des exercices clos en 2015 et 2016. Il relève appel du jugement du 3 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes tendant à obtenir la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la vérification de comptabilité :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité (...) ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / (...) / En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil ".
3. En cas de contestation de la notification à un contribuable d'un avis de vérification, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au contribuable et, lorsque le pli contenant cet avis a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la réglementation postale, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.
4. Il résulte de l'instruction, notamment de l'avis de réception du pli recommandé contenant l'avis de vérification du 19 février 2018, produit par le ministre devant la cour, que ce pli a été présenté à l'adresse du restaurant exploité par M. A... le 22 février 2018 et qu'il a été retourné à l'administration au motif que le pli a été " avisé et non réclamé ". Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'administration ne lui a pas adressé l'avis de vérification.
5. En deuxième lieu, il résulte des articles L. 13 et R. 13-1 du livre des procédures fiscales que la vérification de comptabilité est un ensemble d'opérations ayant pour objet d'examiner sur place la comptabilité d'une entreprise et de la confronter à certaines données de fait ou matérielles afin de contrôler les déclarations souscrites et d'assurer éventuellement les redressements nécessaires, qu'il s'agisse de revenus catégoriels soumis à l'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés, de taxes sur le chiffre d'affaires ou de droits d'enregistrement. Ce contrôle, qui implique en outre une confrontation des renseignements extracomptables aux données comptables qui se trouvent à la base même des déclarations souscrites, ne peut débuter avant l'expiration du délai dont le contribuable dispose pour souscrire sa déclaration de revenu global. Toutefois, le défaut de souscription de cette déclaration ou d'une déclaration de revenus catégoriels ne fait pas obstacle à ce que l'administration engage, après l'expiration du délai de déclaration, un tel contrôle.
6. Il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales que l'administration ne peut engager une vérification de comptabilité avant l'expiration d'un délai raisonnable à compter de la réception, par le contribuable concerné, de l'avis l'informant de ce contrôle.
7. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ", aux termes de l'article L. 73 du même livre : " Peuvent être évalués d'office : / 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, (...) lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; (...) / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° " et aux termes de son article L. 68 : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) ".
8. Il résulte de l'instruction que le service a adressé à M. A..., le 19 février 2018, par pli recommandé, deux mises en demeure de souscrire dans un délai de trente jours ses déclarations de résultats et ses déclarations de chiffre d'affaires au titre des années 2015 et 2016.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux point 5 à 7 que l'administration peut, sans entacher d'irrégularité la procédure de contrôle, simultanément adresser au contribuable un avis l'informant de l'engagement d'une vérification de comptabilité et le mettre en demeure de produire une déclaration de résultats et une déclaration de chiffre d'affaires afférente aux années vérifiées dès lors que cette mise en demeure ne peut être regardée comme participant de l'examen critique de ses écritures comptables mais a seulement pour objet de permettre la réalisation de ce contrôle dans des conditions plus satisfaisantes. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'envoi des mises en demeure de souscrire ses déclarations de résultats et de chiffre d'affaires a marqué le début de la vérification de comptabilité le jour même de l'envoi de l'avis de vérification, le privant ainsi d'un délai raisonnable entre la réception de cet avis et le début des opérations de contrôle.
10. En troisième lieu, compte tenu de la nature de la vérification de comptabilité rappelée au point 5, l'envoi à un contribuable d'une mise en demeure de souscrire une déclaration de résultats ou de chiffres d'affaires ne peut être regardé comme révélant l'engagement préalable d'une telle vérification. Par suite, le moyen doit être écarté.
En ce qui concerne la communication des documents obtenus de tiers :
11. D'une part, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.
12. D'autre part, lorsqu'en raison d'une irrégularité, l'administration envisage de recommencer la procédure d'imposition, celle-ci est tenue de prononcer le dégrèvement de l'imposition initiale et d'informer le contribuable de son intention persistante de l'imposer.
13. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 5 septembre 2018, que pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, l'administration s'est fondée sur des éléments obtenus auprès de fournisseurs de M. A..., dans le cadre de l'exercice du droit de communication. Sur demande de M. A..., reçue le 26 décembre 2018, l'administration lui a communiqué ces éléments le 17 janvier 2019. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis en recouvrement une première fois le 31 décembre 2018, antérieurement à cet envoi. Ces rappels ont fait l'objet d'une décision de dégrèvement le 22 mai 2019, par laquelle l'administration a expressément informé M. A..., d'une part, de ce que le dégrèvement était prononcé dans le seul but de régulariser la procédure d'imposition au regard de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et, d'autre part, de son intention persistante de l'imposer. Ces rappels ont de nouveau été mis en recouvrement le 31 juillet 2019. Contrairement à ce que soutient M. A..., en prononçant le dégrèvement des impositions en litige et en les mettant à nouveau en recouvrement après lui avoir communiqué les éléments obtenus de tiers, conformément à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l'administration a régularisé la procédure d'imposition. Par suite, le moyen doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2024.
La rapporteure,
V. RestinoLe président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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