Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... et A... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016.
Par une ordonnance du 6 janvier 2021, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a transmis cette demande au tribunal administratif de Montpellier.
Par un jugement n° 2100362 du 9 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juin 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Gasquet, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les extraits du rôle des impositions contestées sont irréguliers et n'ont pas interrompu la prescription d'assiette, dès lors qu'ils ne comportent pas l'indication des bases de la liquidation, conformément aux dispositions de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- la doctrine référencée BOI-REC-PART-10-10 n° 10 et n° 20 du 21 mars 2019 prévoit que les bases de la liquidation doivent figurer sur le rôle ;
- les indemnités kilométriques remboursées à Mme B... en 2014 par la société MGE Immo sont justifiées à hauteur de 20 032 kilomètres ou, a minima, de 14 500 kilomètres ;
- les retraits d'espèces réalisés par la société MGE Immo au cours de l'exercice 2014 pour 27 800 euros ont permis de régler les salariés mis à sa disposition par la société Group Activ B... ;
- la somme de 12 180 euros inscrite au crédit du compte courant d'associé de Mme B... le 3 juin 2014 correspond au prix de la cession, par M. B..., d'un véhicule lui appartenant et qui a permis à la société MGE Immo d'acquérir deux véhicules ;
- la déduction d'un crédit d'impôt de 100 euros pour l'emploi d'un salarié à domicile en 2016 est justifiée, dès lors que son bénéfice ne dépend pas d'une vérification que le contribuable devrait opérer auprès des services du ministère du travail et que l'administration fiscale ne produit ni la demande présentée auprès de ces services, ni leur réponse.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 19 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lafon,
- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... font appel du jugement du 9 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016. Ces suppléments procèdent notamment de l'imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, de sommes regardées comme distribuées par la société MGE Immo, qui est dirigée par Mme B... et dont les requérants sont les deux associés, ainsi que de la remise en cause de la déduction d'un crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 1658 du code général des impôts : " Les impôts directs et les taxes assimilées sont recouvrés en vertu soit de rôles rendus exécutoires par arrêté du directeur général des finances publiques ou du préfet, soit d'avis de mise en recouvrement (...) ". Le rôle doit comporter l'identification du contribuable, ainsi que le total par nature d'impôt et par année des sommes à acquitter.
3. Il résulte de l'instruction que les extraits de rôle, produits par l'administration fiscale, relatifs aux impositions supplémentaires établies au titre des années 2014, 2015 et 2016 au nom de M. et Mme B..., mentionnent l'identité de ces contribuables, le total dû en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que les années concernées. Les intéressés ne sont ainsi pas fondés à soutenir que ces rôles seraient irréguliers faute de comporter les mentions requises. Par ailleurs, M. et Mme B... ne peuvent utilement soutenir que ces extraits de rôle méconnaîtraient les dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, qui ne sont pas applicables aux créances fiscales.
4. D'autre part, M. et Mme B... ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes n° 10 et n° 20 de la doctrine référencée BOI-REC-PART-10-10 du 21 mars 2019, qui se bornent à préciser la nature juridique du rôle, ainsi que la notion d'homologation du rôle, et qui ne comportent aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
6. A l'issue de la vérification de la comptabilité de la société MGE Immo, l'administration a réintégré dans les résultats de l'exercice clos en 2014 un montant de 7 992,76 euros d'indemnités kilométriques remboursées à Mme B... à partir d'une inscription au crédit de son compte courant d'associé. Elle a estimé que les frais kilométriques correspondants, mentionnés à hauteur de 20 032 kilomètres effectués entre le 11 septembre et le 31 décembre 2014, n'étaient pas justifiés. Les requérants n'apportent aucun élément permettant de remettre en cause les indications données par Mme B... au cours du débat oral et contradictoire engagé dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société MGE Immo, selon lesquelles les deux associés ont utilisé, pour les besoins de la société, un unique véhicule personnel acquis le 11 septembre 2014. Il résulte en outre de la facture d'entretien de ce véhicule qu'il enregistrait 37 376 kilomètres au 25 juin 2015, induisant en proportion une distance de 14 500 kilomètres au cours de la période litigieuse, en cohérence avec les indemnités kilométriques remboursées à M. B.... Enfin, les requérants ne peuvent valablement se prévaloir, pour remettre en cause la réintégration critiquée, de relevés de consommation de télépéage autoroutier émis au nom de la société et qui mentionnent des déplacements ne correspondant pas à ceux qui ont été remis en cause par le service. Dans ces conditions, les requérants n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, que les sommes présentées comme des indemnités kilométriques remboursées à Mme B..., qui ne sont donc pas justifiées, même pour partie, n'avaient pas le caractère de revenus distribués appréhendés par cette dernière. Il s'ensuit que c'est à bon droit qu'elles ont été regardées comme constituant des distributions au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, imposables entre les mains de Mme B....
7. En troisième lieu, l'administration fiscale a estimé que la somme de 27 800 euros, correspondant à des retraits en espèces effectués en 2014 sur le compte bancaire de la société MGE Immo, était constitutive d'un revenu distribué, imposable entre les mains de Mme B.... Les requérants font valoir que ces retraits auraient permis de rémunérer une partie des heures de travail effectuées par des salariés mis à la disposition de la société MGE Immo par la société de droit espagnol Group Activ B.... Ils indiquent que la première n'était pas autorisée à émettre des chèques et que ces salariés étrangers souhaitaient recevoir des acomptes en espèces sur leurs salaires, ainsi que le confirment des versements par mandats cash non contestés par le service. Toutefois, la seule production de bulletins de salaires, mentionnant que ces salariés percevaient mensuellement des acomptes compris entre 100 et 700 euros, ne suffit pas à justifier que les sommes retirées en espèces du compte bancaire de la société MGE Immo, qui n'ont d'ailleurs pas été enregistrées comme telles en comptabilité, auraient effectivement servi à la rémunération complémentaire de ces salariés. Le ministre affirme à ce titre, sans être contesté, que le compte 421, intitulé " rémunérations dues - salariés " dans les écritures de la société MGE Immo, comprend cinq opérations diverses de crédit au 31 décembre 2014 qui ont été compensées par des lignes de débit du montant des seuls mandats cash et acomptes comptabilisés correspondants. Dans ces conditions, alors qu'il n'est pas contesté que les retraits d'espèces ont été effectués par Mme B..., l'administration doit être regardée comme établissant leur caractère de revenus distribués appréhendés par cette dernière. C'est, par suite, à bon droit que la somme correspondante a été imposée, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
8. En quatrième lieu, les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé, alors même que l'inscription résulterait d'une erreur comptable involontaire, et ont donc, même dans une telle hypothèse, le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.
9. Il résulte de l'instruction qu'une somme de 12 180 euros a été inscrite le 3 juin 2014 au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de Mme B... dans la société MGE Immo. Les requérants soutiennent que cette inscription procèderait d'une erreur, dès lors qu'elle correspondrait à une dette de la société à l'égard de M. B..., résultant de ce qu'il aurait cédé un véhicule personnel en échange de deux véhicules acquis par la société. Cette opération n'est toutefois établie ni par les factures d'acquisition émises par un garage au nom de la société MGE Immo, qui ne mentionnent aucune reprise de véhicule, ni par l'attestation rédigée pour les besoins de la cause le 20 février 2018 par la personne se présentant comme ayant acquis le véhicule appartenant précédemment à M. B.... En se bornant à produire ces documents, les requérants n'apportent en tout état de cause pas la preuve, qui leur incombe, que l'inscription en litige procéderait d'une erreur comptable involontaire, que Mme B... n'a pas pu avoir la disposition de la somme de 12 180 euros et que celle-ci ne correspondrait pas à la mise à disposition d'un revenu. Il s'ensuit que c'est à bon droit qu'elle a été imposée, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, entre les mains de Mme B....
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 199 sexdecies du code général des impôts, dans sa version applicable au présent litige : " 1. Lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories, ouvrent droit à une aide les sommes versées par un contribuable domicilié en France au sens de l'article 4 B pour : / a) L'emploi d'un salarié qui rend des services définis aux articles L. 7231-1 et D. 7231-1 du code du travail ; / b) Le recours à une association, une entreprise ou un organisme déclaré en application de l'article L. 7232-1-1 du même code et qui rend exclusivement des services mentionnés au a du présent 1 ou qui bénéficie d'une dérogation à la condition d'activité exclusive selon l'article L. 7232-1-2 du code du travail ; / c) Le recours à un organisme à but non lucratif ayant pour objet l'aide à domicile et habilité au titre de l'aide sociale ou conventionné par un organisme de sécurité sociale. / (...) / 6. Les sommes mentionnées au 1 ouvrent droit au bénéfice de l'aide, sous réserve que le contribuable soit en mesure de présenter, à la demande de l'administration fiscale, les pièces justifiant du paiement des salaires et des cotisations sociales, de l'identité du bénéficiaire, de la nature et du montant des prestations réellement effectuées payées à l'association, l'entreprise ou l'organisme définis au 1 ". Selon l'article D. 7233-4 du code du travail : " La personne morale ou l'entrepreneur individuel déclaré en application de l'article L. 7232-1-1 délivre à chacun de ses clients une attestation fiscale annuelle, pour leur permettre de bénéficier de l'aide prévue par l'article 199 sexdecies du code général des impôts. / Cette attestation mentionne : / 1° Le nom, l'adresse et le numéro d'identification de la personne morale ou de l'entrepreneur individuel ; / 2° Le numéro et la date d'enregistrement de la déclaration : / 3° Le nom de la personne ayant bénéficié du service, son adresse, le numéro de son compte débité le cas échéant, le montant effectivement acquitté ; / 4° Un récapitulatif des interventions faisant apparaître le nom et le code identifiant de l'intervenant, ainsi que la date et la durée de l'intervention ". L'article 46 AO bis de l'annexe III au code général des impôts dispose que : " Conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article D. 7233-4 du code du travail, la personne morale ou l'entrepreneur individuel qui assure la fourniture de prestations de services ouvrant droit à l'aide prévue à l'article 199 sexdecies du code général des impôts communique à chacun de ses clients une attestation fiscale comportant les informations mentionnées à l'article D. 7233-4 précité ".
11. Il résulte de l'instruction que M. et Mme B... ont sollicité, pour l'année 2016, l'octroi d'un crédit d'impôt prévu par les dispositions de l'article 199 sexdecies du code général des impôts à raison de cours de natation donnés à domicile par un maître-nageur-sauveteur ayant le statut d'auto-entrepreneur, pour un montant de 100 euros. Ils n'ont toutefois été en mesure de ne présenter qu'une facture dépourvue de numéro de service à la personne, et non l'attestation fiscale annuelle prévue par les articles D. 7233-4 du code du travail et 46 AO bis de l'annexe III au code général des impôts, permettant notamment de vérifier que l'entrepreneur individuel a déclaré une activité de services à la personne. Dès lors que M. et Mme B... ne sont pas en mesure d'établir que cet auto-entrepreneur a procédé à la déclaration de son activité en application de l'article L. 7232-1-1 du code du travail, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la déduction du crédit d'impôt prévu par l'article 199 sexdecies du code général des impôts. La circonstance qu'elle ne produit ni la demande formée le 19 octobre 2018 dans le cadre d'un droit de communication réalisé auprès des services du ministère du travail, ni la réponse de ces derniers, qui auraient confirmé que l'auto-entrepreneur en cause n'était pas répertorié en tant qu'organisme de services à la personne, est sans incidence sur le bien-fondé de cette remise en cause.
12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 29 février 2024, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22TL21352 2