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14/03/2024 | FRANCE | N°22TL21399

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 14 mars 2024, 22TL21399


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une première requête enregistrée sous le n°1904899, l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision née le 11 juillet 2019 par laquelle le préfet de Tarn-et-Garonne a implicitement rejeté sa demande d'opposition cynégétique sur le territoire de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols et d'enjoindre au préfet de faire droit à

sa demande d'opposition dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête enregistrée sous le n°1904899, l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision née le 11 juillet 2019 par laquelle le préfet de Tarn-et-Garonne a implicitement rejeté sa demande d'opposition cynégétique sur le territoire de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols et d'enjoindre au préfet de faire droit à sa demande d'opposition dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 1907399, cette association a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision expresse du 17 septembre 2019 par laquelle le préfet de Tarn-et-Garonne a rejeté sa demande d'opposition et d'enjoindre au préfet d'y faire droit dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1904899, 1907399 du 15 avril 2022, le tribunal administratif de Toulouse a admis l'intervention de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols, annulé la décision du 17 septembre 2019 par laquelle le préfet de Tarn-et-Garonne a rejeté la demande d'opposition de l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long, a enjoint au président de la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne d'y faire droit dans un délai de deux mois, et a rejeté le surplus des conclusions de l'association intervenante et de l'association requérante.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et trois mémoires, enregistrés le 17 juin 2022, le 14 mars 2023, le 14 septembre 2023 et le 20 octobre 2023 sous le n° 22TL21399, la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne, représentée par Me Lagier, demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors l'article L. 422-18 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2019, attribue la compétence exclusive de la gestion des associations communales de chasse agréées aux fédérations départementales des chasseurs ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit dès lors que le droit d'opposition cynégétique est réservé aux associations de propriétaires fonciers ayant une existence légale à la date de création de l'association communale de chasse agréée et disposant, à cette même date, du droit de chasse ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait dès lors qu'à la date de création de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols, l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long ne disposait pas du droit de chasse, ayant conclu un bail avec une personne tierce.

Par trois mémoires, enregistrés le 7 novembre 2022, le 24 août 2023 et le 17 octobre 2023, l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long, représentée par Me Courrech, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'article L. 422-18, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2019, subordonne seulement l'exercice du droit d'opposition des associations de propriétaires fonciers à la condition qu'elles aient une existence reconnue lors de la création de l'association communale de chasse agréée ;

- la détention des droits de chasse s'apprécie à la date de demande d'opposition cynégétique et non à la date de création de l'association communale de chasse agréée, de sorte qu'est sans incidence la circonstance qu'à la date de création de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols, elle avait conclu un bail de chasse avec un tiers ;

- à la date de la demande d'opposition, elle disposait du droit de chasse sur les terrains de ses membres.

Par trois mémoires, enregistrés le 14 mars 2023, le 14 septembre 2023 et le 20 octobre 2023, l'association communale de chasse agréée de Feneyrols, représentée par Me Lagier, demande qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête.

Elle soutient que :

- le droit d'opposition cynégétique n'est ouvert qu'aux associations de propriétaires fonciers existantes à la date de création de l'association communale de chasse agréée et disposant, à cette même date, des droits de chasse sur les terrains de leurs membres ;

- l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long ne jouissait pas du droit de chasse sur les terrains de ses membres dès lors qu'elle n'est pas titulaire d'un bail portant sur ces terrains.

Par ordonnance du 18 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 novembre 2023.

Par lettre du 15 février 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de se fonder sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité pour cause de tardiveté de l'intervention volontaire de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols, qui avait qualité pour faire appel.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 juin 2022 et le 25 août 2022 sous le n° 22TL21469, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé quant à l'appréciation de la date à laquelle cette association devait disposer des droits de chasse pour former une demande d'opposition cynégétique ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que l'appréciation de la consistance des droits de chasse à la date de création de l'association communale de chasse agréée était sans incidence sur la mise en œuvre du droit d'opposition cynégétique, alors même que ce droit est consubstantiellement lié à la détention effective du droit de chasse ;

- les premiers juges ont commis une erreur de qualification juridique et une erreur de fait dès lors qu'à la date de création de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols, l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long ne disposait pas du droit de chasse, ayant conclu un bail avec un tiers.

Par trois mémoires, enregistrés le 7 novembre 2022, le 24 août 2023 et le 17 octobre 2023, l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long, représentée par Me Courrech, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- il n'est pas entaché d'erreur de droit dès lors que l'article L. 422-18 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2019, subordonne seulement l'exercice du droit d'opposition des associations de propriétaires à la condition qu'elles aient une existence reconnue lors de la création de l'association communale de chasse agréée ;

- il n'est pas davantage entaché d'erreur de qualification juridique dès lors que la détention des droits de chasse s'apprécie à la date de demande d'opposition cynégétique et non à la date de création de l'association communale de chasse agréée, de sorte qu'est sans incidence la circonstance qu'à la date de la création de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols, elle avait conclu un bail de chasse avec un tiers.

Par quatre mémoires, enregistrés le 22 décembre 2022, le 27 juin 2023, le 14 septembre 2023 et le 20 octobre 2023, la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne et l'association communale de chasse agréée de Feneyrols, représentées par Me Lagier, demandent qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et que l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long soit condamnée à verser une somme de 3 000 euros à la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'intervention de la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne est recevable dès lors que le tribunal administratif de Toulouse lui a enjoint de faire droit à la demande d'opposition cynégétique de l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long ;

- l'intervention de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols est recevable dès lors que le jugement attaqué emporte des conséquences directes sur la détermination de son territoire de chasse ;

- le droit d'opposition cynégétique n'est ouvert qu'aux associations de propriétaires fonciers existantes à la date de création de l'association communale de chasse agréée et disposant, à cette même date, de droits de chasse ;

- les premiers juges ont commis une erreur en considérant que l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long jouissait du droit de chasse sur les terrains de ses membres et pouvait, partant, faire opposition, alors qu'elle n'était pas titulaire d'un bail portant sur ces terrains ;

- le jugement attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 422-24 du code de l'environnement, dès lors que les premiers juges n'ont pas vérifié si cette association détenait des droits de chasse.

Par ordonnance du 18 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 novembre 2023.

Par lettre du 15 février 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de se fonder sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité, pour cause d'absence d'intérêt à agir, des conclusions du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué.

Par lettre du 15 février 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de se fonder sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité pour cause de tardiveté de l'intervention volontaire de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols, qui avait qualité pour faire appel.

Une réponse à ces deux moyens d'ordre public, présentée pour la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne et pour l'association communale de chasse agréée de Feneyrols, par Mes Lagier et Bonzy, a été enregistrée le 19 février 2024.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Restino,

- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,

- les observations de Me Mollard, représentant la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne et l'association communale de chasse agréée de Feneyrols,

- et les observations de Me Calmette, représentant l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long.

Considérant ce qui suit :

1. L'association communale de chasse de Feneyrols, créée le 24 octobre 2014, a été agréée par arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 8 décembre 2014. Le 16 février 2019, l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long a déposé une demande d'opposition cynégétique pour des terrains situés sur le territoire de la commune de Feneyrols (Tarn-et-Garonne) et compris dans le territoire d'action de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols. Cette demande a été reçue le 11 mars 2019 par le préfet de Tarn-et-Garonne qui l'a implicitement rejetée à l'expiration d'un délai de quatre mois. Par une première requête, l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'un recours tendant à obtenir l'annulation de cette décision implicite et à ce qu'il soit enjoint au préfet de faire droit à sa demande. Par ailleurs, le 17 septembre 2019, le préfet de Tarn-et-Garonne a expressément rejeté la demande de l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long. Par une seconde requête, cette association a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande aux fins d'obtenir l'annulation de cette décision expresse, contre laquelle elle avait précédemment formé un recours gracieux, reçu le 4 octobre 2019 par le préfet, qui l'a implicitement rejeté, et à ce qu'il soit enjoint au préfet de faire droit à sa demande. Par la requête enregistrée sous le n° 22TL21399, la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne relève appel du jugement du 15 avril 2022 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a, à son article 2 , annulé la décision expresse du préfet de Tarn-et-Garonne du 17 septembre 2019 et, à son article 3, enjoint à son président de faire droit à la demande d'opposition cynégétique de l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par la requête enregistrée sous le n° 22TL21469, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires relève également appel des articles 2 et 3 de ce même jugement.

2. Les requêtes susvisées nos 22TL21399 et 22TL21469, présentées par la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'intervention de la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne dans l'instance enregistrée sous le n° 22TL21469 :

3. La fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne, qui est l'auteur de la requête enregistrée sous le n° 22TL21399, a intérêt à l'annulation des articles 2 et 3 du jugement attaqué du tribunal administratif de Toulouse du 15 avril 2022. Ainsi, son intervention, enregistrée le 22 décembre 2022 dans l'instance enregistrée sous le n° 22TL21469, est recevable.

Sur l'intervention de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols dans les instances enregistrées sous les nos 22TL21399 et 22TL21469 :

4. La personne qui, devant le tribunal administratif, est régulièrement intervenue en défense à un recours pour excès de pouvoir est recevable à interjeter appel du jugement rendu sur ce recours contrairement aux conclusions de son intervention lorsqu'elle aurait eu qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce opposition contre le jugement faisant droit au recours. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ". En annulant la décision du 17 septembre 2019 par laquelle le préfet de Tarn-et-Garonne a rejeté la demande d'opposition cynégétique de l'association intimée portant sur des parcelles comprises dans le territoire d'action de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols et en enjoignant au président de la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne de faire droit à cette demande, le jugement attaqué préjudicie aux droits de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols. Il en résulte que cette association, qui est régulièrement intervenue en défense en première instance, avait qualité pour faire appel de ce jugement.

5. Le mémoire en intervention au soutien de la requête de la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne enregistrée sous le n° 22TL21399, qui doit être regardé comme une requête d'appel, a été présenté le 14 mars 2023, après l'expiration du délai d'appel contre le jugement attaqué du 15 avril 2022, qui a été régulièrement notifié à l'association communale de chasse agréée de Feneyrols le 26 avril 2022. Le mémoire en intervention au soutien de la requête du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires enregistrée sous le n° 22TL21469, qui doit également être regardé comme une requête d'appel en tant que ce mémoire est présenté par l'association communale de chasse agréée, a été présenté le 22 décembre 2022, également après l'expiration du délai d'appel. Ainsi, les requêtes de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols sont tardives et, par suite, irrecevables. Les circonstances, invoquées par cette association dans ses observations en réponse au moyen d'ordre public notifié dans le cadre de l'instance enregistrée sous le n° 22TL21469, qu'en septembre 2022 son conseil a sollicité, par téléphone, du greffe de la cour la communication du dossier de cette procédure, puis s'est constitué le 10 novembre 2022 pour son compte en qualité de " partie intervenante " en réitérant sa demande tendant à obtenir la communication du dossier de la procédure sont sans incidence à cet égard.

Sur la recevabilité des conclusions du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires aux fins d'annulation de l'article 3 du jugement attaqué :

6. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'a pas intérêt à agir à l'encontre du jugement attaqué en tant qu'il adresse une injonction au président de la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué sont irrecevables.

Sur le surplus des conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'article 2 du jugement attaqué :

7. Lorsqu'un requérant conteste, dans les délais de recours, une décision implicite de rejet et une décision expresse de rejet intervenue postérieurement, ses conclusions doivent être regardées comme dirigées uniquement contre la seconde décision, qui s'est substituée à la première.

8. L'association intimée a contesté, dans les délais de recours, la décision née le 11 juillet 2019 par laquelle le préfet de Tarn-et-Garonne a implicitement rejeté sa demande d'opposition cynégétique. Elle a également contesté, dans les délais de recours, la décision du 17 septembre 2019 par laquelle ce préfet a expressément rejeté sa demande, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux contre cette décision de rejet. Par suite, le tribunal administratif de Toulouse a jugé, à bon droit, que les conclusions aux fins d'annulation présentées par l'association intimée devaient être regardées comme dirigées uniquement contre la seconde décision, qui s'est substituée à la première.

9. Aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'environnement : " L'association communale est constituée sur les terrains autres que ceux : / (...) / 3° Ayant fait l'objet de l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse sur des superficies d'un seul tenant supérieures aux superficies minimales mentionnées à l'article L. 422-13 (...). Aux termes du premier alinéa de l'article L. 422-18 du même code, dans sa rédaction applicable à compter du 27 juillet 2019 : " L'opposition formulée en application du 3° ou du 5° de l'article L. 422-10 prend effet à l'expiration de la période de cinq ans en cours, sous réserve d'avoir été notifiée six mois avant le terme de cette période. A défaut, elle prend effet à l'expiration de la période suivante. La personne qui la formule la notifie au président de la fédération départementale des chasseurs. / L'association peut, dans ce cas, lui réclamer une indemnité fixée par le tribunal compétent et correspondant à la valeur des améliorations apportées par celle-ci. / Le droit d'opposition mentionné au premier alinéa du présent article est réservé aux propriétaires et aux associations de propriétaires ayant une existence reconnue lors de la création de l'association ".

10. Il ressort des pièces du dossier que l'association intimée a été créée le 1er décembre 2012, que cette création a été déclarée en préfecture et a donné lieu à la remise d'un récépissé le 18 décembre 2012. La modification des statuts de cette association, le 21 mars 2014, a également été déclarée en préfecture et a donné lieu à la remise d'un récépissé le 25 mars 2014. Par suite, l'association intimée avait une existence reconnue lors de la création de l'association communale de chasse de Feneyrols, qui a été créée le 24 octobre 2014 et agréée le 8 décembre 2014 par le préfet de Tarn-et-Garonne. Il en résulte que ce dernier ne pouvait rejeter la demande d'opposition de l'association intimée au motif qu'elle n'avait pas d'existence reconnue lors de la création de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols.

11. Toutefois, pour justifier que la décision du préfet de Tarn-et-Garonne du 17 septembre 2019 était légale, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires invoque dans sa requête un autre motif, tiré de ce que l'association intimée ne détenait pas les droits de chasse afférents aux parcelles de ses adhérents à la date de création de l'association communale de chasse agréée, puisqu'elle les louait à une association tierce. La fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne s'associe à cette argumentation.

12. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

13. D'une part, contrairement à ce que soutient le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus des articles L. 422-10 et L. 422-18 du code de l'environnement que la condition de détention des droits de chasse s'apprécie à la date à laquelle l'opposition est demandée et non pas à la date de création de l'association communale de chasse agréée. Par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à la substitution demandée.

14. D'autre part, si la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne soutient que l'association intimée ne disposait pas des droits de chasse afférents aux parcelles de ses adhérents lors de sa demande d'opposition et que les premiers juges ont omis de vérifier l'existence de ces droits, elle n'est pas recevable à invoquer ce moyen, dès lors que la décision du préfet n'est pas fondée sur ce motif et que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est le seul à pouvoir demander une substitution de motif.

15. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué.

En ce qui concerne l'article 3 du jugement attaqué :

16. Aux termes de l'article L. 422-13 du code de l'environnement : " I.- Pour être recevable, l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse mentionnés au 3° de l'article L. 422-10 doit porter sur des terrains d'un seul tenant et d'une superficie minimum de vingt hectares (...) / V.- Des arrêtés pris, par département, dans les conditions prévues à l'article L. 422-6 peuvent augmenter les superficies minimales ainsi définies. Les augmentations ne peuvent excéder le double des minima fixés " et aux termes de l'article R. 422-24 du même code : " A l'appui de leur opposition, les personnes mentionnées aux 3° et 5° de l'article L. 422-10 doivent joindre toute justification pour la détermination tant de la surface du territoire intéressé que des droits de propriété dont il est l'objet. / Le détenteur du droit de chasse peut faire opposition au titre du 3° de l'article L. 422-10 pour l'ensemble des droits de chasse sur le territoire intéressé, jusqu'à l'expiration de son contrat, et sans avoir à faire la preuve de l'accord du propriétaire, même si ce contrat réserve à celui-ci une partie du droit de chasse sur le territoire intéressé. Dans ce cas, le détenteur du droit de chasse devra justifier de l'existence et de l'étendue de ses droits (...) ".

17. D'une part, comme il a été exposé au point 10, il ressort des pièces du dossier et il est d'ailleurs constant que l'association intimée avait une existence reconnue lors de la création de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols.

18. D'autre part, comme il a été exposé au point 13, la condition de détention des droits de chasse s'apprécie à la date à laquelle l'opposition est demandée. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'article 2 des statuts de l'association intimée dans leur rédaction résultant de la modification intervenue le 7 juillet 2018 et déclarée en préfecture le 26 juillet 2018, que ses adhérents lui ont cédé leurs droits de chasse sur les terres dont ils sont propriétaires et qu'elle en disposait, ne les ayant pas loués à un tiers.

19. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et il est d'ailleurs constant qu'à la date à laquelle l'association intimée a présenté sa demande d'opposition au préfet de Tarn-et-Garonne, elle détenait les droits de chasse sur des parcelles d'un seul tenant situées sur le territoire de la commune de Feneyrols d'une superficie de 84 ha 66 ares 55 ca, excédant la surface minimale applicable en Tarn-et-Garonne, et qu'elle avait joint à sa demande les éléments de nature à justifier la détermination de la surface du territoire intéressé et des droits de propriété y afférents.

20. Enfin, il ressort des pièces du dossier et il est d'ailleurs constant que l'association intimée a notifié sa demande d'opposition le 11 mars 2019, soit plus de six mois avant le terme de la période de cinq ans suivant la date à laquelle l'association communale de chasse de Feneyrols avait été agréée, le 8 décembre 2014.

21. Il résulte de ce qui précède que la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué.

22. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 17 septembre 2019 par laquelle le préfet de Tarn-et-Garonne a rejeté la demande d'opposition cynégétique présentée par l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long et, d'autre part, que la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 de ce même jugement, le tribunal administratif de Toulouse lui a enjoint de faire droit à cette demande.

Sur les frais liés au litige :

23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne une somme de 1 500 euros à verser à l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long sur le fondement des mêmes dispositions. En revanche, cette association n'étant pas la partie perdante, il n'y a pas lieu de mettre à sa charge une somme à verser à la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne sur ce même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne dans l'instance enregistrée sous le n° 22TL21469 est admise.

Article 2 : Les requêtes de l'association communale de chasse agréée de Feneyrols, de la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sont rejetées.

Article 3 : La fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne versera une somme de 1 500 euros à l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne présentées dans l'instance enregistrée sous le n° 22TL21469 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à l'association Le groupement des propriétaires fonciers du Raz, de la Plaine, de Margot et du Clos del Long et à l'association communale de chasse agréée de Feneyrols.

Copie en sera adressée au préfet de Tarn-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 29 février 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2023.

La rapporteure,

V. RestinoLe président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 22TL21399, 22TL21469 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21399
Date de la décision : 14/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-046-04 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : LAGIER;LAGIER;SCP COURRECH & ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-14;22tl21399 ?
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