Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 18 octobre 2019 fixant une reprise financière d'un montant de 664 859 euros sur le fondement des dispositions du V de l'article 29 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018, ensemble la décision du 14 janvier 2020 de ce préfet rejetant son recours gracieux contre cet arrêté, et d'enjoindre à ce dernier de réexaminer sa demande tendant au retraitement intégral des dépenses engagées en 2018 au titre des conventions de gestion conclues avec ses communes membres.
Par un jugement n° 2001486 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 18 octobre 2019, ensemble sa décision du 14 janvier 2020 rejetant le recours gracieux de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, et a enjoint au préfet de procéder, dans le délai de deux mois, au réexamen de la différence entre le niveau des dépenses réelles de fonctionnement exécuté par l'établissement et l'objectif annuel de dépenses fixé dans le contrat en prenant en compte au titre du " retraitement " la totalité des dépenses effectivement engagées au titre des conventions de gestion.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2021 sous le n° 21MA04440 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL04440 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les conclusions de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole présentées devant le tribunal administratif de Montpellier.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard, d'une part, de l'application des conventions de gestion conclues entre la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole et ses communes membres et, d'autre part, de la prise en compte de l'effet " retard " ;
- le tribunal administratif a méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve ;
- l'article 3 du contrat de confiance conclu entre le préfet des Pyrénées-Orientales et la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, prévoyant l'application stricte des conventions de gestion conclues par cette dernière, n'était pas d'application immédiate et ne liait pas le préfet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2022, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, représentée par la SARL Sanguinède Di Frenna et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
- le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit dans l'application des conventions de gestion qu'elle a conclues avec ses communes membres et dans la prise en compte de l'effet " retard " ;
- le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard de ces conventions de gestion.
Par ordonnance du 22 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juillet 2023.
Des pièces ont été produites par la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole le 5 janvier 2024, en vue de compléter l'instruction, et communiquées au titre des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Restino,
- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,
- et les observations de Me Carminati, représentant la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole.
Considérant ce qui suit :
1. Le 31 mai 2018, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole et l'Etat, représenté par le préfet des Pyrénées-Orientales, ont conclu, sur le fondement des dispositions l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, un contrat de confiance en matière financière pour la période 2018-2020 fixant un objectif d'évolution annuelle maximum des dépenses réelles de fonctionnement de 1,2 % par rapport aux dépenses de 2017. Le 18 octobre 2019, à l'issue de la procédure prévue au V de cet article 29, le préfet des Pyrénées-Orientales a notifié à la communauté urbaine un arrêté fixant à 664 859 euros le montant de la reprise financière pour l'exercice 2018, après constat d'un dépassement de l'objectif annuel de dépenses fixé par le contrat de confiance. Le 17 décembre 2019, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole a saisi le préfet des Pyrénées-Orientales d'un recours gracieux tendant au réexamen de cet arrêté, qui a été rejeté par une décision du 14 janvier 2020. La communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 18 octobre 2019, ensemble sa décision du 14 janvier 2020, et de lui enjoindre de réexaminer sa demande tendant au retraitement intégral des dépenses engagées en 2018 au titre des conventions de gestion conclues avec ses communes membres. La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales relève appel du jugement du 21 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 18 octobre 2019, ensemble sa décision du 14 janvier 2020 rejetant le recours gracieux de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, et a enjoint au préfet de procéder, dans le délai de deux mois, au réexamen de la différence entre le niveau des dépenses réelles de fonctionnement exécuté par l'établissement et l'objectif annuel de dépenses fixé dans le contrat en prenant en compte au titre du " retraitement " la totalité des dépenses effectivement engagées au titre des conventions de gestion.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". En l'espèce, le jugement attaqué comporte, aux points 1 à 6, l'exposé des motifs justifiant la solution retenue par les premiers juges, lesquels ont ainsi suffisamment précisé le raisonnement qui les a conduits à faire droit à la demande de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole. La circonstance que la notion d'" application stricte " des conventions de gestion, sur laquelle s'est notamment fondé le tribunal, ne serait définie ni par le contrat de confiance en matière financière conclu entre la communauté urbaine et l'Etat, ni par la jurisprudence ne permet pas d'infirmer cette analyse. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes du paragraphe I de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 : " Des contrats conclus à l'issue d'un dialogue entre le représentant de l'Etat et les régions, la collectivité de Corse, les collectivités territoriales de Martinique et de Guyane, les départements et la métropole de Lyon ont pour objet de consolider leur capacité d'autofinancement et d'organiser leur contribution à la réduction des dépenses publiques et du déficit public. / Des contrats de même nature sont conclus entre le représentant de l'Etat, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont les dépenses réelles de fonctionnement constatées dans le compte de gestion du budget principal au titre de l'année 2016 sont supérieures à 60 millions d'euros. (...) / A cette fin, les contrats déterminent sur le périmètre du budget principal de la collectivité ou de l'établissement : / 1° Un objectif d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement (...) ". Aux termes du paragraphe II du même article : " Le contrat prévu au I est conclu pour une durée de trois ans, au plus tard à la fin du premier semestre 2018, pour les exercices 2018, 2019 et 2020. Il est signé par le représentant de l'Etat et par le maire ou le président de l'exécutif local, après approbation de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (...) ". Aux termes de son paragraphe IV : " Sur la base du taux national fixé au III de l'article 13, le contrat fixe le niveau maximal annuel des dépenses réelles de fonctionnement auquel la collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre s'engage chaque année (...) " et aux termes de son paragraphe V : " A compter de 2018, il est constaté chaque année la différence entre le niveau des dépenses réelles de fonctionnement exécuté par la collectivité territoriale ou l'établissement et l'objectif annuel de dépenses fixé dans le contrat. Cette différence est appréciée sur la base des derniers comptes de gestion disponibles. / Dans le cas où cette différence est supérieure à 0, il est appliqué une reprise financière dont le montant est égal à 75 % de l'écart constaté. Le montant de cette reprise ne peut excéder 2 % des recettes réelles de fonctionnement du budget principal de l'année considérée. / Le niveau des dépenses réelles de fonctionnement considéré pour l'application du deuxième alinéa du présent V prend en compte les éléments susceptibles d'affecter leur comparaison sur plusieurs exercices, et notamment les changements de périmètre et les transferts de charges entre collectivité et établissement à fiscalité propre ou la survenance d'éléments exceptionnels affectant significativement le résultat. Le représentant de l'Etat propose, s'il y a lieu, le montant de la reprise financière. / La collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dispose d'un mois pour adresser au représentant de l'Etat ses observations. Si la collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre présente des observations, le représentant de l'Etat, s'il y a lieu, arrête le montant de la reprise financière. Il en informe la collectivité ou l'établissement en assortissant cette décision d'une motivation explicite. (...) ".
4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 5215-27 du code général des collectivités territoriales : " La communauté urbaine peut confier, par convention avec la ou les collectivités concernées, la création ou la gestion de certains équipements ou services relevant de ses attributions à une ou plusieurs communes membres, à leurs groupements ou à toute autre collectivité territoriale ou établissement public ".
5. Il ressort des pièces du dossier que la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole a conclu avec vingt-trois de ses communes membres des conventions de gestion, par lesquelles elle leur a confié l'exercice de sa compétence en matière de voirie pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 2016, sur le fondement des dispositions de l'article L. 5215-27 du code général des collectivités territoriales. Ces conventions stipulent, en leur article 6-2, que : " La Commune engage et mandate les dépenses et encaisse les recettes liées à l'exercice des compétences objet de la présente convention et dans le cadre des montants fixés au regard de l'évaluation des charges transférées d'une part et sur la base du programme pluriannuel d'investissement adopté par la commune d'autre part ". Elles stipulent, en leur article 6-3 relatif aux modalités de remboursement, que : " La Communauté assure la charge des dépenses nettes des recettes, réalisée par la Commune (...) Pour le fonctionnement, la Communauté remboursera à la commune le montant correspondant à l'évaluation de la charge transférée figurant en annexe 3. Ce versement s'effectuera par 12ème au terme de chaque mois. Un ajustement en fin d'exercice permettra la reddition des comptes afin de garantir le remboursement à l'euro l'euro et la parfaite neutralité pour le budget communal ".
6. L'article 3 du contrat de confiance en matière financière pour la période 2018-2020 conclu le 31 mai 2018 entre le président de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole et le préfet des Pyrénées-Orientales sur le fondement des dispositions de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 mentionnées au point 3 stipule que : " L'examen partagé de l'évolution des dépenses réelles de fonctionnement (DRF) doit permettre de prendre en compte les éléments susceptibles d'affecter la comparaison des DRF, conformément au V de l'article 29 de la loi susmentionnée, tels que : / - l'application stricte des conventions de gestion ; l'application qui en est faite jusqu'à présent est inférieure aux prévisions actées dans les conventions. Le différentiel entre prévisions et applications pour chacune des années 2016 et 2017 est de l'ordre de 2 M€, pour lesquels les communes seraient en droit de demander le paiement (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que, conformément à l'article 6-3 des conventions de gestion mentionnées au point 5, la communauté urbaine a remboursé aux vingt-trois communes membres les dépenses de fonctionnement, nettes des recettes, exposées en 2016 et 2017 pour l'exécution des conventions de gestion en matière de voirie en deux temps : au cours de ces exercices 2016 et 2017, elle leur a versé des avances par douzièmes ; en 2018, elle leur a versé un ajustement, assurant le remboursement intégral des dépenses exposées par les communes.
8. En premier lieu, pour déterminer le niveau des dépenses réelles de fonctionnement exécuté par la communauté urbaine au cours de l'exercice 2018 en vue de le comparer avec l'objectif annuel de dépenses fixé dans le contrat de confiance, le préfet a accepté de retrancher la fraction des sommes versées par la communauté urbaine aux vingt-trois communes membres à titre d'ajustement, dans la limite du montant des charges tel qu'évalué par la commission locale chargée d'évaluer les transferts de charges. Il a, en revanche, refusé de retrancher la fraction de ces sommes qui excédait cette évaluation.
9. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les conventions de gestion, qui ont au demeurant été conclues avant l'adoption de la loi du 22 janvier 2018, prévoyaient, en leur article 6-3, le remboursement " à l'euro l'euro " des dépenses de fonctionnement exposées par les communes. D'autre part, l'article 3 du contrat de confiance mentionné au point 6 prévoyait expressément, au titre de la prise en compte des éléments susceptibles d'affecter la comparaison des dépenses réelles de fonctionnement, " l'application stricte des conventions de gestion ", et indiquait l'existence d'un différentiel de l'ordre de 2 millions d'euros par an, à ce titre, dont les communes étaient susceptibles de demander le paiement. Par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pu, sans méconnaître les termes du contrat de confiance en matière financière, refuser de prendre en compte l'intégralité de ces dépenses que la communauté urbaine s'était engagée à rembourser intégralement aux communes membres.
10. En second lieu, il ressort des stipulations de l'article 3 du contrat de confiance en matière financière conclu entre la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole et l'Etats que, contrairement à ce que soutient la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, elles sont d'application immédiate et lient l'Etat. Le moyen doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole.
Sur les frais liés au litige :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2024.
La rapporteure,
V. RestinoLe président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21TL04440 2