Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2107441 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Pons-Gueddiche, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 octobre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 24 novembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne mentionne pas l'intégralité des articles applicables, à savoir les articles L. 423-23, L. 426-1 et L. 426-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ne comporte aucune indication des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;
- la décision portant refus d'admission au séjour est entachée de plusieurs erreurs de fait substantielles ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard de l'articles L. 422-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé
Par une ordonnance du 23 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 25 avril 2023 à 12 heures.
Par une décision du 9 février 2024, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami,
- et les observations de Me Pons-Gueddiche, représentant M. A...
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien, né le 5 novembre 1996, est entré en France, pour la dernière fois, le 1er janvier 2016 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 25 décembre 2016. L'intéressé a sollicité, le 4 mai 2021, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 novembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de son renvoi. Saisi d'une requête tendant notamment à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 20 octobre 2022 dont M. A... relève appel, rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Si l'appelant soutient qu'il ne renfermerait pas l'intégralité des textes s'appliquant à sa situation, il est toutefois constant qu'il a seulement présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour en faisant état de son parcours, de ses liens avec la France, de son inscription en licence, de son travail non déclaré dans la livraison de repas et de son souhait d'effectuer un service civique en France avant de reprendre ses études en première année de master. Dès lors, l'arrêté attaqué qui fait mention des articles L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile et L. 422-1 de ce code, est suffisamment motivé en droit. Par ailleurs, M. A... qui n'a jamais porté à la connaissance du préfet qu'il encourrait des risques en cas de retour dans son pays d'origine, n'est pas fondé à soutenir que la décision portant fixation du pays de destination ne serait pas suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait insuffisamment attaqué ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État ".
4. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément relatif à sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. Le préfet de la Haute-Garonne, qui était saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A..., a examiné sa situation au titre de sa vie privée et familiale et sur le plan professionnel. D'une part, si l'appelant a suivi une partie de sa scolarité en France et dans des établissements scolaires situés à l'étranger dispensant un enseignement en langue française et s'il se prévaut de onze années de résidence en France, il ne justifie pas cependant de sa présence ininterrompue et régulière sur le territoire national. De plus, s'il est constant que son frère réside régulièrement en France, l'appelant, qui ne démontre pas la nature et l'intensité des liens qu'il entretient avec lui, n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où sa mère réside. En outre, ni l'ancienneté ni la stabilité de sa relation amoureuse avec une ressortissante française, dont il s'est prévalu pour la première fois devant les premiers juges, ne sauraient être établies par la production, d'une part, d'une attestation de sa compagne mentionnant leur vie commune depuis le début de l'année 2022, et, d'autre part, d'une déclaration de pacte civil de solidarité enregistrée le 11 octobre 2022, dès lors que ces pièces font état d'événements intervenus postérieurement à l'arrêté attaqué. Enfin, la possession d'une carte d'activité au sein de la Croix-Rouge française au titre de l'année 2021 et l'obtention d'un certificat de compétence de citoyen de sécurité civile délivré par la Croix-Rouge française le 30 octobre 2021 ne démontrent pas une insertion dans la société française particulièrement remarquable. Il en résulte que, malgré ses affinités avec la langue et la culture française et compte tenu, notamment, du caractère récent de sa relation avec une ressortissante française, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en considérant, pour refuser à M. A... l'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale, qu'il ne présentait aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel.
6. D'autre part, dans sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, M. A... ne s'est pas prévalu d'une intégration professionnelle particulière en France. Il a, certes, indiqué avoir créé une micro-entreprise de livraison de repas en avril 2018, avoir travaillé pour le compte d'une plateforme de livraison jusqu'en juin 2020, poursuivi son activité et l'exercer au jour de sa demande, mais n'a produit aucun élément de nature à établir la réalité de ses allégations. Dès lors et en tout état de cause, le préfet n'a entaché sa décision ni d'une erreur de droit ni d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en considérant que la situation de M. A... ne justifiait pas de répondre favorablement à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la réalité et le sérieux des études poursuivies par le demandeur.
8. Le préfet de la Haute-Garonne, qui était saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M. A..., a cependant examiné si l'intéressé pouvait bénéficier d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant dès lors que ce dernier avait indiqué, dans sa demande, être inscrit en troisième année de licence. Toutefois, il est constant que l'appelant ne disposait pas du visa de long séjour requis pour l'obtention de cette carte de séjour. Pour ce seul motif, le préfet pouvait, sans commettre d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation, refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Pour les motifs exposés au point 5, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a, dès lors, méconnu ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. En cinquième lieu, en mentionnant que M. A... " fait état de sa volonté d'effectuer une année de service civique avant de poursuivre des études en France ", le préfet qui n'a fait que reprendre les propos de l'appelant dans sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et n'a pas ignoré qu'il était actuellement inscrit en licence puisqu'il a examiné s'il pouvait bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, n'a commis aucune erreur de fait. De plus, en estimant que M. A... " est revenu récemment sur le territoire national après avoir vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine auprès de ses parents, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur de fait dès lors que depuis sa naissance en 1996 jusqu'à la date de l'arrêté attaqué, il n'a vécu en France que de 2001 à 2006 et de 2016 à 2021, soit onze années sur ses 25 années. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
12. En dernier lieu, l'appelant n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour, n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 novembre 2021. Dès lors, sa requête doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL22278