Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner solidairement la société SNCF Réseau et la société Oc'via à lui verser la somme de 21 937 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2019, date de sa réclamation préalable et de leur capitalisation, en réparation du préjudice consistant en un rallongement de parcours résultant de la présence de la ligne ferroviaire de contournement de Nîmes et de Montpellier.
Par un jugement n° 2000486 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande indemnitaire.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 avril 2022, au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire, enregistré le 30 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Bocognano, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 25 février 2022 ;
2°) de condamner solidairement la société SNCF Réseau et la société Oc'via à lui verser la somme de 21 937 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2019, date de sa réclamation préalable et de leur capitalisation, en réparation du préjudice consistant en un allongement de parcours résultant de la présence de la ligne ferroviaire de contournement de Nîmes et de Montpellier ;
3°) de mettre à la charge de ces sociétés la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable dès lors qu'il a lié le contentieux ;
- la société SNCF Réseau, qui est gestionnaire des infrastructures du réseau ferré et est responsable des dommages causés aux tiers par l'existence de ce réseau, constitue l'une des personnes responsables du préjudice qu'il subit ; sa mise en cause est donc justifiée ;
- les sociétés SNCF Réseau et Oc'Via engagent leur responsabilité sans faute dès lors que les travaux publics réalisés pour la construction de la ligne ferroviaire de contournement de Nîmes Montpellier sont à l'origine d'un préjudice de rallongement de parcours ; en effet, l'accès par la voie communale n° 6 n'a pas été rétabli postérieurement à ces travaux ;
- il subit un allongement de parcours plus important que celui initialement calculé et indemnisé par la société Oc'Via du seul fait que cette société n'a pas respecté son engagement initial de rétablir l'accès à la voie communale n° 6 ;
- ce préjudice est estimé à 5,4 km aller-retour par un expert foncier agricole ; il supporte la charge d'une sujétion anormale et excessive ;
- la réalisation de la ligne ferroviaire est à l'origine de la fermeture de l'accès à ses champs par la voie communale n° 6.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 21 juillet 2023 et le 2 janvier 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société SNCF Réseau, représentée par Me Berger, conclut, à titre principal, à sa mise hors de cause et au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au rejet de la requête, et, en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête, qui méconnaît les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, est irrecevable ;
- à titre principal, elle doit être mise hors de cause ; en application de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, le titulaire d'un contrat de partenariat est exclusivement responsable des dommages causés aux tiers en raison tant de l'existence que du fonctionnement de l'ouvrage ; dès lors, la société Oc'Via est exclusivement responsable des dommages temporaires et permanents de travaux publics causés aux tiers en raison tant de l'existence que du fonctionnement de la nouvelle ligne ferroviaire ;
- à titre subsidiaire, M. A..., qui a déjà été indemnisé au titre de l'allongement de parcours, ne justifie d'aucun préjudice certain, anormal et spécial lié au fonctionnement de la ligne ferroviaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2024, la société Oc'Via, représentée par Me Grange conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les modifications apportées à la circulation générale ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité ;
- l'appelant ne démontre pas que les nuisances résultant des allongements de parcours qu'il invoque, excèderaient celles que les riverains des ouvrages publics sont susceptibles d'être appelés à supporter sans indemnité, dans l'intérêt général ;
- elle ne s'est jamais engagée à rétablir la voie communale n° 6 ;
- à titre subsidiaire, les conclusions indemnitaires sont irrecevables dès lors que l'article 3 du bulletin de règlement d'indemnité signé avec M. A... faisait obstacle à l'introduction d'une action en justice à son encontre.
Une note en délibéré a été présentée le 31 janvier 2024 pour M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Soulier, substituant Me Bocognano, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par décret du 16 mai 2005, dont les effets ont été prorogés par un décret du 28 avril 2015, jusqu'au 17 mai 2020, le projet de contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique. Le 28 juin 2012, Réseau Ferré de France, devenu SNCF Réseau, a conclu avec la société Oc'via, un contrat de partenariat pour la conception, la construction, le fonctionnement, la maintenance, le renouvellement et le financement du projet. M. A..., qui a cédé de manière amiable à la société Oc'via une partie de ses parcelles affectées par l'emprise pour la réalisation de la ligne grande vitesse de contournement de Nîmes et de Montpellier, a demandé aux sociétés Oc'via et SNCF Réseau à être indemnisé du préjudice qui résulte pour lui de l'allongement de ses parcours en l'absence de rétablissement d'un accès direct entre le siège de son exploitation agricole et le reste de ses parcelles. M. A... relève appel du jugement du 25 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les conclusions indemnitaires :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense :
2. D'une part, lorsque du fait de travaux publics les riverains d'une voie publique subissent une gêne dans l'usage qu'ils peuvent faire de cette voie, le préjudice qui en résulte est indemnisé sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques, si les victimes établissent subir un préjudice anormal et spécial.
3. D'autre part, les modifications définitives apportées à la circulation générale, et résultant des changements effectués dans l'assiette ou la direction des voies publiques existantes, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité. Enfin les allongements de parcours et les difficultés d'accès des riverains à leur propriété du fait de la disparition d'une voie d'accès qu'ils utilisaient, que celle-ci résulte d'un parti d'aménagement de la collectivité publique ou d'un défaut d'entretien de la voie, ne peuvent ouvrir droit à indemnisation à leur profit que si elles excèdent les sujétions qui doivent normalement être supportées sans indemnité.
4. M. A... demande que les sociétés SNCF réseau et Oc'Via soient déclarées responsables de l'allongement de parcours pour se rendre sur ses terres cultivables depuis le siège de son exploitation agricole résultant de l'absence de réalisation d'un pont franchissant la ligne ferroviaire de contournement de Nîmes et de Montpellier et qui était prévu au niveau de la voie communale n° 6 reliant Saint-Gilles à Manduel.
En ce qui concerne la personne responsable :
5. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, alors en vigueur : " I. - Le contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel l'État ou un établissement public de l'État confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public, ainsi que tout ou partie de leur financement à l'exception de toute participation au capital. / Il peut également avoir pour objet tout ou partie de la conception de ces ouvrages, équipements ou biens immatériels ainsi que des prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée. / II. - Le cocontractant de la personne publique assure la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser. Après décision de l'État, il peut être chargé d'acquérir les biens nécessaires à la réalisation de l'opération, y compris, le cas échéant, par voie d'expropriation. (...) ". Aux termes de l'article 11 de cette ordonnance, alors en vigueur : " Un contrat de partenariat comporte nécessairement des clauses relatives : / a) À sa durée ; / b) Aux conditions dans lesquelles est établi le partage des risques entre la personne publique et son cocontractant ; / c) Aux objectifs de performance assignés au cocontractant, (...) / d) À la rémunération du cocontractant, (...) l) Aux modalités de prévention et de règlement des litiges (...) ".
6. Il résulte des dispositions citées au point précédent qu'un contrat de partenariat conclu sur le fondement de l'ordonnance du 17 juin 2004, d'une part, a pour effet de confier la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser au titulaire de ce contrat, en l'espèce la société Oc'Via, d'autre part, détermine le partage des risques liés à cette opération entre ce titulaire et la personne co-contractante, en l'espèce l'établissement public Réseau Ferré de France, devenu la société SNCF Réseau. L'article 36 du contrat de partenariat, portant sur les " responsabilités ", prévoit que le titulaire est responsable des dommages causés aux tiers, ainsi que des frais et indemnités qui en résultent, du fait de la construction et de l'existence de la ligne survenus à l'occasion de l'exécution, par le titulaire ou sous sa responsabilité, des obligations mises à sa charge au titre du contrat. Ce même article précise que le titulaire supporte seul les conséquences pécuniaires des dommages.
7. Dès lors, les dommages permanents inhérents à la présence de l'ouvrage engagent la responsabilité du maître de l'ouvrage, y compris après l'achèvement des travaux. Par suite, la responsabilité de la société Oc'Via peut être engagée à ce titre. En revanche, la société SNCF Réseau n'ayant pas cette qualité, elle doit être mise hors de cause.
En ce qui concerne le préjudice :
8. Il résulte de l'instruction que la réalisation de la ligne ferroviaire de contournement de Nîmes et de Montpellier a eu pour effet de couper la voie communale n° 6 qui permettait à M. A... d'accéder directement à deux îlots de parcelles agricoles situés au Nord-Est et au Nord-Ouest de son exploitation agricole. Du fait de ces travaux publics, il doit, pour rejoindre ses terres agricoles, faire un détour et emprunter deux nouveaux ouvrages de franchissement de la ligne ferroviaire, qui ont entraîné un allongement de son parcours de 4,2 kilomètres pour les parcelles situées au Nord-Est et de 5,4 kilomètres pour celles situées au Nord-Ouest. Toutefois, les modifications apportées à la circulation générale dans l'assiette et les conditions d'utilisation des voies publiques du fait de la création de la ligne ferroviaire de contournement ne rendent pas impossible, ni même difficile, l'accès de M. A... à ses terres, qui restent accessibles par des voies communales dont l'état déplorable allégué n'est pas établi, au prix d'un rallongement de parcours qui ne présente pas un caractère excessif.
9. De plus, si l'appelant soutient que l'indemnisation de 73 301,30 euros que lui a versé la société Oc'Via le 9 juillet 2013 au titre de l'allongement de parcours qu'il subit, ne le dédommage pas de son entier préjudice dès lors que le montant de cette indemnité prenait en compte l'engagement de la société Oc'Via de réaliser un pont franchissant la ligne ferroviaire au niveau de la route communale n° 6, il ne résulte toutefois pas de l'instruction et notamment pas du bulletin de règlement d'indemnité que la société Oc'Via ait pris un tel engagement.
10. Par suite et en tout état de cause, le préjudice d'allongement de parcours dont fait état l'appelant n'excède pas les sujétions susceptibles d'être imposées aux riverains et usagers des voies publiques dans un but d'intérêt général et n'est donc pas susceptible d'ouvrir droit à indemnité.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Oc'Via, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme réclamée par M. A... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement à la société SNCF Eéseau et de la société Oc'Via la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à la société SNCF Réseau et à la société Oc'Via la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société anonyme Oc'Via et à la société anonyme SNCF Réseau.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet du Gard, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21022