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23/01/2024 | FRANCE | N°22TL21983

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 23 janvier 2024, 22TL21983


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 mars 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'enjoindre, à titre principal, au préfet de l'Hérault de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir, si besoin sous astreinte ou, à titre subs

idiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'as...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 mars 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'enjoindre, à titre principal, au préfet de l'Hérault de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir, si besoin sous astreinte ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 en contrepartie d'une renonciation à la perception de la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Par un jugement n°2201782 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2022, et des pièces complémentaires, enregistrées le 14 mars 2023, qui n'ont pas été communiquées, M. B..., représenté par Me Bautes, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 30 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 3 mars 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de l'Hérault de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification du " jugement " à intervenir, si besoin sous astreinte ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat ou de mettre à la charge de l'Etat la même somme à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux ;

- le refus de titre de séjour porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France compte tenu de sa relation avec une compatriote qui bénéficie de la qualité de réfugiée ; la décision méconnait ainsi l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision méconnait l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant et de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'un défaut de base légale ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mars 2023.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Une note en délibéré, produite pour M. B... a été enregistrée le 9 janvier 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen né le 12 mars 1994, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié et au regard de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 3 mars 2022, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... relève appel du jugement du 30 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

2. M. B... reprend en appel et sans critiquer utilement les réponses apportées par les premiers juges, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision, du défaut d'examen de sa situation, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions. Dès lors, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal aux points 3, 6 et 7 du jugement contesté.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

4. M. B..., entré en France en 2016, se prévaut de la durée de son séjour sur le territoire français. Toutefois, ainsi que l'a relevé le tribunal, la demande d'asile présentée par le requérant a été rejetée en dernier lieu par la cour nationale du droit d'asile le 26 février 2018 et il n'a pas déféré à la mesure d'éloignement prononcée à son encontre par arrêté du préfet de l'Hérault du 13 août 2018 dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 18 octobre 2019. Par ailleurs, M. B... entend également se prévaloir de la relation de concubinage qu'il entretiendrait depuis le 1er février 2021 avec Mme C..., une compatriote en situation régulière, parent d'un enfant ayant le statut de réfugiée et de la naissance le 7 juillet 2021 d'un fils issu de cette relation. Cependant, il a conservé un hébergement chez un particulier à Castries et il a déclaré, le 14 janvier 2022, à l'autorité préfectorale être certes en couple avec Mme C... mais vivre séparément. Par suite, aucune vie commune des intéressés antérieure à la décision attaquée ne ressort des pièces du dossier. Si des attestations de Mme C... indiquent qu'elle reçoit une aide de son concubin pour l'entretien de son fils sous la forme d'une somme mensuelle en espèces de 150 euros, aucune autre pièce ne corrobore ces versements. L'attestation d'un acupuncteur en date du 31 août 2021 indiquant que M. B... s'occupe quotidiennement de son petit garçon et celle d'une ostéopathe en date du 13 mars 2023, postérieure à l'arrêté contesté, précisant qu'il avait accompagné son fils lors de séances les 8 et 22 septembre 2021 sont insuffisantes pour regarder l'intéressé comme participant effectivement à l'entretien et l'éducation de son enfant à la date de la décision contestée. M. B... ne peut enfin utilement se prévaloir de quelques achats en hypermarché et de la garde ou l'accompagnement ponctuels de son fils malade, ces faits étant postérieurs à la décision attaquée. L'attestation d'un de ses employeurs en date du 4 mars 2023 est également postérieure à la décision attaquée. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a méconnu, à la date à laquelle elle a été prise, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation. Aux termes de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité. / 2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / 3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt ".

6. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. B... n'établit pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de son fils à la date de la décision en litige. Dès lors, la décision attaquée n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. Par ailleurs, la décision en litige ne met pas en œuvre le droit de l'Union. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'elle méconnaîtrait l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est inopérant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour.

8. Pour les motifs mentionnés aux points 4 et 6, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle du requérant ne peuvent également qu'être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 3 mars 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles relatives aux frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Bautes et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22TL21983 2 2 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21983
Date de la décision : 23/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : BAUTES GEORGIA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-23;22tl21983 ?
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