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01/02/2024 | FRANCE | N°21TL04394

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 01 février 2024, 21TL04394


Vu les procédures suivantes :



I- Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 21MA04394, puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04394 le 15 novembre 2021, et un mémoire en réplique enregistré le 22 avril 2022, la société civile immobilière Foncière Sigean, représentée par la SELARL Letang Avocats, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le maire de Sigean a refusé de lui délivrer un permis de construire valan

t autorisation d'exploitation commerciale pour la réalisation d'un centre commercial Carref...

Vu les procédures suivantes :

I- Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 21MA04394, puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04394 le 15 novembre 2021, et un mémoire en réplique enregistré le 22 avril 2022, la société civile immobilière Foncière Sigean, représentée par la SELARL Letang Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le maire de Sigean a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la réalisation d'un centre commercial Carrefour Market, d'une galerie marchande et d'un service " drive " pour une surface de plancher de 6 767 m² ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder à une nouvelle instruction de sa demande d'avis dans un délai de quatre mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la Commission nationale d'aménagement commercial une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- les interventions des sociétés Alexanie et Rocasud sont irrecevables ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article R. 752-35 du code du commerce dès lors que la Commission nationale d'aménagement commercial ne démontre pas que ses membres ont été convoqués et ont pu prendre connaissance de son dossier cinq jours avant la réunion du 24 juin 2021 ;

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 24 juin 2021 ne mentionne pas les dispositions de l'article L. 752-21 du code du commerce ; cette illégalité l'a privée d'une garantie ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 752-21 du code du commerce ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que son dossier comprenait l'ensemble des pièces et informations nécessaires à la parfaite compréhension de son projet et qu'elle ne constitue pas avec le magasin Weldom un ensemble commercial.

Par des mémoires, enregistrés les 23 décembre 2021 et 6 avril 2022, la commune de Sigean, représenté par la SCP HGetC Avocats, demande à la cour :

1°) de constater l'illégalité de l'avis défavorable du 24 juin 2021 de la Commission nationale d'aménagement commercial portant sur le projet de la société Foncière Sigean ;

2°) de constater l'illégalité de l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le maire a refusé de délivrer à la société Foncière Sigean un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la réalisation d'un centre commercial Carrefour Market, d'une galerie marchande et d'un service " drive " pour une surface de vente de 6 767 m² ;

3°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de délivrer un avis favorable, ou à défaut, de procéder à une nouvelle instruction de la demande d'avis de la société Foncière Sigean dans un délai déterminé ;

4°) de mettre à la charge de la partie perdante une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- ses conclusions en annulation sont recevables ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que le dossier comprenait les informations et plans des magasins Weldom et Marché des affaires ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit dès lors que le projet ne forme pas un ensemble commercial avec le magasin Weldom ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que l'insertion paysagère est suffisante.

Par un mémoire, enregistré le 16 mars 2022, la société par actions simplifiée Alexanie, représentée par la SCP CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et des conclusions présentées par la commune de Sigean et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Foncière Sigean une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors que les moyens sont dirigés directement contre l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial et non contre l'arrêté du maire de Sigean 13 septembre 2021 ;

- l'intervention présentée par la commune de Sigean est irrecevable dès lors qu'elle critique l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial qui n'est qu'un avis préparatoire ;

- les moyens présentés par la société Foncière Sigean ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 16 mars 2022, la société anonyme Rocasud, représentée par la SCP CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et des conclusions présentées par la commune de Sigean et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Foncière Sigean une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors que les moyens sont dirigés directement contre l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial et non contre l'arrêté du maire de Sigean du 13 septembre 2021 ;

- l'intervention présentée par la commune de Sigean est irrecevable dès lors qu'elle critique l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial qui n'est qu'un avis préparatoire ;

- les moyens présentés par la société Foncière Sigean ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 27 juin 2023, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 12 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 3 octobre 2023.

Les parties ont été informées le 11 janvier 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la commune de Sigean tendant à l'annulation de l'arrêté de son maire du 13 septembre 2023 portant refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale dès lors que la commune ayant la qualité de partie à l'instance, de telles conclusions intervenues après l'expiration du délai de recours contentieux sont tardives.

II- Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 21MA04396, puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04396, le 15 novembre 2021 et un mémoire en réplique, enregistré le 22 avril 2022, la société civile immobilière de la Tramontane, représentée par la SELARL Letang Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le maire de Sigean a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la réalisation d'un bâtiment à usage de bureaux, commerces et services d'une surface de plancher de 3 418 m² ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder à une nouvelle instruction de sa demande d'avis dans un délai de quatre mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la Commission nationale d'aménagement commercial une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- les interventions des sociétés Alexanie et Rocasud sont irrecevables ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article R. 752-35 du code du commerce dès lors que la commission nationale d'aménagement commercial ne démontre pas que ses membres ont été convoqués et ont pu prendre connaissance de son dossier cinq jours avant la réunion du 24 juin 2021 ;

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 24 juin 2021 ne mentionne pas les dispositions de l'article L. 752-21 du code du commerce ; cette illégalité l'a privée d'une garantie ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 752-21 du code du commerce ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que son dossier comprenait l'ensemble des pièces et informations nécessaires à la parfaite compréhension de son projet et qu'elle ne constitue pas avec le magasin Weldom un ensemble commercial.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 décembre 2021 et 6 avril 2022, la commune de Sigean, représentée par la SCP HGetC Avocats, demande à la cour :

1°) de constater l'illégalité de l'avis défavorable du 24 juin 2021 de la Commission nationale d'aménagement commercial portant sur le projet de la société Foncière Sigean ;

2°) de constater l'illégalité de l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le maire a refusé de délivrer à la société de la Tramontane un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la réalisation d'un bâtiment destiné à recevoir des services, commerces et bureaux d'une surface de plancher de 3 418 m² ;

3°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de délivrer un avis favorable, ou à défaut, de procéder à une nouvelle instruction de la demande d'avis de la société de la Tramontane dans un délai déterminé ;

4°) de mettre à la charge de la partie perdante une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir :

- ses conclusions en annulation sont recevables ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que le dossier comprenait les informations et plans des magasins Weldom et Marché des affaires ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit dès lors que le projet ne forme pas un ensemble commercial avec le magasin Weldom ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que l'insertion paysagère est suffisante.

Par un mémoire, enregistré le 16 mars 2022, la société anonyme Rocasud, représentée par la SCP CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et des conclusions présentées par la commune de Sigean et à ce qu'il soit mis à la charge de la société de la Tramontane une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors que les moyens sont dirigés directement contre l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial et non contre l'arrêté du maire de Sigean du 13 septembre 2021 ;

- l'intervention présentée par la commune de Sigean est irrecevable dès lors qu'elle critique l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial qui n'est qu'un avis préparatoire ;

- les moyens présentés par la société de la Tramontane ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 18 mars 2022, la société par actions simplifiée Alexanie, représentée par la SCP CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et des conclusions présentées par la commune de Sigean et à ce qu'il soit mis à la charge de la société de la Tramontane une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors que les moyens sont dirigés directement contre l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial et non contre l'arrêté du maire de Sigean 13 septembre 2021 ;

- l'intervention présentée par la commune de Sigean est irrecevable dès lors qu'elle critique l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial qui n'est qu'un avis préparatoire ;

- les moyens présentés par la société de la Tramontane ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 2 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 18 mai 2022.

Les parties ont été informées le 11 janvier 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la commune de Sigean tendant à l'annulation de l'arrêté de son maire du 13 septembre 2023 portant refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale dès lors que la commune ayant la qualité de partie à l'instance, de telles conclusions intervenues après l'expiration du délai de recours contentieux sont tardives.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- et les observations de Me Senanedesch, représentant la société anonyme Rocasud et la société par actions simplifiée Alexanie.

Considérant ce qui suit :

1. Les sociétés civiles immobilières Foncière Sigean et de la Tramontane ont déposé deux demandes de permis de construire le 16 novembre 2020 dans le but, d'une part, de déplacer et étendre un supermarché existant à l'enseigne " Carrefour Market " situé à Sigean (Aude), de créer une galerie marchande de quatre boutiques et services et d'un point de retrait d'achat de marchandises organisé pour l'accès en automobile dit " drive " pour une surface de vente totale de 3 860 m² et, d'autre part, de créer un magasin bio et une boulangerie-restauration d'une surface de vente de 507 m². Les projets ont fait l'objet, le 4 mars 2021, d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial de l'Aude. Le 24 juin 2021, la Commission nationale d'aménagement commercial, saisie d'un recours par la société anonyme Rocasud et la société par actions simplifiée Alexanie, a émis un avis défavorable aux projets. Par deux arrêtés du 13 septembre 2021 n° PC 011 379 20 L0039 et n° PC 011 379 20 L0040, le maire de Sigean a refusé les permis de construire sollicités. Par les requêtes susvisées, enregistrées sous les nos 21TL04394 et 21TL04396, les sociétés Foncière Sigean et de la Tramontane demandent l'annulation de ces arrêtés du maire de Sigean en tant qu'ils se prononcent sur la demande d'autorisation d'exploitation commerciale. Ces requêtes présentant à juger des questions communes, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur " l'intervention " des sociétés Alexanie et Rocasud :

2. La personne qui, en application de l'article L. 752-17 du code de commerce, saisit la Commission nationale d'aménagement commercial d'un recours administratif préalable obligatoire contestant la décision favorable délivrée par la commission départementale sur un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale ne nécessitant pas la délivrance d'un permis de construire, a la qualité de partie en défense à l'instance devant la cour administrative d'appel dirigée contre la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial refusant l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée. Par suite, contrairement à ce qu'indiquent les sociétés Foncière Sigean et de la Tramontane, les écritures produites par les sociétés Alexanie et Rocasud, au demeurant appelées en cause initialement par la cour administrative d'appel de Marseille, n'ont pas le caractère d'une intervention volontaire.

Sur " l'intervention " de la commune de Sigean :

3. Alors même qu'un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale en application des dispositions de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme ne peut être légalement délivré par le maire, au nom de la commune, que sur avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial compétente ou, le cas échéant, sur avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial et qu'ainsi cet avis lie le maire s'agissant de l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée, la commune d'implantation du projet n'est pas recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir de cet avis, qui, comme il a été dit, a le caractère d'acte préparatoire à la décision prise sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Elle est en revanche recevable à contester, par la voie d'un recours pour excès de pouvoir, la décision qu'elle prend sur cette demande en tant seulement qu'elle se prononce sur l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée, pour autant qu'elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir.

4. Par un mémoire, enregistré le 23 décembre 2022, la commune de Sigean, qui se présente comme une intervenante volontaire, doit être regardée comme sollicitant l'annulation de des refus du permis de construire en tant que ces refus portent sur la demande d'autorisation d'exploitation commerciale des sociétés civile immobilières requérantes. La commune est cependant partie à l'instance et ses conclusions doivent donc être regardées comme des conclusions nouvelles dans les instances engagées par les sociétés Foncière Sigean et de la Tramontane. Présentées après l'expiration du délai de recours contentieux de deux mois, ces conclusions et les moyens présentés à l'appui de ces conclusions sont tardifs et par suite irrecevables.

5. Par ce même mémoire, la commune de Sigean doit également être regardée comme sollicitant l'annulation de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 24 juin 2021 concernant les projets des sociétés Foncière Sigean et de la Tramontane. Par suite, ces conclusions, dirigées contre un acte préparatoire à la décision prise sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, sont, ainsi que le font valoir en défense les sociétés Alexanie et Rocasud, irrecevables.

Sur les conclusions en annulation :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ".

7. Si les sociétés requérantes soutiennent qu'il n'est pas établi que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été convoqués conformément aux dispositions mentionnées à l'article R. 752-35 du code de commerce, il ressort des pièces du dossier que les membres de cette commission ont été convoqués le 8 juin 2021 à la séance du 24 juin 2021 au cours de laquelle ont été examinés les projets en litige. La lettre de convocation informait ses destinataires que les documents utiles seraient mis à leur disposition sur une plateforme de téléchargement cinq jours au moins avant la tenue de la séance. Dans ces conditions, et alors que les sociétés requérantes ne font état d'aucun élément précis de nature à établir l'irrégularité de la convocation, leur moyen doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 752-20 du code du commerce : " Les décisions de la commission nationale indiquent le nombre de votes favorables et défavorables ainsi que les éventuelles abstentions. Elles doivent être motivées conformément aux articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration. ". Aux termes de l'article L. 752-21 de ce code : " Un pétitionnaire dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la Commission nationale d'aménagement commercial ne peut déposer une nouvelle demande d'autorisation sur un même terrain, à moins d'avoir pris en compte les motivations de la décision ou de l'avis de la commission nationale. / Lorsque la nouvelle demande ne constitue pas une modification substantielle au sens de l'article L. 752-15 du présent code, elle peut être déposée directement auprès de la Commission nationale d'aménagement commercial. ". Aux termes de l'article R. 752-43-1 du même code : " L'avis ou la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial mentionne, le cas échéant, la faculté pour le pétitionnaire de la saisir directement d'une nouvelle demande d'autorisation selon la procédure prévue à l'article L. 752- 21 ".

9. La mention de la possibilité prévue au second alinéa de l'article L. 752-21 précité de déposer directement devant la commission nationale une nouvelle demande ne constituant pas une modification substantielle, qui concerne les conditions d'exécution de cet avis, ne conditionne pas la régularité de la procédure suivie. Dans ces conditions, l'absence de mention de cette clause dans l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial est sans incidence sur sa légalité et, par suite, sur celle de l'arrêté du maire portant refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens tirés du vice de procédure et de l'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 752-21 du code de commerce ne peuvent donc qu'être écartés.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code du commerce : " I. Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : (...) 4° La création d'un ensemble commercial tel que défini à l'article L. 752-3 et dont la surface de vente totale est supérieure à 1 000 mètres carrés ; (...) ". Aux termes de l'article L. 752-3 du même code : " I. Sont regardés comme faisant partie d'un même ensemble commercial, qu'ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu'une même personne en soit ou non le propriétaire ou l'exploitant, les magasins qui sont réunis sur un même site et qui : 1° Soit ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou en plusieurs tranches ; (...) ". Aux termes du I de l'article L. 752-6 du même code : " L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / (...) 2° En matière de développement durable : (...) b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / (...) ". En vertu du 4° de l'article L. 752-1 du code de commerce, la création d'un tel ensemble commercial est soumise à autorisation d'exploitation commerciale et doit faire l'objet d'une appréciation globale, même en présence de demandes fractionnées.

11. Pour refuser les permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en litige, le maire de Sigean, se prononçant après avis défavorable conforme de la Commission nationale d'aménagement commercial, s'est fondé sur deux motifs tirés de la prise en compte partielle dans les dossiers de demande des sociétés requérantes des magasins " Weldom " et " Marchés aux affaires " ne permettant pas d'apprécier pleinement les effets des projets au niveau de la totalité de l'ensemble commercial et de l'insuffisance de l'insertion architecturale et paysagère des projets.

12. D'une part, ainsi qu'il a été exposé au point 1, les projets des sociétés Foncière Sigean et de la Tramontane consistent à déplacer et étendre un supermarché existant, à créer une galerie marchande de quatre boutiques et services et un point de retrait d'achat de marchandises organisé pour l'accès en automobile dit " drive " pour une surface de vente totale de 3 860 m² et aussi à créer un magasin bio et une boulangerie-restauration d'une surface de vente de 507 m² sur la zone artisanale et commerciale des Aspres à Sigean. Il ressort des pièces du dossier que cette zone artisanale accueille déjà un magasin " Weldom " d'une surface de vente de 2 300,75 m² et il est prévu que les locaux libérés par le supermarché accueillent un commerce " Marchés aux affaires " d'une surface de vente de 855 m². Si les sociétés requérantes soutiennent que le magasin " Weldom " ne constitue pas un ensemble commercial avec leurs projets, il ressort des pièces du dossier que la zone artisanale et commerciale des Aspres a été créée par un permis d'aménager octroyé le 5 août 2009 et deux permis d'aménager modificatifs des 7 décembre 2011 et 4 octobre 2012, tous devenus définitifs. Ainsi, et alors même que le magasin " Weldom " appartient à une autre personne, cette zone a été conçue dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier. Dans ces conditions, le magasin " Weldom " et leurs projets doivent être regardés comme constituant un ensemble commercial au sens des dispositions de l'article L. 752-3 du code de commerce. Par suite, et alors que les dossiers de demande d'autorisation d'exploitation commerciale en litige ne procèdent qu'à une analyse très partielle des effets de cet ensemble commercial englobant le magasin " Weldom " au regard des critères prévus à l'article L. 752-6 du code du commerce, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la Commission nationale d'aménagement commercial a été mise à même d'apprécier les effets de leurs projets au niveau de la totalité de l'ensemble commercial.

13. D'autre part, en se bornant à soutenir qu'elles ont produit les pièces permettant d'apprécier l'insertion paysagère de leurs projets à l'appui de leur demande devant la commission nationale d'aménagement commercial, les sociétés requérantes ne critiquent pas utilement le motif retenu par cette commission tiré de l'insuffisance de l'insertion paysagère de leurs projets.

14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que les sociétés Foncière Sigean et de la Tramontane ne sont pas fondées à demander l'annulation des arrêtés du maire de Sigean du 13 septembre 2021 en tant qu'ils se prononcent sur l'autorisation d'exploitation commerciale. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Commission nationale d'aménagement commercial qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que les sociétés Foncière Sigean et de la Tramontane demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font également obstacle à ce que soit mise à la charge de toute partie perdante la somme que demande la commune de Sigean au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge des sociétés Foncière Sigean et de la Tramontane la somme de 1 000 euros chacune à verser à la société Alexanie et la même somme à verser à la société Rocasud sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la société Foncière Sigean et de la société de la Tramontane sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Sigean sont rejetées.

Article 3 : La société Foncière Sigean versera à la société Alexanie et la société Rocasud la somme de 1 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La société de la Tramontane versera à la société Alexanie et la société Rocasud la somme de 1 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Foncière Sigean, à la société civile immobilière de la Tramontane, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la commune de Sigean, à la société anonyme Rocasud et à la société par actions simplifiée Alexanie.

Copie en sera adressée à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

D. ChabertLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 21TL04394, 21TL04396


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04394
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: Mme Nathalie LASSERRE
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : COULOMBIE, GRAS, CRETIN, BECQUEVORT, ROSIER, SOLAND

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;21tl04394 ?
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