Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D..., épouse C... et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de B... l'annulation des arrêtés du 31 mars 2023 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a rejeté leurs demandes d'admission au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement nos 2302212 et 2302213 du 14 juin 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de B... a annulé les arrêtés du 31 mars 2023 du préfet de la Haute-Garonne, a enjoint au préfet d'une part, de délivrer à Mme D..., épouse C... et M. C... une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai d'un mois et, d'autre part, de les munir dans l'attente d'un récépissé les autorisant à travailler, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en cas de non admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I - Sous le n° 23TL01779, par une requête, enregistrée 17 juillet 2023, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement du 14 juin 2023 du tribunal administratif de B....
Il soutient que :
- le magistrat désigné ne pouvait pas faire droit à la demande présentée par Mme et M. C... sans que le rapport médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration soit versé au dossier ne permettant pas de respecter le caractère contradictoire de la procédure ;
- par les éléments qu'ils produisent en première instance, à défaut de production du rapport médical soumis au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, Mme et M. C... ne remettent pas sérieusement en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ni son appréciation sur la disponibilité d'un traitement approprié effectif pour leur enfant en Géorgie ;
- les arrêtés en litige ne procèdent pas d'une inexacte application des dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu du fait que leur enfant a fait l'objet d'un suivi médical jusqu'à l'âge de douze ans dans son pays d'origine, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une greffe de rein est programmée et qu'il n'était pas inscrit à la date de l'arrêté attaqué sur la liste nationale des maladies en attente de greffe et qu'il n'est pas établi qu'un membre de sa famille pourrait se porter donneur en cas de nécessité d'une greffe, l'absence de prise en charge médicale effective en Géorgie n'est pas démontrée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er décembre et 4 décembre 2023, Mme D..., épouse C... et M. C..., représentés par Me Amari de Beaufort, concluent au rejet de la requête du préfet de la Haute-Garonne, à ce qu'il soit enjoint au préfet de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés.
Mme et M. C... ont bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle par des décisions du 8 novembre 2023.
II - Sous le n° 23TL01780, par une requête enregistrée le 17 juillet 2023, le préfet de la Haute-Garonne demande le sursis à exécution du jugement nos 2302212 et 2302213 rendu le 14 juin 2023 par le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de B... en tant qu'il annule les arrêtés du 31 mars 2023 portant refus d'admission au séjour de Mme D..., épouse C... et M. C..., obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Il soutient qu'il existe des moyens sérieux exposés dans sa requête au fond de nature à justifier l'annulation du jugement attaqués.
Par un mémoire, enregistré le 8 décembre 2023, Mme D..., épouse C... et M. C..., représentés par Me Amari de Beaufort, concluent au rejet de la requête, à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et enfin, à ce que le préfet soit condamné à leur verser la somme de 52 euros au titre des droits de plaidoirie de Me Amari de Beaufort.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne paraissent pas sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ni le rejet de leurs conclusions de première instance.
Mme et M. C... ont bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle par des décisions du 8 novembre 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chabert, président,
- et les observations de Me Amari de Beaufort, représentant Mme et M. C....
Une note en délibéré, présentée par Mme et M. C..., représentés par Me Amari de Beaufort, a été enregistrée le 18 janvier 2023 dans l'instance n° 23TL01779.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., épouse C... et M. C..., de nationalité géorgienne, nés respectivement le 1er octobre 1976 et le 8 avril 1970, sont entrés selon leurs déclarations en France le 18 septembre 2022 et ont formé une demande d'asile le 22 septembre suivant. Leur demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 janvier 2023. Mme D..., épouse C... a également sollicité le 6 décembre 2022 auprès des services de la préfecture de la Haute-Garonne son admission au séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade, concernant son fils F... C.... Par deux arrêtés du 31 mars 2023, le préfet de la Haute-Garonne a refusé d'admettre au séjour M. et Mme C..., les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la requête enregistrée sous le n° 23TL01779, le préfet de la Haute-Garonne fait appel du jugement nos 2302212 et 2302213 du 14 juin 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de B... a annulé ces arrêtés, a enjoint au préfet d'une part, de délivrer à Mme et M. C... une autorisation provisoire de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-10 du code de justice administrative dans un délai d'un mois et d'autre part, de les munir dans l'attente d'un récépissé les autorisant à travailler, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à défaut de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes. Par la requête n° 23TL01780, le préfet demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement. Les requêtes susvisées nos 23TL01779 et 23TL01780 étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
2. Il ne résulte d'aucune disposition ni d'aucun principe que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de B... n'aurait pas pu statuer sur la demande de Mme et M. C... sans qu'ait été versé au dossier le rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen soulevé en ce sens par le préfet de la Haute-Garonne ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". L'article L. 425-10 du même code dispose que : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ".
4. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de ces dispositions, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès.
5. Par son avis du 27 février 2023, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que l'état de santé du fils de Mme et M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, celui-ci peut y bénéficier d'un traitement approprié et y voyager sans risque.
6. Il ressort des pièces du dossier que le fils des intimés, F..., né le 28 février 2008, souffre d'une insuffisance rénale terminale dans le cadre d'une polykystose hépatorénale autosomique récessive. Le rapport médical du 13 février 2023 soumis au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, produit pour la première fois en appel par Mme et M. C..., indique que l'état de santé de l'enfant nécessite un traitement " au long cours ", que le traitement prescrit est l'" amlor 10 ; bicarbonate 3g/j ; carbonate de Ca 1,5g/j ; un alfa ; feerostrane 15 ; aranesp 30 : 1/mois ; renvela 2/j " et qu'une " dialyse va bientôt commencer ". Il est également précisé qu'un " bilan pré greffe a été réalisé et il est en attente d'inscription ". Le préfet de la Haute-Garonne, soutient notamment que les intimés ne produisent pas les éléments permettant, d'une part, de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ni son appréciation, d'autre part, de démontrer l'inexistence d'une prise en charge médicale effective dans leur pays d'origine.
7. Toutefois, les intimés versent des certificats médicaux précis et concordants établis par le service de néphrologie-médecine interne de l'hôpital des enfants de B... entre le 9 décembre 2022 et le 3 octobre 2023, faisant état de la situation médicale de l'enfant F... C... existant à la date des arrêtés en litige. Il y est rappelé que l'enfant s'est vu diagnostiqué à l'âge de cinq mois une " polykystose rénale familiale ", que sa pathologie nécessite des séances d'hémodialyses pluri-hebdomadaires, que " le programme de prise en charge thérapeutique nécessite une greffe rénale " et que " les risques d'un retour en Géorgie, sont donc la dégradation extrêmement rapide de son état de santé, avec des complications d'extrêmes gravités pouvant conduire à son décès par trouble hydro-électrolytique ". Le professeur exerçant dans le service médical précité, après avoir qualifié la pathologie " d'extrêmement sévère " précise que " cette prise en charge hautement spécialisée ne peut être réalisée dans son pays d'origine. Il est nécessaire qu'il soit pris en charge dans un centre de référence de maladies rénales rares pour enfants ". Les parents de l'enfant F... C... produisent un courrier du Ministère des personnes déplacées internes venues des territoires occupés, du travail, de la santé et des affaires sociales du 9 août 2022 précisant l'absence de dispositif légal en Géorgie permettant une greffe à partir d'un donneur cadavérique. Enfin, alors que le certificat médical établi le 14 février 2023 indique que le pays d'origine de Mme D... et M. C... ne propose pas " de programme de transplantation pédiatrique ", le certificat médical du 9 mai 2023, certes postérieur aux arrêtés attaqués mais qui se rapporte à une situation préexistante, précise toutefois qu'il existe une " contre-indication médicale concernant ses parents et ses proches " quant à la possibilité d'un don intra-familial dans le cadre de la réalisation d'une greffe de rein.
8. Dans les circonstances particulières de l'espèce, les intimés doivent être regardés comme établissant l'absence de possibilité pour leur enfant de bénéficier en Géorgie d'un traitement approprié à son état de santé alors qu'il ressort en outre des pièces du dossier que son état de santé s'est aggravé rapidement postérieurement aux arrêtés en litige et qu'il a été dûment inscrit sur le répertoire des patients en attente de greffe rénale. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de B... a annulé les arrêtés du 31 mars 2023.
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par les intimés :
9. Le présent arrêt, qui rejette l'appel du préfet de la Haute-Garonne, n'implique pas nécessairement qu'il soit fait droit aux conclusions à fin d'injonction présentées par les intimés alors que le jugement attaqué ordonne au préfet de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.
Sur les conclusions tendant au sursis à exécution :
10. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de B... du 14 juin 2023, les conclusions de la requête n° 23TL01780 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement deviennent sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
11. Sous réserve de la renonciation de Me Amari de Beaufort à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 200 euros à Me Amari de Beaufort en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : La requête n° 23TL01779 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution de la requête n° 23TL01780 du préfet de la Haute-Garonne.
Article 3 : L'Etat versera à Me Amari de Beaufort une somme de 1 200 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 11 juillet 1991 sous réserve de la renonciation de cette dernière à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées en appel par les intimés est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme A... D... et M. E... C... et à Me Claude Amari de Beaufort.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.
Le président-rapporteur,
D. Chabert
Le président-assesseur,
X. Haïli
Le greffier,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 23TL01779, 23TL01780