Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser, à titre principal, la somme totale de 1 516 046,29 euros en réparation des préjudices subis en raison de la sclérose en plaques contractée selon elle à la suite de sa vaccination à titre obligatoire contre l'hépatite B en 1988 et 1989, à titre subsidiaire, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de l'assistance définitive par tierce personne à lui verser un capital initial de 37 170 euros ainsi qu'une rente annuelle de 12 390 euros revalorisée annuellement en application des articles L.464-17 et L.565-25 du code de la sécurité sociale, d'assortir les sommes versées des intérêts à compter du 25 octobre 2018 et de leur capitalisation.
Par un jugement n° 1806046 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er juin 2021 et le 6 janvier 2022, au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 21BX02342 puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL22342, et des mémoires, enregistrés les 13 avril et 26 mai 2023, Mme A..., représentée par la SELARL d'avocats Jegu-Leroux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er avril 2021 ;
2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme de 1 516 046,29 euros en réparation des préjudices subis en raison de la sclérose en plaques contractée selon elle à la suite de sa vaccination à titre obligatoire contre l'hépatite B en 1988 et 1989, ou à titre subsidiaire, au titre de l'assistance définitive par tierce personne, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser un capital initial de 37 170 euros ainsi qu'une rente annuelle de 12 390 euros revalorisée annuellement en application des articles L.464-17 et L.565-25 du code de la sécurité sociale ;
3°) d'assortir les sommes versées des intérêts à compter du 25 octobre 2018 et de leur capitalisation ;
4°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- elle a été vaccinée à titre obligatoire contre l'hépatite B en 1988 et 1989 ; à la suite de ces injections, elle a développé une sclérose en plaques dont les premiers symptômes sont apparus immédiatement mais qui n'a été diagnostiquée qu'en 1992 ; compte tenu de ce délai et de l'absence d'antécédents médicaux, le lien de causalité est établi entre la vaccination et la pathologie ;
- ses préjudices doivent être réactualisés ;
- elle est fondée à solliciter une somme totale de 47.883,25 euros au titre des périodes de déficit fonctionnel temporaire retenues par l'expert sur la base d'un taux journalier de 17 euros ;
- les souffrances endurées évaluées à 4 sur une échelle de 7, doivent être indemnisées à hauteur de 20 000 euros ;
- les pertes de gains professionnels actuelles doivent être indemnisées à hauteur de 100 000 euros à parfaire ;
- le préjudice esthétique temporaire doit être indemnisé à hauteur de 4 000 euros ;
- contrairement à ce qu'a retenu l'expert, elle doit être indemnisée à hauteur de 324 522,69 euros au titre de l'assistance temporaire par tierce personne sur la base d'un taux horaire de 15 euros, de 14 heures par semaine sur 59 semaines pendant toute la période précédant la stabilisation de son état ;
- les dépenses de santé actuelles, dont une partie a été prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, doivent être réservées à la somme de 50 000 euros à parfaire ;
- son déficit fonctionnel permanent doit être indemnisé à hauteur de 61 500 euros ;
- elle sollicite la somme de 153 930,67 euros au titre de ses pertes de gains professionnels futurs ;
- elle sollicite la somme de 100 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;
- le préjudice esthétique permanent doit être indemnisé à hauteur de 4 000 euros ;
- elle sollicite la somme de 10 000 euros au titre du préjudice sexuel ;
- le préjudice d'agrément doit être indemnisé à hauteur de 20 000 euros ;
- elle sollicite la somme de 200 000 euros au titre de l'aménagement de son domicile qui pourrait être nécessaire, même si l'expert ne l'a pas retenu ;
- elle sollicite la somme de 100 000 euros au titre de l'aménagement de son véhicule pour les mêmes raisons ;
- elle réserve la prise en charge des dépenses de santé futures à hauteur de 50 000 euros ;
- l'expert a retenu un besoin d'aide par tierce personne de 14 heures par semaine et sollicite la somme de 320 209,68 euros au titre de l'assistance définitive ; subsidiairement, il pourrait être alloué à ce titre un capital initial de 37 170 euros ainsi qu'une rente annuelle de 12 390 euros revalorisée annuellement en application des articles L.464-17 et L.565-25 du code de la sécurité sociale.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 décembre 2021, 28 avril et 15 juin 2023, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Birot, conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement.
Il soutient que :
- il ne conteste pas le caractère obligatoire des vaccinations contre l'hépatite B dont la requérante a bénéficié du fait de son activité professionnelle, en revanche le lien de causalité avec l'apparition de sa sclérose en plaques n'est pas établi, compte tenu du délai d'apparition des symptômes de 2 ans et 9 mois qui ne saurait être considéré comme un délai bref et qu'elle présentait un antécédent, à savoir sa grossesse, qui est connue pour avoir un rôle de déclencheur de la maladie ;
- en tout état de cause, l'évaluation des préjudices est excessive.
Par ordonnance du 30 mai 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 23 juin 2023.
Par une décision en date du 17 juin 2021, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Armelle Geslan-Demaret, présidente rapporteure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Jegu, représentant Mme A....
1. Mme A..., alors technicienne de laboratoire, a reçu trois injections de vaccin contre l'hépatite B, dans le cadre de son obligation vaccinale, les 23 janvier, 24 février et 24 mars 1988, puis un rappel le 28 avril 1989. Une sclérose en place rémittente a été diagnostiquée le 26 mai 1992, que Mme A... attribue à sa vaccination. Elle a ainsi demandé à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de l'indemniser des préjudices en résultant par réclamation du 27 novembre 2017. L'office a diligenté une expertise médicale confiée au professeur B..., spécialiste en neurologie, qui a déposé son rapport le 28 juin 2018. Par décision du 25 octobre 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a rejeté la demande d'indemnisation. Mme A... a alors saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande de condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser, à titre principal, la somme totale de 1 516 046,29 euros en réparation de ses préjudices, ou à titre subsidiaire, au titre de l'assistance définitive par tierce personne à lui verser un capital initial de 37 170 euros ainsi qu'une rente annuelle de 12 390 euros revalorisée annuellement en application des articles L.464-17 et L.565-25 du code de la sécurité sociale, d'assortir les sommes versées des intérêts à compter du 25 octobre 2018 et de leur capitalisation. Elle relève appel du jugement du 1er avril 2021 rejetant ses demandes.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ne conteste pas le point 2 du jugement selon lequel Mme A..., qui exerçait la profession de technicienne de laboratoire dans un laboratoire d'analyses médicales, et a été à ce titre soumise à une vaccination contre l'hépatite B en 1988 et 1989, peut se prévaloir des dispositions de l'article L.3111-9 du code de la santé publique.
3. En second lieu, alors même qu'un rapport d'expertise, sans l'exclure, n'établirait pas de lien de causalité entre la vaccination et l'affection, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales peut être tenu d'indemniser, sur le fondement de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, les conséquences dommageables d'injections vaccinales contre l'hépatite B réalisées dans le cadre d'une activité professionnelle eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé l'apparition des premiers symptômes d'une sclérose en plaques, éprouvés par l'intéressé et validés par les constatations de l'expertise médicale, d'autre part, à la bonne santé de la personne concernée et à l'absence, chez elle, de tout antécédent à cette pathologie antérieurement à sa vaccination. La preuve des différentes circonstances à prendre ainsi en compte, notamment celle de la date d'apparition des premiers symptômes d'une sclérose en plaques, peut être apportée par tout moyen.
4. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise déposé le 28 juin 2018 que Mme A... a reçu trois injections de vaccin contre l'hépatite B les 23 janvier, 24 février et 24 mars 1988 ainsi qu'un rappel le 28 avril 1989. Elle a consulté pour la première fois en janvier 1992 en raison d'un syndrome cérébelleux statique et cinétique, un nystagmus multidirectionnel et des troubles sensitifs et l'examen d'imagerie à résonance magnétique alors pratiqué a permis de poser le diagnostic de sclérose en plaque qui lui a été annoncé le 26 mai 1992. Il ressort des conclusions de l'expert qu'" il existe un lien de causalité possible mais non certain et non exclusif entre la vaccination obligatoire de Mme A... et les troubles neurologiques constatés ". L'expert précise également que la grossesse et l'accouchement sous péridurale en novembre 1991 " peuvent avoir un effet déclenchant ou facilitateur ", la première poussée évolutive de la maladie étant survenue seulement deux mois après l'accouchement, le rôle facilitateur de la grossesse dans le déclenchement d'une sclérose en plaque étant connu de longue date. Si Mme A... indique avoir ressenti dès les premiers jours suivant les injections de 1988 des fourmillements dans les jambes, des dysesthésies dans la joue gauche, une fatigue inhabituelle et un dérobement de la cheville droite lors d'un footing, les témoignages de ses parents et d'une ancienne collègue qu'elle produit ont été établis en mai 2021 et ne peuvent être regardés comme suffisamment probants en l'absence de tout autre élément contemporain des troubles allégués de nature à les corroborer. Par suite, le délai séparant l'apparition des symptômes en janvier 1992 de la dernière injection en avril 1989, qui est de 2 ans et 9 mois, ne peut être regardé comme bref. Dans ces conditions, il n'est pas établi que la sclérose en plaque dont souffre Mme A... soit imputable à la vaccination réalisée en 1988 et 1989.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme que demande Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, en l'absence de dépens au sens de l'article R.761-1 du même code, ses conclusions tendant à ce qu'ils soient mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 27 février 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.
La présidente rapporteure,
A. Geslan-DemaretLa présidente assesseure,
A. Blin
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°21TL22342