Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé l'octroi d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2206431 du 13 février 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 mars, 4 avril et 25 septembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Chambaret, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du 13 février 2023 ;
3°) à titre principal d'ordonner le renvoi de la requête devant le tribunal administratif de Toulouse ;
4°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé l'octroi d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
5°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il mentionne à tort que les conclusions de la rapporteure publique ont été entendues ;
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée, notamment en fait ;
- les décisions contenues dans l'arrêté contesté sont intervenues à l'issue d'une procédure irrégulière, eu égard à la méconnaissance du droit d'être entendu ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- les décisions contenues dans l'arrêté contesté sont entachées d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien.
Le préfet de la Haute-Garonne n'a pas présenté d'observations, malgré une mise en demeure adressée le 24 juillet 2023.
Par ordonnance du 27 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 19 octobre 2023.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 8 novembre 2023, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- et les observations de Me Chambaret, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 24 août 1978 à Aïn-Tédelès (Algérie), entré en France le 1er octobre 2011 selon ses déclarations, s'est vu opposer un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 3 octobre 2019, mesure accompagnée d'une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans. Le 29 novembre 2021, M. B... a demandé au préfet de la Haute-Garonne l'abrogation de cette obligation de quitter le territoire français et l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ou de l'article 7 b) de ce même accord. Par un arrêté du 13 octobre 2022, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté cette demande de titre de séjour, a obligé l'intéressé à quitter le territoire français et a confirmé l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 13 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2022.
Sur les conclusions à fin d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 8 novembre 2023. Ses conclusions tendant à ce que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont ainsi devenues sans objet.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. (...) Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du troisième alinéa de l'article R. 732-1 ont été entendus. / Lorsque, en application de l'article R. 732-1-1, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions, mention en est faite. (...) ". Aux termes de l'article R. 711-3 du même code : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. / Lorsque l'affaire est susceptible d'être dispensée de conclusions du rapporteur public, en application de l'article R. 732-1-1, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, si le rapporteur public prononcera ou non des conclusions et, dans le cas où il n'en est pas dispensé, le sens de ces conclusions. ". Aux termes de l'article R. 732-1 du même code : " Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement (...), le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose. Les parties peuvent ensuite présenter, soit en personne, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avocat, des observations orales à l'appui de leurs conclusions écrites. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le jugement mentionne que les conclusions de la rapporteure publique ont été entendues lors de l'audience qui s'est tenue le 13 janvier 2023. Toutefois, alors que M. B... conteste que le prononcé de conclusions soit effectivement intervenu, il ne ressort pas des pièces produites que les parties aient été informées, avant la tenue de l'audience, ni du sens des conclusions ni de la circonstance que l'affaire aurait été dispensée de conclusions. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il mentionne à tort que les conclusions de la rapporteure publique ont été entendues.
5. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2022.
Sur la légalité de l'arrêté du 13 octobre 2022 :
6. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier recommandé du 24 novembre 2021 reçu par les services préfectoraux le 29 novembre suivant, M. B... a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence d'une validité d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", à titre principal sur le fondement de l'article 6-1) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ou à titre subsidiaire, en qualité de salarié sur le fondement de l'article 7 b) de cet accord. Il ressort des termes de l'arrêté du 13 octobre 2022, lequel n'a pas été pris au visa de l'article 7 de l'accord franco-algérien, que le préfet de la Haute-Garonne ne s'est pas prononcé sur la demande présentée par M. B... en qualité de salarié, alors que l'intéressé indiquait être bénéficiaire d'une promesse d'embauche établie le 15 octobre 2021 par la société Larch construction ayant son siège à Colomiers (Haute-Garonne) pour un emploi de peintre et de plâtrier, en contrat à durée indéterminée et à temps complet. Ainsi, l'arrêté contesté ne comporte l'énoncé d'aucun motif de fait concernant la demande d'admission au séjour de M. B... en qualité de salarié. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation en fait et du défaut d'examen de la situation de M. B... doivent être accueillis.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que M. B... est fondé à solliciter l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2022 pris par le préfet de la Haute-Garonne.
Sur les frais de l'instance :
8. Sous réserve de la renonciation de Me Chambaret à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, le versement d'une somme de 1 200 euros au conseil de M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 2206431 du 13 février 2023 et l'arrêté du 13 octobre 2022 du préfet de la Haute-Garonne sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera à Me Chambaret une somme de 1 200 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de ce dernier à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Chambaret et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A. Geslan-Demaret Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°23TL00553 2