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14/03/2024 | FRANCE | N°23TL00932

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 14 mars 2024, 23TL00932


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de six mois, d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de la Haute-Garonne de lui déliv

rer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de six mois, d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation et de justifier de l'effacement du fichier du système d'information Schengen de la mention de l'interdiction de retour et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2107479 du 21 mars 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de prendre toute mesure propre à mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen, dans un délai d'un mois, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée le 21 avril 2023 sous le n° 23TL00932, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement, en tant qu'il a annulé l'arrêté du 27 avril 2021, enjoint la délivrance dans un délai d'un mois à Mme A... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le moyen tiré de l'indisponibilité des soins en Côte d'Ivoire est inopérant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Tercero, conclut :

1°) avant-dire droit, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne ou à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de produire tous éléments relatifs à la procédure suivie dans le cadre de l'avis du collège de médecins de l'Office ;

2°) au rejet de la requête ;

3°) par la voie de l'appel incident, à ce que l'injonction prononcée par le tribunal soit assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard et à ce que la justification de l'effacement du fichier du système d'information Schengen de la mention de l'interdiction de retour soit ordonnée dans un délai de quinze jours ;

4°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les articles R. 313-22 et R. 313-23 du même code, dès lors qu'il n'est pas établi que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a régulièrement délibéré de manière collégiale ;

- l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration méconnaît l'esprit de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 et la garantie fondamentale de la tutelle du ministre de la santé sur ces médecins ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour est privée de base légale ;

- elle constitue une sanction disproportionnée.

Des pièces ont été produites par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le 14 décembre 2023, en vue de compléter l'instruction.

Par ordonnance du 15 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 janvier 2024.

Mme A... a bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par décision du 8 novembre 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 21 avril 2023 sous le n° 23TL00933, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2107479 du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens d'annulation soulevés dans sa requête au fond présentent un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Tercero, conclut :

1°) avant-dire droit, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne ou à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de produire tous éléments relatifs à la procédure suivie dans le cadre de l'avis du collège de médecins de l'Office ;

2°) au rejet de la requête ;

3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne présentent pas un caractère sérieux.

Par ordonnance du 16 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 5 décembre 2023.

Mme A... a bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par décision du 8 novembre 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les observations de Me Tercero pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ivoirienne, a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de six mois. Par la requête n° 23TL00932, le préfet de la Haute-Garonne fait appel du jugement du 21 mars 2023, en tant que le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer dans le délai d'un mois à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par la voie de l'appel incident, Mme A... demande que l'injonction prononcée par le tribunal soit assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard et que la justification de l'effacement du fichier du système d'information Schengen de la mention de l'interdiction de retour soit ordonnée dans un délai de quinze jours. Par la requête n° 23TL00933, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

2. Les requêtes n° 23TL00932 et n° 23TL00933 présentées par le préfet de la Haute-Garonne étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 23TL00932 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme A... en qualité d'étranger malade, le préfet de la Haute-Garonne s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 26 mars 2021 selon lequel, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et son état de santé lui permet de voyager sans risque à destination de son pays d'origine. Afin de contester les mentions de cet avis, Mme A..., qui a levé le secret médical, produit notamment des certificats médicaux qui établissent l'existence, depuis plusieurs années, d'un syndrome psycho-traumatique caractérisé et de troubles anxiodépressifs nécessitant un suivi psychologique et psychiatrique, ainsi qu'un traitement à base d'antidépresseurs. Les médecins à l'origine de ces certificats estiment, sur la base des déclarations de l'intéressée, que ces symptômes sont consécutifs à des violences subies dans un cadre familial en Côte d'Ivoire. Le psychiatre de Mme A... en conclut, dans un certificat du 26 mai 2021, confirmant l'avis d'un confrère du 4 janvier 2021, que l'absence de soins en France " peut (...) entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité (...) avec des possibilités de passage à l'acte suicidaire évidentes et non négligeables ". Toutefois, le lien existant entre la pathologie dont souffre Mme A... et les événements traumatisants qu'elle aurait vécus en Côte d'Ivoire n'est pas établi, d'autant que l'intéressée n'apporte aucun élément de nature à démontrer la réalité de tels événements. Ainsi, les certificats médicaux produits, qui reposent sur les déclarations de Mme A... et qui font essentiellement un lien direct entre son éloignement en Côte d'Ivoire et l'existence pour elle de conséquences d'une exceptionnelle gravité, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins, alors d'ailleurs qu'il ressort des pièces du dossier que l'état de santé de l'intéressée s'était amélioré et stabilisé à la date de l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, alors même que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait émis un avis différent le 1er août 2017, il ne ressort pas des pièces du dossier, y compris celles au vu desquelles le collège s'est prononcé le 26 mars 2021, produites sur demande de la cour par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le défaut de prise en charge médicale risquait d'entraîner, à la date de l'arrêté attaqué, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, y compris en cas de retour en Côte d'Ivoire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 27 avril 2021, le tribunal administratif de Toulouse a estimé que, le défaut de prise en charge médicale de l'état de Mme A... devant entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, la décision de refus de séjour contestée méconnaissait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif et devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens :

S'agissant du moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué :

6. Par arrêté n° 31-2020-12-15-001 du 15 décembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, accessible tant au juge qu'aux parties, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme C... B..., directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture, à fin de signer notamment les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Selon l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical (...) est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Aux termes enfin de l'article 6 du même arrêté : " (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

8. Les dispositions citées aux points 3 et 7, issues de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France et de ses textes d'application, ont modifié l'état du droit antérieur pour instituer une procédure particulière aux termes de laquelle le préfet statue sur la demande de titre de séjour présentée par l'étranger malade au vu de l'avis rendu par trois médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui se prononcent en répondant par l'affirmative ou par la négative aux questions figurant à l'article 6 précité de l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu d'un rapport médical relatif à l'état de santé du demandeur établi par un autre médecin de l'Office, lequel peut le convoquer pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Cet avis commun, rendu par trois médecins et non plus un seul, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que, s'agissant du dossier de Mme A..., ces réponses n'auraient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet de la Haute-Garonne au vu de cet avis. Il en résulte, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction sur ce point, que le moyen correspondant doit être écarté.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les médecins qui composent le collège dont émane l'avis du 26 mars 2021 sont désignés et rémunérés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui, en application des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a le statut d'établissement public administratif de l'État. Cette circonstance n'est, alors même que les débats parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France ont fait état de la possibilité que les médecins du collège relèvent du ministère de la santé, pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure au terme de laquelle est intervenu le refus de séjour contesté et n'est d'ailleurs pas davantage susceptible d'avoir privé Mme A... d'une garantie.

10. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence de mention, dans la rubrique " Perspectives et pronostic au vu du dossier médical fourni " du rapport médical destiné au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, laquelle est prévue " le cas échéant ", aurait été susceptible de nuire à la bonne information du collège.

11. En quatrième lieu, dès lors que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 26 mars 2021, que le défaut de prise en charge médicale de Mme A... ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, il n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour cette dernière de bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Côte d'Ivoire.

12. En cinquième lieu, aucune des circonstances évoquées précédemment n'est de nature à faire regarder la décision attaquée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen, dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.

14. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne ne s'est pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation de Mme A....

15. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Compte tenu de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait ces dispositions doit être écarté.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

16. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Mme A... n'établit aucun risque de subir personnellement de tels traitements en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, et pour les motifs déjà mentionnés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

S'agissant de la décision portant interdiction de retour :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen, dirigé contre la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois, tiré de l'illégalité, par voie d'exception, des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

18. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) le prononcé et la durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

19. D'une part, l'ensemble des circonstances propres à la situation de Mme A..., en particulier l'absence de lien particulier avec la France et l'existence d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre, sont de nature à justifier légalement, dans son principe et sa durée de six mois, la décision d'interdiction de retour sur le territoire, qui n'est pas disproportionnée.

20. D'autre part, aucune des circonstances évoquées par Mme A... n'est de nature à faire regarder la décision contestée du préfet de la Haute-Garonne comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 27 avril 2021, lui a enjoint de délivrer dans le délai d'un mois à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident, à ce que l'injonction prononcée par le tribunal soit assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard et à ce que la justification de l'effacement du fichier du système d'information Schengen de la mention de l'interdiction de retour soit ordonnée dans un délai ramené à quinze jours.

Sur la requête n° 23TL00933 :

22. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation partielle du jugement n° 2107479 du 21 mars 2023 du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 23TL00933 tendant au sursis à exécution de ce jugement, dans cette mesure, sont devenues sans objet.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 2107479 du 21 mars 2023 du tribunal administratif de Toulouse du 21 mars 2023 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme A... présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23TL00933 du préfet de la Haute-Garonne tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 mars 2023.

Article 5 : Les conclusions présentées par Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme D... A... et à Me Flor Tercero.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°23TL00932, 23TL00933 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00932
Date de la décision : 14/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : TERCERO;TERCERO;TERCERO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-14;23tl00932 ?
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