Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... et B... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux et des pénalités afférentes, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015, 2016 et 2017.
Par un jugement n° 2004111 du 21 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 23 mai 2022, le 1er août 2022, le 31 juillet 2023 et le 15 septembre 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Mot, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2015, 2016 et 2017, ainsi que des pénalités correspondantes, à hauteur de 107 304 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les propositions de rectification sont insuffisamment motivées dès lors notamment qu'il n'est pas fait mention de l'article 8 du code général des impôts, ce qui crée une confusion sur le redevable légal de l'impôt ;
- la procédure de rectification contradictoire est entachée d'une irrégularité substantielle dès lors que l'administration n'a pas adressé personnellement sa réponse aux observations du contribuable à la société Le point du jour ;
- la réponse aux observations du contribuable est insuffisamment motivée en raison du défaut de réponse aux observations formulées à l'encontre des prélèvements sociaux notifiés ;
- l'administration s'est abstenue d'indiquer la nature et la provenance des documents obtenus de la société Panchot pour établir les rectifications en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a méconnu les droits de la défense protégés par l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- l'abandon de loyers consenti par la société Le point du jour à la société Panchot n'est pas constitutif d'une libéralité dès lors qu'il a été effectué dans l'intérêt de la société Le point du jour ;
- la majoration pour manquement délibéré doit être abandonnée du fait de l'absence de bien-fondé des impositions supplémentaires ou, à défaut, du fait de l'absence de leur intention d'éluder l'impôt.
Par des mémoires en défense enregistrés le 25 novembre 2022, le 9 août 2023 et le 25 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 27 octobre 2023 a prononcé la clôture de l'instruction à la date de son émission en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lafon,
- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière Le point du jour, dont M. et Mme A... sont associés à hauteur de 50 % chacun, a conclu le 16 février 2011 avec la société à responsabilité limitée Panchot, dont ils sont également les associés, un bail à construction, modifié le 28 août 2012, ayant pour objet l'édification de locaux commerciaux sur un terrain à bâtir appartenant à la société bailleresse moyennant le versement d'un loyer annuel de 72 000 euros hors taxes. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société Panchot, l'administration fiscale a notifié à M. et Mme A... des rehaussements de leurs revenus fonciers au titre des années 2015, 2016 et 2017. Les époux A... font appel du jugement du 21 mars 2022 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté leur demande aux fins de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et des pénalités correspondantes, qui procèdent de ces rehaussements.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.
3. Les propositions de rectification du 12 décembre 2018, adressées respectivement aux époux A... et à la société Le point du jour, mentionnaient les bases d'imposition, les années concernées et les motifs sur lesquels l'administration entendait se fonder pour justifier les rehaussements. Elles précisaient notamment que le rehaussement des revenus fonciers de la société, au titre des années 2015, 2016 et 2017, était justifié par l'inscription des loyers au crédit du compte ouvert au nom de la société Le point du jour dans les livres comptables de la société preneuse ayant fait l'objet d'une vérification de comptabilité. En outre, la proposition de rectification adressée aux époux A... comportait les conséquences financières des corrections effectuées sur le revenu net imposable du foyer dans un tableau distinct, en précisant pour chacun des associés, la quote-part imposable de revenus fonciers. De la même manière, la proposition de rectification notifiée à la société Le point du jour, dont M. A... a eu connaissance en sa qualité de gérant, faisait mention des incidences de la correction des revenus fonciers de la société au titre de l'impôt sur le revenu et indiquait qu'elles feraient l'objet d'un pli avisant personnellement M. et Mme A.... Dans ces conditions, alors même que les propositions de rectification ne mentionnaient pas l'article 8 du code général des impôts, M. et Mme A... ont été informés des motifs fondant les rectifications envisagées de manière suffisante et pouvaient comprendre qu'ils étaient les seuls redevables légaux des impositions mentionnées. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des propositions de rectification doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 11 janvier 2019, M. A... et la société Le point du jour, qui indiquaient avoir la même adresse, ont présenté des observations communes sur les rectifications envisagées par les deux propositions de rectification du 12 décembre 2018. Le 30 janvier 2019, l'administration notifiait sa réponse unique aux observations ainsi formulées en l'adressant à " Monsieur ou Madame A... C... ", sans que le nom de la société ne soit ajouté. Cette omission, à la supposer irrégulière, n'a pu en tout état de cause priver les requérants d'une garantie et le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions du livre des procédures fiscales doit donc être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ".
7. Dans sa réponse aux observations du contribuable du 30 janvier 2019, l'administration indique que la notification d'une proposition de rectification à la société Le point du jour est justifiée par le fait que le rehaussement a été constaté dans cette entité, que M. et Mme A..., associés de cette société, sont cependant les seuls redevables de l'impôt sur le revenu au titre des revenus fonciers dégagés par la société et que, par suite, ces revenus ne font pas l'objet d'une double imposition. Ainsi, il a été répondu, de manière suffisante, à la seule observation présentée par les requérants relative à une situation supposée de double imposition. Les époux A..., qui n'ont présenté aucune observation spécifique contre les prélèvements sociaux notifiés, ne sont pas fondés à soutenir que la réponse de l'administration du 30 janvier 2019, qui mentionne qu'aucune observation n'a été formulée eu égard aux contributions sociales, serait insuffisante. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la réponse aux observations du contribuable doit être écarté.
8. En quatrième lieu, l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dispose que : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
9. Il résulte de ces dispositions que, si l'administration a l'obligation d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qui ont servi à établir les redressements afin qu'il puisse demander avant la mise en recouvrement des impositions que les documents contenant ces renseignements lui soient communiqués, l'irrégularité commise par l'administration dans la procédure d'imposition en s'abstenant d'indiquer au contribuable l'origine du renseignement recueilli par elle dans le cadre de la vérification de comptabilité d'un tiers ne constitue pas une irrégularité substantielle de nature à vicier la procédure d'imposition dès lors qu'eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu du contribuable, celui-ci n'est pas privé, du seul fait de l'absence d'information sur l'origine du renseignement, de la possibilité de discuter utilement le redressement litigieux.
10. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification notifiée aux époux A... le 12 décembre 2018, que l'administration fiscale a disposé d'informations relatives au montant de l'actif de la société Panchot dans le cadre de la vérification de comptabilité de cette société. La composition de l'actif circulant de la société Panchot ressort des bilans simplifiés déposés par la société et produits au débat par les requérants et fait apparaître des montants positifs de disponibilités et de valeurs mobilières de placement, au titre des années 2015, 2016 et 2017. Ainsi, M. et Mme A..., seuls associés de la société Panchot dont M. A... est le gérant, ne pouvaient ignorer la teneur et la provenance des informations connues par l'administration relatives à cette société. En outre, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait eu besoin de faire usage de son droit de communication auprès d'établissements bancaires pour estimer que la société Panchot disposait d'une capacité de paiement des loyers. Ainsi, en l'absence d'irrégularité substantielle, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. / Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France ". Il résulte de ce qui a été exposé ci-avant que la procédure d'imposition n'a pas porté atteinte aux droits de la défense au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :
12. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (...) / Il en est de même, sous les mêmes conditions : / 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ; (...) ". Aux termes de l'article 29 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires (...) ". L'article 33 bis du même code dispose que : " Sous réserve des dispositions de l'article 151 quater, les loyers et prestations de toute nature qui constituent le prix d'un bail à construction passé dans les conditions prévues par les articles L 251-1 à L 251-8 du code de la construction et de l'habitation, ont le caractère de revenus fonciers au sens de l'article 14 ". Pour l'application de ces dispositions, un propriétaire n'ayant pas perçu les loyers qui lui sont dus doit être regardé, en l'absence de circonstance indépendante de sa volonté l'ayant contraint à y renoncer, comme ayant réalisé un acte de disposition constitutif d'une libéralité, dont le montant doit être compris dans ses revenus fonciers.
13. Ainsi que l'indiquent d'ailleurs M. et Mme A..., la société Panchot, preneuse du bail à construction, n'a pas acquitté les loyers facturés par la société Le point du jour bien qu'elle les ait comptabilisés en charges déductibles. Selon les requérants, il était dans l'intérêt de la société Le point du jour de renoncer, au cours des années 2015 à 2017 en litige, à percevoir les loyers lui étant dus en raison des difficultés financières qu'aurait rencontrées la société Panchot à cette époque. Ils se prévalent notamment de la caution solidaire consentie par la société Le point du jour en garantie de deux prêts contractés par la société Panchot et de l'hypothèque conventionnelle admise sur le terrain loué. Toutefois, les bilans déposés par la société Panchot montrent que l'actif net comptable est demeuré positif au cours des exercices concernés. Cette société présente d'ailleurs des bénéfices imposables au titre de chacun de ces exercices, bénéfices qui auraient dû être majorés d'un montant de 60 000 euros correspondant aux loyers déduits mais non versés au bailleur. Ainsi, le paiement des loyers par la société preneuse n'aurait pas eu pour effet d'entraîner l'exécution des engagements de caution souscrits par la société bailleresse. Dans ces conditions, l'administration établit que ces impayés de loyers présentent le caractère d'une libéralité procédant d'un acte de disposition. Ces montants doivent être réintégrés dans les revenus fonciers de la société Le point du jour et c'est à bon droit que l'administration en a tiré les conséquences fiscales au niveau de ses associés.
Sur les pénalités :
14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
15. D'une part, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que les requérants doivent être déchargés de la majoration pour manquement délibéré en conséquence du caractère infondé des impositions contestées doit être écarté.
16. D'autre part, ainsi que le fait valoir l'administration, les époux A..., notamment M. A... en sa qualité de gérant des sociétés Panchot et Le point du jour, ne pouvaient ignorer, d'une part, que la société preneuse avait déduit comptablement les loyers dus et non acquittés et, d'autre part, que la société bailleresse avait omis de déclarer, dans la catégorie des revenus fonciers, les loyers ainsi déduits. Eu égard au montant des sommes réintégrées et au caractère répété des manquements constatés, l'administration doit ainsi être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'élément matériel et de l'intention délibérée des requérants de minorer leurs déclarations de revenus. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a assorti les droits en litige de la majoration au taux de 40 % prévue par ces dispositions.
17. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à M. et Mme A..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lafon, président assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Restino, première conseillère,
- Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.
Le président rapporteur,
N. Lafon
L'assesseure la plus ancienne
dans l'ordre du tableau,
V. Restino
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22TL21205 2