Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier :
Sous le n° 2001621, d'annuler, d'une part, la décision du 13 février 2020 de la rectrice de l'académie de Montpellier portant refus de maintien en activité au-delà de la limite d'âge, et d'autre part, l'arrêté du 14 février 2020 de la même autorité portant mutation dans l'intérêt du service sur la zone de remplacement de Perpignan du 24 février au 8 septembre 2020.
Sous le n° 2003826, d'annuler, d'une part, l'arrêté du 30 avril 2020 de la rectrice de l'académie de Montpellier portant admission à la retraite pour atteinte de la limite d'âge à compter du 9 septembre 2020, et d'autre part, la décision implicite de rejet née du silence gardé plus de deux mois par l'administration sur sa demande du 27 mai 2020, reçue le 3 juin 2020, visant au retrait de l'arrêté du 30 avril 2020.
Par un jugement n° 2001621, 2003826 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 13 février 2020 de la rectrice de l'académie de Montpellier portant refus de maintien en activité au-delà de la limite d'âge et rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°21MA04702, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL04702, et un mémoire enregistré le 5 mai 2023, M. B... A..., représenté par Me Hamidi, demande à la cour :
1°) de confirmer l'article 1er de ce jugement du 15 octobre 2021 et d'annuler son article 2 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 février 2020 de la rectrice de l'académie de Montpellier portant mutation dans l'intérêt du service sur la zone de remplacement de Perpignan du 24 février au 8 septembre 2020 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 30 avril 2020 de la rectrice de l'académie de Montpellier portant admission à la retraite pour atteinte de la limite d'âge à compter du 9 septembre 2020, ensemble la décision implicite de rejet de sa demande de retrait de cet arrêté ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur l'annulation partielle du jugement :
- l'existence de troubles sérieux au fonctionnement du lycée n'est pas démontrée : le rapport rédigé le 4 février 2020 par la proviseure du lycée n'est étayé par aucun élément probant ; la diffusion de tracts et la tenue de manifestations devant le lycée n'est pas justifiée ;
- sa mutation dans l'intérêt du service est fictive en ce qu'il a été muté dans une direction et non dans un établissement scolaire sans lui confier une quelconque mission ; la rectrice a entendu le sanctionner et a par suite entaché sa décision de détournement de pouvoir et d'erreur manifeste d'appréciation en refusant sa demande de prolongation d'activité, en l'admettant à la retraite et en le mutant sur un poste de remplaçant sans lui confier de mission ;
Sur l'effet dévolutif de l'appel :
- la décision du 13 février 2020 est insuffisamment motivée ;
- les décisions constituent des sanctions déguisées entachées de détournement de pouvoir en ce que la rectrice a eu l'intention de le sanctionner et en ce que sa situation professionnelle s'est dégradée du fait de la perte de ses attributions, de la perte de responsabilités, de la perte de traitement et de retraite ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 avril 2023 et le 5 juin 2023, le dernier n'ayant pas été communiqué, la rectrice de la région académique Occitanie conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Par ordonnance du 15 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Hamidi, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 8 février 1954, qui a été titularisé en qualité de professeur d'éducation physique et sportive le 7 septembre 1981, a été promu dans le corps des professeurs agrégés de classe exceptionnelle en juillet 2019. Le 15 janvier 2020, M. A... a demandé son maintien en fonction jusqu'en juillet 2021. Sa demande a été rejetée par décision du 13 février 2020. Par un arrêté du 14 février 2020 pris à la suite de la publication d'un article le concernant dans le journal " L'Equipe " du ..., M. A... a fait l'objet d'une mutation dans l'intérêt du service sur la zone de remplacement de Perpignan du 24 février au 8 septembre 2020. Par un arrêté du 30 avril 2020, M. A... a été admis à la retraite pour atteinte de la limite d'âge à compter du 9 septembre 2020. L'intéressé a demandé le retrait de cet arrêté par un courrier du 27 mai 2020. M. A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 13 février 2020, les arrêtés du 14 février 2020 et du 30 avril 2020, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé plus de deux mois par l'administration sur sa demande visant au retrait de l'arrêté du 30 avril 2020. Par un jugement du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 13 février 2020 en raison de son insuffisance de motivation et rejeté le surplus de ses demandes. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'annulation des arrêtés du 14 février 2020 et 30 avril 2020 ainsi que de la décision implicite de rejet de sa demande de retrait de l'arrêté du 30 avril 2020.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Une mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier.
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport rédigé le 4 février 2020 par la proviseure du lycée ... de ... qu'un article paru le ... dans le journal " l'Equipe " a révélé que, par un jugement du tribunal correctionnel de ... du 8 octobre 1992, confirmé par un arrêt du 25 octobre 1993 de la cour d'appel de ..., M. llet a été reconnu coupable " d'attentats à la pudeur " commis sur sept élèves mineures alors qu'il assurait la responsabilité de l'entrainement des élèves de la section " sport étude natation " au lycée ... à la fin des années 1980. Il est constant que ces révélations, qui ont ensuite été reprises par d'autres médias, ont immédiatement suscité des réactions d'indignation tant au sein de la communauté éducative que parmi les élèves et parents d'élèves, concernant la poursuite de l'activité professionnelle de M. A... auprès d'élèves mineures malgré ces faits. Le requérant expose que, dès le ... en fin de journée, la proviseure du lycée avait adressé un courriel à l'ensemble des personnels de l'établissement pour préciser que ces faits n'avaient pas été inscrits au casier judiciaire de l'intéressé, que la procédure disciplinaire engagée à son encontre par le ministre de l'éducation nationale en 1994 n'avait pas abouti et qu'aucun fait n'avait été porté à la connaissance des services académiques depuis lors. Toutefois, la révélation de ces faits a entraîné la mise en place d'une cellule d'écoute au sein du lycée les 30 et 31 janvier 2020 afin de répondre aux nombreuses sollicitations des parents d'élèves et des lycéens, révélant un profond malaise et de grandes inquiétudes quant à l'éventualité de la poursuite de l'activité de M. A.... Une déclaration de manifestation prévue les 3 et 4 février 2020 a été effectuée le 30 janvier, laquelle est produite au dossier. La proviseure du lycée a été informée de la tenue de cette manifestation par la gendarmerie le 31 janvier suivant. En outre, la rectrice produit pour la première fois en appel les tracts qui étaient annexés au rapport de la proviseure et qui avaient été affichés sur la devanture du lycée en vue de la manifestation. Par suite, la matérialité des faits relatifs à l'existence de troubles sérieux au fonctionnement du lycée à la suite de la révélation des faits anciens concernant M. A... est établie par les pièces produites. Au regard de ces faits, la rectrice a pu, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, prononcer la mutation dans l'intérêt du service de M. A... par arrêté du 14 février 2020.
4. Si la mutation de M. A... sur la zone de remplacement de ... du 24 février au 8 septembre 2020 a emporté des conséquences professionnelles en ce qu'il a été privé de ses attributions de professeur d'éducation physique et sportive, ne s'étant pas vu confier de missions alors qu'il était rattaché à la direction des services départementaux de l'éducation nationale des Pyrénées-Orientales jusqu'à sa mise à la retraite à compter du 9 septembre 2020, et en ce qu'il a été privé des indemnités liées à l'exercice de ses fonctions, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que la rectrice ait entendu le sanctionner en prononçant cette mesure à son encontre. S'il soutient que cette mutation présentait un caractère fictif alors qu'il aurait pu travailler en qualité de chargé de mission, notamment pour préparer les jeux olympiques 2024, ainsi que la rectrice le lui aurait proposé lors d'un entretien, ses dires ne sont étayés par aucune pièce sur la vacance d'un tel poste. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 14 février 2020 constitue une sanction déguisée et serait entaché de détournement de pouvoir.
5. Aux termes de l'article 68 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les fonctionnaires ne peuvent être maintenus en activité au-delà de la limite d'âge de leur emploi sous réserve des exceptions prévues par les textes en vigueur ". Aux termes de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge reconnus au titre des dispositions de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité. / (...) ".
6. Le maintien en activité du fonctionnaire au-delà de la limite d'âge du corps auquel il appartient, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public, ne constitue pas un droit mais une simple faculté laissée à l'appréciation de l'autorité administrative, qui détermine sa position en fonction de l'intérêt du service, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qui exerce sur ce point un contrôle restreint à l'erreur manifeste d'appréciation.
7. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 13 février 2020 portant notification de la décision de refus de faire droit à sa demande de maintien en activité au-delà de limite d'âge, la rectrice a invité M. A... à demander sa retraite au plus tard à cette limite, soit le 8 septembre 2020. Pour refuser d'accéder à la demande de maintien en activité jusqu'en juillet 2021 présentée par M. A... afin de pouvoir bénéficier de l'avancement au 3ème chevron du corps des professeurs agrégés au 1er septembre 2020, la rectrice a opposé l'intérêt du service au regard des mêmes faits que ceux exposés au point 3. Il y a lieu, par suite, d'écarter les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et du détournement de pouvoir dont seraient entachés l'arrêté du 30 avril 2020 et la décision implicite de rejet de sa demande de retrait de cet arrêté portant admission à la retraite au 9 septembre 2020 pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 3 et 4.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de ... a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.
Copie en sera adressée à la rectrice de région académique Occitanie.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°21TL04702 2