Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 2 juin 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une année.
Par un jugement n° 2202865 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Sow, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 juillet 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 2 juin 2022 ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Pyrénées-Orientales, de lui délivrer un certificat de résidence " mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;
- cet arrêté est insuffisamment motivé ;
- cet arrêté méconnaît les stipulations du 4°) et du 5°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- il méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- cette décision n'est pas justifiée.
Une mise en demeure a été adressée le 16 octobre 2023, en application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, au préfet des Pyrénées-Orientales qui n'a produit aucun mémoire en défense.
Par une décision du 5 octobre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. A... l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Beltrami.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né en 1993, de nationalité algérienne, déclare être entré en France en 2019. Le 2 juin 2022, il a été interpellé par les services de police, qui ont constaté qu'il était dépourvu de tout document d'identité et n'était pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner sur le territoire national. Par un arrêté du 2 juin 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire à destination de l'Algérie et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Saisi d'une requête tendant notamment à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Montpelier a, par un jugement du 13 juillet 2022 dont M. A... relève appel, rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En premier lieu, M. A... reprend en appel le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué et de son insuffisance de motivation. En l'absence de critique utile du jugement attaqué sur ces points, ces moyens peuvent être écartés par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du 4°) et du 5°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ; (...) / 5° Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".
4. Même si le préfet, qui n'était pas saisi par M. A... d'une demande de titre de séjour, a examiné si sa situation personnelle était de nature à permettre de lui accorder un quelconque titre de séjour, il n'a cependant pas, par l'arrêté attaqué, refusé de lui délivrer un certificat de résidence. Dès lors, l'appelant ne peut utilement invoquer la méconnaissance des stipulations précitées du 4°) et du 5°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Si M. A... dit résider à Perpignan depuis 2019, il n'apporte cependant aucun élément au soutien de cette allégation. L'appelant se prévaut de la relation qu'il entretient avec une ressortissante française, enceinte de huit mois à la date de l'arrêté attaqué, de la reconnaissance anticipée de leur enfant à naître effectuée le 31 janvier 2022. Toutefois, il ne démontre, par les pièces produites, ni l'ancienneté ni la stabilité de leur vie commune en produisant une quittance de loyer pour le mois d'octobre 2022 sur laquelle ne figure pas son nom et une attestation de sa compagne, datée du 19 novembre 2022, qui ne précise pas la date du début de son hébergement à son domicile. En outre, la naissance de l'enfant issue de cette relation est postérieure à l'arrêté attaqué. Enfin, alors qu'il ne démontre pas la nature des relations qu'il entretient avec sa tante et ses cousins vivant en France, il est constant qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où ses parents, ses frères et sœurs résident. Dès lors, compte tenu, du caractère récent de sa relation avec sa compagne et de l'incertitude quant à la naissance de leur enfant à la date de l'arrêté attaqué, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En quatrième lieu, pour les motifs exposés par les premiers juges au point 7 de leur jugement et pour ceux qui viennent d'être exposés, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Et selon l'article L. 612-3 de ce même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / ...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes (...) ".
9. D'une part, l'arrêté attaqué précise que M. A... ne justifie d'aucune garantie de représentation dès lors qu'il ne dispose d'aucun document de voyage ou d'identité et s'est maintenu délibérément en situation irrégulière depuis son entrée en France en 2019 sans solliciter un titre de séjour. En outre, il indique que l'intéressé a déclaré qu'il s'opposerait à tout retour en Algérie sans cependant justifier ce refus par un motif exceptionnel. Dans ces conditions, le refus de lui accorder un délai de départ volontaire est, contrairement à ce que soutient l'appelant, suffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 612-2 précité.
10. D'autre part, pour retenir l'existence d'un risque de fuite, le préfet s'est fondé sur les circonstances que M. A... entrait dans les cas prévus aux 1°, 4° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est constant que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français, qu'il s'y maintient depuis 2019 selon ses déclarations sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'il ne dispose d'aucun document de voyage et a déclaré lors de son audition ne pas vouloir retourner en Algérie. L'appelant, qui se borne à indiquer que la décision portant refus de lui accorder un délai de départ volontaire n'est pas fondée, n'apporte cependant aucun élément de nature à contester les circonstances de fait retenues par le préfet qui lui permettaient de prendre une telle décision. Dans ces conditions, et même s'il a déclaré vivre avec sa concubine et fait état de la naissance prochaine de leur enfant, le préfet a pu légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 2 juin 2022. Dès lors, sa requête doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles devant être regardées comme présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL22323