Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Les sociétés GECCO, BET SAI, Alteabois et Atelier Stéphane Goasmat ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Juvignac à leur verser la somme de 27 249,58 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché de conception-réalisation du groupe scolaire Nelson Mandela et de rejeter les demandes reconventionnelles de cette commune.
Par un jugement n° 2004296 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a fixé le solde du décompte général et définitif du marché à la somme de 27 249,58 euros toutes taxes comprises et a condamné in solidum les sociétés GECCO, Altéabois, BET SAI et Atelier Stéphane Goasmat à verser à la commune de Juvignac la somme de 32 630 euros toutes taxes comprises.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juin 2022, et un mémoire en réplique, enregistré le 28 février 2024 n'ayant pas été communiqué, les sociétés GECCO, Alteabois, BET SAI et Atelier Stéphane Goasmat, représentées par Me Aldigier, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 14 avril 2022 en tant qu'il les a condamnées à verser in solidum à la commune de Juvignac la somme de 32 630 euros toutes taxes comprises et a rejeté le surplus de leurs demandes ;
2°) de condamner la commune de Juvignac à leur verser la somme de 27 249,58 euros toutes taxes comprises au titre du solde du décompte général et définitif du marché ;
3°) de mettre à la charge de cette commune la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- leur responsabilité contractuelle ne pouvait être engagée dès lors que le solde du décompte général définitif du marché avait été fixé à l'article 1er du jugement attaqué ;
- dans le cadre de l'exécution du marché de conception-réalisation en litige, elles n'avaient pas en charge l'exécution d'une mission contractuelle d'assistance aux opérations de réception sur le fondement de la loi du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d'ouvrage ; le décret n° 2107-842 du 5 mai 2017 prévoyant que l'assistance aux opérations de réception constitue une mission obligatoire de l'équipe de maîtrise d'œuvre au sein du groupement titulaire, n'est entré en vigueur que postérieurement à la signature du marché de conception-réalisation ; aucune des pièces constitutives du marché ne comporte une obligation expresse d'assistance aux opérations de réception ;
- en tout état de cause, en ne proposant pas de réceptionner avec réserves les installations d'air, aucune faute ne leur est imputable ; les installations d'air étaient conformes tant aux prescriptions contractuelles qu'aux règles de l'art ; à la date de la réception de l'ouvrage, le 30 juin 2017, aucune odeur n'avait été décelée ; il n'existe aucun lien de causalité entre la proximité de la prise d'air et du rejet d'air vicié et les odeurs à l'origine du litige ;
- la demande reconventionnelle de prise en charge d'une somme complémentaire de 6 000,23 euros toutes taxes comprises, qui ne figurait pas dans le décompte général notifié par le maître d'ouvrage, n'était pas recevable ;
- le maître de l'ouvrage ne démontre pas la nécessité des dépenses engagées pour remédier à un quelconque vice.
Par un mémoire, enregistré le 31 janvier 2024, la commune de Juvignac, représentée par Me Bezard, conclut au rejet de la requête et doit être regardée comme demandant, par la voie de l'appel incident, à ce que le solde du décompte définitif du marché soit fixé à la somme de 32 630 euros toutes taxes comprises en sa faveur. Elle demande également à ce qu'il soit mis à la charge des appelants une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'assistance du maître d'ouvrage aux opérations de réception faisait partie des missions dévolues à la maîtrise d'œuvre par les pièces constitutives du marché ;
- l'engagement de la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre est recevable ;
- la maîtrise d'œuvre engage sa responsabilité contractuelle compte tenu de son manquement à ses obligations contractuelles d'assistance du maître d'ouvrage pendant la période de garantie de parfait achèvement et lors des opérations de réception ;
- le maître d'œuvre a manqué à son devoir de conseil dès lors qu'il s'est abstenu, au moment de la réception, d'appeler son attention sur les désordres affectant l'ouvrage et dont il pouvait avoir connaissance ;
- le montant des travaux de reprise des désordres s'élève à la somme de 59 879,58 euros toutes taxes comprises ;
- procédant à la compensation de cette somme avec celle de 27 249,58 euros les sociétés appelantes doivent être condamnées à lui verser une somme de 32 630 euros toutes taxes comprises.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Aldigier, représentant les appelantes et celles de Me Kombila, représentant la commune de Juvignac.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Juvignac (Hérault) a entrepris la construction du groupe scolaire " Nelson Mandela " et a confié le marché de conception/réalisation à un groupement composé notamment des sociétés GECCO, mandataire, BET Sai, Altaebois et Atelier Stéphane Goasmat par un acte d'engagement du 1er décembre 2015, notifié le 18 suivant. La réception des travaux a eu lieu le 30 juin 2017, avec des réserves sans lien avec le présent litige. En raison de la perception de mauvaises odeurs, le groupement est intervenu au cours des années 2017 et 2018 pour réaliser des modifications de l'installation de ventilation. La commune de Juvignac a ensuite entrepris des travaux à la fin de l'année 2018 et au début de l'année 2019. Le 27 mars 2020, le groupement titulaire a adressé son projet de décompte final pour un montant restant dû de 27 249,58 euros toutes taxes comprises à la commune de Juvignac, laquelle a notifié le décompte général le 15 juin 2020 faisant apparaître une créance en sa faveur d'un montant de 26 629,77 euros toutes taxes comprises. La société GECCO, mandataire du groupement, a contesté ce décompte par un mémoire en réclamation du 3 juillet 2020. La commune de Juvignac a rejeté la réclamation préalable par un courrier du 27 juillet 2020. Les sociétés requérantes relèvent appel des articles 2 et 3 du jugement du 14 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier les a condamnées in solidum à verser à la commune de Juvignac la somme de 32 630 euros toutes taxes comprises et a rejeté le surplus de leurs demandes. La commune de Juvignac, qui soutient que les sociétés appelantes doivent être condamnées à lui verser la somme de 32 630 euros toutes taxes comprises, après imputation sur le montant de 27 249,58 euros toutes taxes comprises précité de la somme de 59 879,58 euros toutes taxes comprises correspondant aux sommes payées pour la réalisation des travaux de reprise, doit ainsi être regardée comme demandant par, la voie de l'appel incident, que le solde du décompte général définitif du marché soit fixé à la somme de 32 630 euros toutes taxes comprises en sa faveur.
Sur le principe de l'engagement de la responsabilité contractuelle des appelantes :
2. En premier lieu, il appartient au maître de l'ouvrage, lorsqu'il lui apparaît que la responsabilité de l'un des participants à l'opération de construction est susceptible d'être engagée à raison de fautes commises dans l'exécution du contrat conclu avec celui-ci, soit de surseoir à l'établissement du décompte jusqu'à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d'assortir le décompte de réserves. À défaut, si le maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l'établissement du décompte.
3. Toutefois, lorsque le maître de l'ouvrage ne signe pas le décompte final transmis par le titulaire du marché ou assortit le décompte de réserves, aucun décompte définitif n'est valablement établi. Dans ces conditions, le titulaire du marché ne peut opposer le caractère intangible du décompte général au maître de l'ouvrage qui, le cas échéant, est recevable à rechercher la responsabilité contractuelle des entreprises chargées de la maîtrise d'œuvre en raison d'un manquement à leur devoir de conseil lors de la réception des travaux.
4. Il résulte de l'instruction que la commune de Juvignac n'a pas signé le décompte général transmis par le mandataire du groupement constitué par les sociétés appelantes mais a fait état, le 11 juin 2020, d'un montant de 53 879,35 euros toutes taxes comprises acquitté par la commune au titre des travaux de reprise concernant des désordres apparus durant la garantie de parfait achèvement et devant s'imputer sur le montant de 27 249,58 euros toutes taxes comprises réclamé par le titulaire du marché de conception-réalisation en litige. Dès lors, en l'absence de signature du décompte général et des réserves émises par le maître de l'ouvrage, le décompte général n'était pas devenu définitif. Il en résulte que la commune de Juvignac était recevable à rechercher la responsabilité contractuelle des sociétés appelantes en raison d'un manquement à leur devoir de conseil lors de la réception des travaux. En tout état de cause, la circonstance que les premiers juges aient, par erreur, fixé, à l'article 1er du jugement attaqué, le solde du décompte général et définitif du marché à la somme toutes taxes comprises de 27 249,58 euros sans déduire de ce montant la somme de 32 630 euros toutes taxes comprises, alors qu'à l'article 2 de ce jugement ils ont condamné les sociétés appelantes à verser cette dernière somme au maître de l'ouvrage, est sans incidence sur l'appréciation de la recevabilité de la demande de la commune de Juvignac.
5. En second lieu, la responsabilité des maîtres d'œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d'œuvre en avait eu connaissance en cours de chantier.
6. Aux termes de l'article 7 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise privée, alors en vigueur : " La mission de maîtrise d'œuvre que le maître de l'ouvrage peut confier à une personne de droit privé ou à un groupement de personnes de droit privé doit permettre d'apporter une réponse architecturale, technique et économique au programme mentionné à l'article 2. / Pour la réalisation d'un ouvrage, la mission de maîtrise d'œuvre est distincte de celle d'entrepreneur. Le maître de l'ouvrage peut confier au maître d'œuvre tout ou partie des éléments de conception et d'assistance suivants : (...) 8° L'assistance apportée au maître de l'ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement. (...) ". Aux termes de l'article 18 de cette loi : " I-Nonobstant les dispositions du titre II de la présente loi, le maître de l'ouvrage peut confier par contrat à un groupement de personnes de droit privé ou, pour les seuls ouvrages d'infrastructure, à une personne de droit privé, une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux, lorsque des motifs d'ordre technique ou d'engagement contractuel sur un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage. Un décret précise les conditions d'application du présent alinéa en modifiant, en tant que de besoin, pour les personnes publiques régies par le code des marchés publics, les dispositions de ce code. ". Il résulte de ces dispositions que l'article 18 de cette loi prévoit, pour les marchés de conception-réalisation, une exception à la règle posée par son article 7 selon laquelle la mission de maîtrise d'œuvre est distincte de celle de l'entrepreneur. L'article 18 n'exclut cependant pas, pour cette catégorie de marché, que puisse être dévolue au maître d'œuvre une mission d'assistance au maître de l'ouvrage lors des opérations de réception.
7. Aux termes de l'article 1.3 du cahier des clauses administratives particulières applicables au marché de conception réalisation du groupe scolaire Nelson Mandela en litige : " Conduite d'opération. La conduite d'opération est assurée par : L'ENTREPRISE DU GROUPEMENT TITULAIRE DU MARCHE ayant pour mission : Groupement conjoint et solidaire Ce groupement sera constitué d'une équipe de conception associée à une équipe de réalisation. L'Équipe de conception s'articulera autour d'un groupement de concepteur agissant en qualité d'entreprise groupée conjointe ou d'une entreprise générale de conception. L'Équipe de conception devra disposer nécessairement de la qualité d'architecte pour l'établissement du projet architectural conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture. (...) ". Aux termes de l'article 2 de ce cahier : " Documents contractuels. Les pièces constitutives du marché sont les suivantes par ordre de priorité décroissante : (...) b Pièces générales : • cahier des clauses administratives générales (C.C.A.G.) applicables aux marchés publics de travaux portant à la fois sur la conception et la réalisation de travaux, annexé au cahier des clauses administratives particulières ; (...) ". Enfin aux termes de l'article 9.2 de ce cahier : " La réception des travaux est prononcée dans les conditions prévues à l'article 41 du C.C.A.G ".
8. Aux termes de l'article 2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux publics, dans sa version applicable au marché en litige, auquel renvoie expressément le cahier des clauses administratives particulières applicable au marché en litige : " Le maître d'œuvre est la personne physique ou morale, publique ou privée, qui, en raison de sa compétence technique, est chargée par le maître de l'ouvrage ou son mandataire, afin d'assurer la conformité architecturale, technique et économique de la réalisation du projet objet du marché, de diriger l'exécution des marchés de travaux, de lui proposer leur règlement et de l'assister lors des opérations de réception ainsi que pendant la période de garantie de parfait achèvement. Les documents particuliers du marché mentionnent le nom et l'adresse du maître d'œuvre. Si le maître d'œuvre est une personne morale, il désigne la personne physique qui a seule qualité pour le représenter, notamment pour signer les ordres de service ". Aux termes de l'article 41 de ce cahier auquel renvoie expressément l'article 9.2 du cahier précité au point précédent : " 41.1. Le titulaire avise, à la fois, le maître de l'ouvrage et le maître d'œuvre, par écrit, de la date à laquelle il estime que les travaux ont été achevés ou le seront. Le maître d'œuvre procède, le titulaire ayant été convoqué, aux opérations préalables à la réception des ouvrages dans un délai qui est de vingt jours à compter de la date de réception de l'avis mentionné ci-dessus ou de la date indiquée dans cet avis pour l'achèvement des travaux, si cette dernière date est postérieure. (...) / 41. 2. Les opérations préalables à la décision de réception comportent, en tant que de besoin : (...) -la constatation éventuelle de l'inexécution des prestations prévues au marché ; -la vérification de la conformité des conditions de pose des équipements aux spécifications des fournisseurs conditionnant leur garantie ; -la constatation éventuelle d'imperfections ou malfaçons ; (...) Ces opérations font l'objet d'un procès-verbal dressé sur-le-champ par le maître d'œuvre et signé par lui et par le titulaire. (...) Dans le délai de cinq jours suivant la date du procès-verbal, le maître d'œuvre fait connaître au titulaire s'il a ou non proposé au représentant du pouvoir adjudicateur de prononcer la réception des ouvrages et, dans l'affirmative, la date d'achèvement des travaux qu'il a proposé de retenir, ainsi que les réserves dont il a éventuellement proposé d'assortir la réception. (...) / 41. 3. Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'œuvre, le maître de l'ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. (...) ".
9. Les sociétés appelantes soutiennent que le marché de conception-réalisation du groupe scolaire Nelson-Mandela ne comportait aucune mission contractuelle d'assistance du maître de l'ouvrage aux opérations de réception. Il résulte toutefois du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché en litige, renvoyant expressément au cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux publics, que, d'une part, le groupement titulaire du marché, était composé d'une équipe de conception devant avoir la qualité d'architecte et, d'autre part, que les opérations de réception devaient se dérouler selon les modalités de l'article 41 du cahier des clauses administratives générales. Or, cet article prévoit expressément l'intervention du maître d'œuvre, au cours de ces opérations, afin de permettre au maître de l'ouvrage, au vu du procès-verbal des opérations préalables de réception établi par le maître d'œuvre et de ses propositions, de décider de prononcer la réception de l'ouvrage avec ou sans émettre de réserves. Dès lors, les pièces du marché en litige mettaient nécessairement à la charge de son titulaire une mission d'assistance du maître de l'ouvrage aux opérations de réception. Au demeurant, la pièce jointe au courriel du 20 octobre 2015 produit par la commune de Juvignac devant les premiers juges, qui fait apparaître que chaque membre du groupement dont la société Atelier Stéphane Goasmat, a perçu une rémunération au titre de la mission " AOR " d'assistance aux opérations de réception réalisée, confirme l'existence de cette mission.
10. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise réalisé, en présence de toutes les parties au litige, par la société Exi Construction, à la demande de la compagnie d'assurance de la commune de Juvignac, que l'ouvrage d'origine souffrait d'une importante non-conformité dans la mesure où la zone de prélèvement de l'air neuf pour les centrales de traitement de l'air se trouvait dans la galerie technique au sein de laquelle l'air vicié était rejeté. Si les sociétés appelantes soutiennent que les installations d'air étaient conformes tant aux prescriptions contractuelles qu'aux règles de l'art, elles n'apportent cependant pas la démonstration de leur allégation. Il résulte, au contraire, de la réglementation concernant les installations d'air, rappelée par l'agence régionale de santé à la commune de Juvignac dans son courrier du 15 janvier 2019, que l'air neuf doit être pris directement à l'extérieur, les prises d'air neuf doivent être placées à au moins huit mètres de toute sortie d'air extrait, l'air vicié doit être rejeté à l'extérieur et à au moins huit mètres de toute prise d'air neuf. De plus, la circonstance que le désordre lié aux odeurs soit apparu postérieurement à la réception de l'ouvrage, est sans incidence dès lors que la non-conformité de l'installation à l'origine du désordre existait au jour des opérations de réception. Ce défaut de conformité, dont les appelantes ne contestent d'ailleurs pas le caractère apparent, ne pouvait échapper à un simple examen visuel réalisé par un professionnel de la construction, au plus tard lors des opérations préalables à la réception, et aurait dû donner lieu à une réserve, ce qui n'a pas été fait. En revanche, ainsi que les premiers juges l'ont relevé à juste titre, ce vice n'était pas facilement décelable par la commune de Juvignac, non professionnel qui avait précisément fait le choix de confier une mission de conception et de réalisation à un même opérateur en raison de la technicité de l'opération.
11. Dès lors, en s'abstenant d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur ce vice dont elles ne pouvaient ignorer l'existence, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves, les sociétés appelantes, membres du groupement titulaire du marché en litige, ont failli à leur devoir de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage. Ce manquement est de nature à engager leur responsabilité contractuelle au titre de cette malfaçon.
En ce qui concerne les préjudices :
12. Il résulte du rapport d'expertise complémentaire du 6 février 2019 que, même si les quantités étaient moindres, l'air frais aspiré pour alimenter les centrales de traitement de l'air contenait une partie de l'air vicié rejeté par la galerie technique du fait d'une proximité immédiate des bouches d'aspiration et de rejet. Par conséquent, l'intervention du groupement titulaire du marché au cours de l'année 2018 n'avait pas remédié à la non-conformité des installations d'air, à l'origine du désordre lié aux odeurs, au regard de la réglementation sanitaire rappelée au point 10. Par ailleurs, les prélèvements d'air et les mesures réalisés par l'agence régionale de santé d'Occitanie au sein de l'école Nelson-Mandela faisaient apparaître une concentration en polluants physiques supérieures au niveau d'alerte au sein du réfectoire des maternelles et de plusieurs salles périscolaires. Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, la nécessité pour la commune de Juvignac d'engager des travaux supplémentaires pour remédier à cette non-conformité est suffisamment établie.
13. Dès lors que, pour les motifs exposés aux points 2 à 4, le décompte général n'avait pas acquis un caractère définitif, les sociétés appelantes ne sont pas fondées à se prévaloir de l'irrecevabilité de la demande d'indemnisation d'une somme complémentaire de 6 000,23 euros toutes taxes comprises facturée par la société Selva.
14. Les travaux de reprise des études et des plans EXE du lot CVC facturés par la société Service et Assistance Industrielle pour un montant de 2 160 euros toutes taxes comprises, les travaux de modification du réseau d'air neuf facturés par la société Renard Entreprise pour un montant de 21 122,88 euros toutes taxes comprises, les travaux de modification du système de ventilation facturés par l'entreprise Selvea pour un montant de 6 000,23 euros toutes taxes comprises, les interventions de la société IGIENAIR pour contrôler la qualité de l'air au sein de l'établissement scolaire facturés les 26 octobre et 16 novembre 2018 et le 31 juillet 2019, pour un montant total de 29 442,74 euros toutes taxes comprises, ont directement pour objet de remédier au vice à l'origine du désordre en litige et sont suffisamment justifiés par les pièces produites.
15. En revanche, les prestations réalisées par la société R2F pour un montant de 1 153,73 euros toutes taxes comprises consistant dans la vidange du réseau, la dépose et le remplacement de deux têtes thermostatiques et de deux corps de vannes sur radiateurs dortoir, la purge des radiateurs, n'apparaissent pas en lien avec la non-conformité des installations d'air à l'origine du désordre lié aux odeurs.
16. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés appelantes sont seulement fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier les a condamnées à verser à la commune de Juvignac la somme de 32 630 euros toutes taxes comprises au lieu de celle de 31 476,27 euros toutes taxes comprises et que le solde du décompte général et définitif du marché en litige doit être fixé à cette dernière somme, en la faveur de la commune de Juvignac.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune Juvignac, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme réclamée par les sociétés appelantes au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacune des sociétés appelantes, le versement à cette commune, de la somme de 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE:
Article 1er : Les sociétés Gecco, Altéabois, BET SAI et Atelier Stéphane Goasmat sont condamnées in solidum à verser à la commune de Juvignac la somme de 31 476,27 euros toutes taxes comprises.
Article 2 : Le solde du décompte général et définitif du marché de conception-réalisation en litige est fixé à la somme de 31 476,27 euros en faveur de la commune de Juvignac.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 14 avril 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les sociétés GECCO, Altéabois, BET SAI et Atelier Stéphane Goasmat verseront chacune à la commune de Juvignac la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée GECCO, à la société à responsabilité limitée BET SAI, à la société à responsabilité limitée Altéabois, à la société à responsabilité limitée Atelier Stéphane Goasmat et à la commune de Juvignac.
Délibéré après l'audience du 5 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21356