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18/01/2024 | FRANCE | N°21TL23819

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 18 janvier 2024, 21TL23819


Vu la procédure suivante :



Par une requête enregistrée le 30 septembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 21BX23819 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL23819, l'association protégeons nos espaces pour l'avenir agissant pour le compte du collectif CO-27-XII environnement, l'association patrimoine environnement territoire du Pays belmontais, la fédération des grands-causses, l'association de préservation du patrimoine culturel et naturel des monts de Lacaune et du Rougier de Camarès et l'

association SOS Busards, représentées par Me Terrasse, demandent à la...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 30 septembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 21BX23819 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL23819, l'association protégeons nos espaces pour l'avenir agissant pour le compte du collectif CO-27-XII environnement, l'association patrimoine environnement territoire du Pays belmontais, la fédération des grands-causses, l'association de préservation du patrimoine culturel et naturel des monts de Lacaune et du Rougier de Camarès et l'association SOS Busards, représentées par Me Terrasse, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté n° 12-2021-03-24-00008 du 24 mars 2021 par lequel le préfet de l'Aveyron a délivré à la société Parc éolien de Prinquiès une autorisation unique en vue d'exploiter un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Tauriac-de-Camarès ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'arrêté, en tant qu'il vaut autorisation d'exploiter, a été délivré au vu d'une étude d'impact substantiellement insuffisante compte tenu des carences de l'analyse de l'état initial concernant l'avifaune, de l'insuffisance de la description des solutions de substitution raisonnable et de l'analyse insuffisante des effets cumulés du projet avec les autres parcs éoliens du secteur ;

- l'arrêté, en tant qu'il vaut dérogation à l'interdiction de porter atteinte à des espèces protégées, est entaché d'illégalité pour insuffisance de motivation ;

- l'arrêté attaqué, en tant qu'il vaut dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées, est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que le projet ne répond pas à une raison impérative d'intérêt public majeur ;

- l'arrêté attaqué, en tant qu'il vaut dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées, est entaché d'une erreur d'appréciation en l'absence de recherche d'autres solutions alternatives plus satisfaisantes ;

- l'arrêté attaqué, en tant qu'il vaut dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées, est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que le projet ne permet pas le maintien dans un état de conservation favorable des espèces protégées dans leur aire de distribution naturelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2022, la société Parc Eolien de Prinquiès, représentée par Me Gelas, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de chaque association requérante une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors que les associations requérantes ne justifient pas de l'habilitation à ester en justice, n'ont pas intérêt à agir à l'encontre des décisions en litige et ne justifient pas de la notification de leur recours à l'autorité préfectorale en méconnaissance des dispositions de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 et du décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, subsidiairement, à ce qu'il soit sursis à statuer sur la requête en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 24 mars 2023.

Un mémoire présenté pour les associations requérantes, représentées par Me Terrasse, a été enregistré le 21 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- loi n° 2009-967 du 3 août 2009 ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Terrasse représentant les associations requérantes ;

- et les observations et de Me Kerjean-Gauducheau, représentant la société défenderesse.

Considérant ce qui suit :

1. Le 22 septembre 2016, la société Parc éolien de Prinquiès a déposé une demande d'autorisation unique portant sur la construction et l'exploitation d'un parc éolien de cinq aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Tauriac-de-Camarès (Aveyron). Cette demande d'autorisation unique a été complétée les 17 janvier 2017, 17 août 2017, 9 août 2018 et 21 mai 2019. Par arrêté du 24 mars 2021, le préfet de l'Aveyron a délivré à cette société une autorisation de construire et d'exploiter une installation terrestre de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent et regroupant cinq aérogénérateurs. L'association protégeons nos espaces pour l'avenir agissant pour le compte du collectif CO-27-XII environnement et d'autres associations requérantes ont formé un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté le 25 mai 2021. Par la présente requête, ces associations demandent à la cour d'annuler cet arrêté.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne le cadre juridique :

2. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement : " I. - A titre expérimental (...) sont soumis aux dispositions du présent titre les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent (...) soumises à l'autorisation prévue à l'article L. 512-1 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette ordonnance : " Les projets mentionnés à l'article 1er sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé " autorisation unique " dans le présent titre. / Cette autorisation unique vaut autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement (...) permis de construire au titre de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, autorisation de défrichement (...). / L'autorisation unique tient lieu des permis, autorisation (...) mentionnés à l'alinéa précédent pour l'application des autres législations lorsqu'ils sont requis à ce titre (...) ".

3. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées (...) au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...) sont considérées comme des autorisations environnementales (...) avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du (...) code (de l'environnement) que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables (...) / 2° Les demandes d'autorisation au titre (...) de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...) régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; (...) ".

4. L'ordonnance du 26 janvier 2017 n'a ni pour objet ni pour effet de modifier rétroactivement les dispositions régissant la procédure de délivrance d'une autorisation unique prévue par l'ordonnance du 20 mars 2014. Ainsi, la procédure d'instruction de la demande d'autorisation unique que la société Parc éolien de Prinquiès du Groupe Valeco a présentée le 22 septembre 2016 est régie par l'ordonnance du 20 mars 2014 et son décret d'application du 2 mai 2014.

5. En vertu de l'article 8 de l'ordonnance du 20 mars 2014, l'autorisation unique, devenue autorisation environnementale en application de l'article 15 précité de l'ordonnance du 26 janvier 2017, est soumise à un contentieux de pleine juridiction. Il revient au juge administratif, lorsqu'il est saisi d'une contestation contre une autorisation unique, d'en apprécier la légalité au regard des règles de procédure relatives aux autorisations uniques applicables à la date de sa délivrance. Lorsqu'il estime qu'une autorisation unique a été délivrée en méconnaissance des règles de procédure applicables à la date de sa délivrance, le juge peut, eu égard à son office de juge du plein contentieux, prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population. En outre, si une telle régularisation n'est pas intervenue à la date à laquelle il statue, le juge peut, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, créé par l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai qu'il fixe afin de permettre à l'administration de régulariser l'illégalité par une autorisation modificative. Enfin, il appartient au juge du plein contentieux de l'autorisation unique, comme de l'autorisation environnementale, d'apprécier le respect des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté en date du 30 avril 2020 en tant qu'il vaut autorisation d'exploiter :

S'agissant de l'étude d'impact :

6. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. - L'étude d'impact présente : / 1° Une description du projet (...) ; / 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; / (...) 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus. ; (...) / 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine (...) ".

7. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

Quant à l'analyse de l'état initial :

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la demande d'autorisation d'exploiter a été déposée le 22 septembre 2016 et complétée les 17 janvier 2017, 17 août 2017, 9 août 2018 et 21 mai 2019. L'étude d'impact, réalisée à partir de données recueillies entre décembre 2014 et novembre 2015, s'appuie sur des données disponibles à la date de sa réalisation et le bureau d'études a procédé à trois prospections en période hivernale les 2 décembre 2014, 9 janvier 2015 et 12 février 2015, quatre en période de migrations prénuptiales les 10 mars 2015, 12 mars 2015, 10 avril 2015 et 13 avril 2015, deux en période de reproduction, les 29 avril 2015 et 10 mai 2015, et quatre en période de migration postnuptiale les 6 août 2015, 6 septembre 2015, 8 octobre 2015 et 11 octobre 2015, de sorte que l'ensemble du cycle biologique a été couvert. Si les associations requérantes soutiennent que l'analyse de l'état initial de la zone au titre de l'inventaire de l'avifaune est insuffisante, la seule circonstance que le " guide relatif à l'élaboration des études d'impacts des projets de parcs éoliens terrestres " édité par le ministère de la transition écologique dans sa version révisée d'octobre 2020, qui ne s'appliquait d'ailleurs pas à la date de réalisation de ces inventaires et qui est dépourvu de toute valeur normative, préconise des investigations de décembre à mi-février ne permet pas de considérer que l'étude d'impact serait insuffisante sur ce point au regard des périodes d'observations adéquates qui viennent d'être mentionnées. En outre, s'il est vrai que le Conseil national de la protection de la nature a rendu un avis défavorable sur le projet litigieux le 18 décembre 2018 au vu de l'insuffisance des mesures de précaution au regard des enjeux, il a toutefois relevé dans ce même avis, s'agissant de l'analyse de l'état initial, que le dossier de demande a fait globalement l'objet d'investigations intéressantes dans les inventaires. Ainsi, les pressions d'inventaire réalisées dans le cadre de l'analyse initiale de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet en litige n'apparaissent pas insuffisantes, alors que les associations requérantes n'établissent pas, de surcroît, un changement de circonstances de fait qui aurait rendu ces résultats obsolètes.

Quant à la description des solutions de substitution raisonnables :

9. Il résulte de l'instruction qu'un secteur à proximité et dans le prolongement du parc de Roustans, au col de Prinqiès sur la commune de Tauriac de Camarès, au sud de l'Aveyron, a été privilégié pour l'implantation du projet afin d'éviter les principales zones sensibles telles que les habitats naturels à forte sensibilité comme les dalles et pelouses acidiphiles et hydrophiles, les principales zones de chasse des chiroptères et le secteur sud présentant les plus fortes activités. De même ont été pris en compte le respect des servitudes telles que les routes, la distance aux habitations et la nuisance acoustique ainsi que la limitation de l'utilisation du sol par la création de pistes. Il résulte également de l'instruction que les auteurs de l'étude d'impact ont envisagé, en pages 241 et suivantes, trois variantes possibles du projet, à savoir la variante A, constituée d'une seule ligne de cinq éoliennes, qui utilise la crête du massif en " ligne droite incurvée ", la variante B, constituée de six éoliennes qui utilise la crête du massif en " S ", la variante C, composée de cinq éoliennes qui utilise la crête " en angle droit " lesquelles font l'objet d'une description précise et sont comparées sur les plans environnemental, humain, technico-économique et patrimonial et paysager. Les raisons pour lesquelles la variante A a été retenue, en particulier sa sensibilité globalement plus faible et ses caractéristiques de moindre impact sur les chiroptères, principal enjeu du site, sa meilleure intégration au site dans la continuité du parc éolien de Roustans ainsi que son implantation en courbe épousant les reliefs du grand paysage, sont également exposées dans l'étude d'impact, dans un tableau de synthèse comportant un système de notation pour évaluer les variantes entre elles par rapport à ces critères. Il s'ensuit que l'étude d'impact ne présente pas d'insuffisances quant à la présentation des solutions de substitution raisonnables.

Quant à l'analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus :

10. Si les associations requérantes soutiennent que les effets cumulés du projet avec les autres installations existantes, notamment le parc de Roustans, n'auraient pas été suffisamment traités dans l'étude d'impact, cette étude relève la distance au sein de l'aire d'étude éloignée entre les différents parcs éoliens autorisés ou en projet et l'absence de continuité écologique reliant les sites faisant obstacle à l'évaluation sur un plan environnemental des effets cumulés. S'agissant du seul parc éolien de Roustans pouvant présenter un potentiel d'effets cumulatifs avec le projet de parc éolien de Prinquiès, l'étude d'impact analyse les effets cumulés de ces projets tant d'un point de vue paysager que d'un point de vue écologique. Sur ce dernier point, elle a notamment étudié l'effet barrière pour les déplacements, le risque de collision sur les pales en rotation et la perte de surface de certains habitats pour toute l'avifaune dont le pic noir. Par suite, le moyen invoqué manque en fait.

11. Il résulte de ce que vient d'être dit aux points 6 à 10 du présent arrêt que le moyen tiré du caractère insuffisant de l'étude d'impact au regard des prescriptions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté en date du 30 avril 2020 en tant qu'il vaut dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées :

S'agissant de l'insuffisante motivation :

12. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Aux termes de l'article L. 211-3 du même code : " Doivent également être motivées les décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement ". L'article L. 211-5 du même code précise que : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

13. La dérogation à l'interdiction de destructions d'espèces protégées contenue dans l'autorisation unique d'exploiter le parc éolien en litige mentionne les textes dont elle fait application et expose, en termes suffisamment précis, les circonstances de fait en constituant le fondement, tant en ce qui concerne l'existence de raisons impératives d'intérêt public majeur fondant la dérogation accordée, qu'en ce qui concerne l'absence de solution alternative satisfaisante et la condition tenant à ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. Le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de l'arrêté contesté dès lors, être écarté.

S'agissant des erreurs d'appréciation :

14. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle (...) d'animaux de ces espèces (...) ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / (...) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1° (...) et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante (...) : / a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants (...) ; / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur (...) ".

15. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. Pour déterminer si une dérogation peut être accordée sur le fondement du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de porter une appréciation qui prenne en compte l'ensemble de ces aspects, parmi lesquels figurent les atteintes que le projet est susceptible de porter aux espèces protégées, compte tenu, notamment, des mesures d'évitement, réduction et compensation proposées par le pétitionnaire, et de l'état de conservation des espèces concernées.

16. En premier lieu, le paquet " énergie-climat " adopté par l'Union européenne en décembre 2008 s'est traduit pour la France par l'adoption de l'objectif, fixé par la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement puis par l'article L. 100-4 du code de l'énergie, visant à porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020. Il résulte de l'instruction que le parc éolien en litige, d'une puissance de quinze mégawatts, représentant 7% de l'objectif de l'éolien de la zone ZEOL 07 " Monts de Lacaune aveyronnais " du schéma régional éolien, permettra de contribuer à répondre aux besoins définis dans la programmation pluriannuelle de l'énergie et à atteindre les objectifs des politiques en matière d'énergies renouvelables tant au niveau régional que national. Ainsi, le projet en litige répond, nonobstant son caractère privé, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

17. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la société porteuse du projet en litige a étudié plusieurs implantations possibles pour le parc éolien dans le département de l'Aveyron avant de retenir comme emplacement du projet à l'extrémité sud du Massif central dans l'entité paysagère des monts de Lacaune, dans le département de l'Aveyron, qui présente une moindre sensibilité sur le plan paysager, sur celui de l'habitat naturel et de l'avifaune, et comme variante celle constituée d'une seul ligne de cinq éoliennes utilisant la crête du massif " en ligne droite incurvée " dans le prolongement du parc existant. Ainsi qu'il a été exposé au point 9 du présent arrêt, il résulte également de l'instruction que le choix de la variante A procède du souci d'éviter les principales zones d'habitats naturels sensibles, les principales zones de chasse des chauves-souris situées au sud et de limiter l'élargissement ou la création de pistes d'accès en réduisant l'emprise spatiale du projet. Par suite, et alors qu'il n'est pas démontré qu'une solution alternative aurait été ignorée, le moyen tiré de ce que la société pétitionnaire n'a pas étudié l'existence d'une solution alternative satisfaisante doit être écarté.

18. En troisième et dernier lieu, la dérogation en litige porte sur 40 espèces d'oiseaux, 21 espèces de chiroptères et 2 espèces de reptiles, soit un cortège de 63 espèces protégées. Il résulte de l'instruction que l'étude d'impact du projet autorisé conclut à un impact " non significatif " sur l'avifaune ne présentant pas d'enjeu particulier et à un impact résiduel " non significatif " sur l'avifaune présentant un enjeu dont l'aigle royal, le busard cendré, le circaète Jean-le-Blanc et le faucon crécerelle et enfin à un impact résiduel " non significatif " sur les chiroptères présents sur le site et à proximité. En se bornant à des allégations générales quant à l'état de conservation défavorable de certaines espèces, les associations requérantes ne critiquent pas utilement la dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées contenue dans l'autorisation en litige. De même, alors qu'a été étudié l'effet barrière pour les déplacements, le risque de collision sur les pales en rotation et la perte de surface de certains habitats pour toute l'avifaune ainsi qu'il a été exposé au point 10, compte tenu des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées par le pétitionnaire, le risque d'atteinte à l'avifaune et aux chiroptères est faible. Enfin, si les associations requérantes soutiennent que les mesures d'évitement, de réduction et de compensation ne permettent pas de garantir le maintien du vautour fauve dans un bon état de conservation, faute d'être mentionné dans l'arrêté en litige et en l'absence de recherche sur site et d'études des impacts, il ne résulte pas de l'instruction, notamment de l'étude d'impact, qu'il ait été observé une présence du vautour fauve dans l'aire d'étude, dans les périodes prospectées non plus qu'une perte d'habitat sur cette espèce. Au demeurant, dans son mémoire, le ministre défendeur indique que la mention à trois reprises dans l'arrêté en litige de cette espèce protégée résulte d'une erreur matérielle. Ainsi, au vu de l'état de conservation des espèces concernées par la dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées contenue dans l'autorisation en litige, le moyen tiré de ce que cette dernière nuirait au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle doit être écarté.

19. Il résulte de ce qui précède que, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense par la société pétitionnaire, les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aveyron du 24 mars 2021.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que les associations requérantes demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chaque association requérante la somme de 500 euros à verser à la société Parc Eolien de Prinquiès sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association protégeons nos espaces pour l'avenir agissant pour le compte du collectif CO-27-XII environnement et des autres associations requérantes est rejetée.

Article 2 : L'association protégeons nos espaces pour l'avenir agissant pour le compte du collectif CO-27-XII environnement, l'association patrimoine environnement territoire du Pays belmontais, la fédération des grands-causses, l'association de préservation du patrimoine culturel et naturel des monts de Lacaune et du Rougier de Camares et l'association SOS Busards verseront chacune la somme de 500 euros à la société Parc Eolien de Prinquiès au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association protégeons nos espaces pour l'avenir agissant pour le compte du collectif CO-27-XII environnement, première dénommée pour l'ensemble des associations requérantes, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Parc Eolien de Prinquiès

Copie en sera adressée au préfet de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024.

Le président assesseur,

X. Haïli

Le président,

D. Chabert La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21TL23819


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL23819
Date de la décision : 18/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Xavier HAÏLI
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : LPA CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-18;21tl23819 ?
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