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09/11/2023 | FRANCE | N°21TL24253

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 09 novembre 2023, 21TL24253


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 16 mai 2019 par lequel le maire Bruguières a délivré à la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) MSO Matériaux du Sud-Ouest un permis de construire une centrale à béton sur un terrain situé impasse de Toulouse, ainsi que la décision implicite du 16 septembre 2019 par laquelle il a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1906478 du 24 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse

a annulé l'arrêté du maire de Bruguière et la décision implicite de rejet du recours ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 16 mai 2019 par lequel le maire Bruguières a délivré à la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) MSO Matériaux du Sud-Ouest un permis de construire une centrale à béton sur un terrain situé impasse de Toulouse, ainsi que la décision implicite du 16 septembre 2019 par laquelle il a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1906478 du 24 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du maire de Bruguière et la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. C....

Procédures devant la cour :

I - Par une requête enregistrée le 19 novembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 21BX04253, et ensuite au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL24253, et par des mémoires en réplique enregistrés les 17 mai 2023 et 14 juin 2023, la commune de Bruguières, représentée par la SCP Bouyssou et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté devant le tribunal en raison de l'absence de communication du mémoire déposé par M. C... le 10 septembre 2020 en méconnaissance de l'article L. 5 du code de justice administrative ;

- le dossier de demande de permis de construire comportait les pièces prévues à l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme concernant le raccordement du projet au réseau d'évacuation des eaux usées, permettant ainsi aux services instructeurs de s'assurer du respect des dispositions de l'article UE4 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le projet ne présente aucun risque pour la sécurité et la salubrité publiques au sens des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- en ne justifiant pas en quoi le permis assorti de prescriptions spéciales ne pouvait être délivré, le tribunal a commis une erreur de droit ;

- en retenant la méconnaissance des dispositions de l'article UE2 du règlement du plan local d'urbanisme et l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme alors qu'aucune pièce n'était de nature à démontrer un risque de nuisances, les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier ;

- le projet n'entraîne aucune nuisance incompatible avec l'affectation des parcelles voisines au sens des dispositions de l'article UE2 du plan local d'urbanisme ;

- en ne prenant pas en considération la destination industrielle de la zone et la circonstance que la maison de M. C... n'est pas conforme à la règlementation d'urbanisme pour apprécier le risque de nuisance, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit ;

- par ailleurs, au titre de l'effet dévolutif de l'appel, la demande de M. C... est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir et ses autres moyens invoqués devant les premiers juges ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 mars 2022, 22 juillet 2022 et 26 mai 2023, M. C..., représenté par Me F..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de prononcer la jonction des instances n° 21TL24318 et n° 21TL24253 ;

2°) de rejeter la requête d'appel de la commune de Bruguières ;

3°) d'enjoindre à la commune de Bruguières de faire cesser l'illégalité de la situation suite à l'annulation du permis de construire dans un délai d'un mois et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Bruguières la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucun des moyens soulevés par la commune de Bruguière n'est fondé ;

- il est recevable à demander l'annulation du permis de construire en litige ;

- le permis a été délivré en méconnaissance de l'article UE2.2.1. alinéa 1 du règlement du plan local d'urbanisme en raison du non-respect par le projet du plan de prévention des risques inondation ;

- les dispositions de l'article UE3 du même règlement sont méconnues en ce qui concerne les conditions d'accès des services de lutte contre l'incendie et de secours.

Par un mémoire enregistré le 8 avril 2022, la société MSO Matériaux du Sud-Ouest, représentée par M. B..., demande à la cour :

1°) de débouter M. C... de l'intégralité de ses demandes ;

2°) de déclarer la demande de M. C... irrecevable et de constater la légalité du permis de construire délivré par le maire de Bruguières ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

4°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de M. C... est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir ;

- la demande de permis de construire comportait un dossier loi sur l'eau complet permettant au service instructeur de contrôler le respect par le projet des dispositions de l'article UE4 du plan local d'urbanisme relatives au traitement des eaux usées et des eaux pluviales ;

- le projet n'est source d'aucune nuisance dès lors que ses caractéristiques sont de nature à réduire les émissions de poussière et de bruit et que les camions ne passent pas devant la maison de M. C... ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en appréciant les effets dommageables du projet par rapport à la maison de M. C... et non pas au regard de l'affectation des parcelles voisines ;

- les arguments de M. C... fondés sur la méconnaissance des articles UE2.2.1 alinéa 1 et UE3 du règlement du plan local d'urbanisme sont irrecevables.

II - Par une requête enregistrée le 25 novembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 21BX04318, et ensuite au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL24318, et par deux mémoires en réplique enregistrés les 8 avril 2022 et 27 avril 2023, la société MSO Matériaux du Sud-Ouest, représentée par M. B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 septembre 2021 ;

2°) de constater l'irrecevabilité de la demande de M. C... tendant à l'annulation du permis de construire ;

3°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de de Toulouse ;

4°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

5°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de M. C... est irrecevable en raison de l'absence d'intérêt à agir au regard de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

- le dossier de demande de permis de construire était complet conformément à l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il indiquait que les eaux usées issues de l'exploitation de la centrale à béton seront conservées sur le site dans un circuit fermé et que le process de la centrale exclut tout raccordement au réseau collectif d'assainissement ;

- le projet ne présente aucun risque pour la sécurité et la salubrité publiques au sens des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que ses caractéristiques sont de nature à réduire les émissions de poussière et de bruit, et que les camions ne passent pas devant la maison de M. C... ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le projet était de nature à générer des nuisances incompatibles avec l'affectation des parcelles voisines au sens des dispositions de l'article UE2 du plan local d'urbanisme, alors même que la zone a vocation à accueillir des activités industrielles ;

- à titre subsidiaire, il appartiendra à la cour de faire application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme afin de permettre la régularisation du permis de construire en litige ;

- en outre, les autres moyens dirigés contre le permis de construire en litige développés par l'intimé, lequel n'a pas fait appel, sont irrecevables ;

- il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté les autres chefs de la demande de première instance.

Par des mémoires en défense enregistrés les 3 mars 2022, 22 juillet 2022, 16 mai 2023 et 26 mai 2023, M. A... C..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) de prononcer la jonction des instances n° 21TL24318 et n° 21TL24253 ;

2°) de rejeter la requête d'appel de la société MSO Matériaux du Sud-Ouest ;

3°) de mettre à la charge de la société MSO Matériaux du Sud-Ouest la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société MSO Matériaux du Sud-Ouest ne sont pas fondés ;

- il est recevable à demander l'annulation du permis de construire en litige ;

- le permis a été délivré en méconnaissance de l'article UE2.2.1. alinéa 1 du règlement du plan local d'urbanisme en raison du non-respect par le projet du plan de prévention des risques inondation ;

- les dispositions de l'article UE3 du même règlement sont méconnues en ce qui concerne les conditions d'accès des services de lutte contre l'incendie et de secours ;

- en outre, les moyens développés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 17 mai 2023 et 14 juin 2023, la commune de Bruguières, représentée par la SCP Bouyssou et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 septembre 2021 ;

2°) de rejeter la requête de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le principe du contradictoire a été méconnu devant le tribunal dès lors que l'ensemble des écritures produites ne lui ont pas été communiquées en méconnaissance de l'article L. 5 du code de justice administrative ;

- le dossier de demande de permis de construire comportait les pièces mentionnées à l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme concernant le raccordement du projet au réseau d'évacuation des eaux usées, permettant ainsi aux services instructeurs de s'assurer du respect des dispositions de l'article UE4 du plan local d'urbanisme ;

- le projet ne présente aucun risque pour la sécurité et la salubrité publiques au sens des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- en ne justifiant pas en quoi le permis assorti de prescriptions spéciales ne pouvait être délivré, le tribunal a commis une erreur de droit ;

- en retenant la méconnaissance des dispositions de l'article UE2 du plan local d'urbanisme et l'erreur manifeste d'appréciation au vu de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme alors qu'aucune pièce n'était de nature à démontrer un risque de nuisances, les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier ;

- le projet n'entraîne aucune nuisance incompatible avec l'affectation des parcelles voisines au sens des dispositions de l'article UE2 du plan local d'urbanisme ;

- en ne prenant pas en considération la destination industrielle de la zone et la circonstance que la maison de M. C... n'est pas conforme à la règlementation d'urbanisme pour apprécier le risque de nuisance, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit ;

- par ailleurs, au titre de l'effet dévolutif de l'appel, la demande de M. C... est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir et ses autres moyens invoqués devant les premiers juges ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabert, président,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Sire, représentant la commune de Bruguières,

- les observations de Me B..., représentant la société Matériaux du Sud-Ouest

- et les observations de Me Buscart, représentant M. C....

Deux notes en délibéré, présentées par M. C..., représenté par M. F..., ont été enregistrées le 18 octobre 2023 dans les instances n° 21TL24253 et n° 21TL24318.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 16 mai 2019, le maire de Bruguières (Haute-Garonne) a délivré à la société par actions simplifiée unipersonnelle MSO Matériaux du Sud-Ouest un permis de construire une centrale à béton sur un terrain situé impasse de Toulouse classé en zone UE par le plan local d'urbanisme de la commune. Par un jugement du 24 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. C..., tendant à l'annulation de ce permis de construire et a mis à la charge de la commune de Bruguières une somme de 1 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la requête enregistrée sous le n° 21TL24253, la commune de Bruguières relève appel de ce jugement et, par la requête enregistrée sous le n° 21TL24318, la société MSO Matériaux du Sud-Ouest forme également appel contre ce jugement. Ces requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les motifs d'annulation retenus par le tribunal :

2. En application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'une autorisation d'urbanisme, de se prononcer sur le bien-fondé des différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation.

3. Le tribunal administratif de Toulouse a annulé le permis de construire en litige en se fondant, d'une part, sur le caractère insuffisant du dossier de demande de permis au regard de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme et de l'article UE4 du règlement du plan local d'urbanisme en ce qui concerne le raccordement de la centrale à béton au réseau public d'évacuation des eaux usées. D'autre part, le tribunal a relevé une erreur manifeste d'appréciation commise par le maire dans l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison des risques que présente le projet pour la salubrité et la santé publiques ainsi qu'une erreur d'appréciation dans l'application de l'article UE2 du règlement du plan local d'urbanisme qui autorise en zone UE les installations classées nécessaires au bon fonctionnement des constructions autorisées à condition qu'elles n'aient pas un effet dommageable sur l'environnement et qu'elles n'entraînent pas de nuisances incompatibles avec l'affectation des parcelles voisines.

S'agissant de l'insuffisance du dossier de demande de permis de construire :

4. Aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse (...) indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. Lorsque le terrain n'est pas directement desservi par une voie ouverte à la circulation publique, le plan de masse indique l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'y accéder. (...) ".

5. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

6. Aux termes de l'article UE4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Bruguières, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté en litige : " 1. Toute construction doit, en matière de réseaux, satisfaire à toute obligation vis-à-vis des gestionnaires de ces réseaux et tous les aménagements doivent être conformes à la législation en vigueur en la matière et au schéma général de desserte par les réseaux ; (...) / 3. Réseau d'assainissement : / Les réseaux d'eaux usées et d'eaux pluviales doivent être réalisés selon un système séparatif. Il est formellement interdit, à quelque niveau que ce soit, de mélanger les eaux usées et les eaux pluviales (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le plan de masse et la note descriptive du projet joints au dossier de demande de permis de construire font état du raccordement des constructions modulaires au réseau d'évacuation des eaux usées situé dans l'impasse de Toulouse. Ces mêmes documents identifient sur le terrain d'assiette l'aménagement de bassins de décantation et indiquent que les eaux des plateformes de production sont gérées de manière individuelle et dirigées vers les bassins de traitement pour être ensuite réinjectées en tant qu'eau " de process ", afin que la centrale à béton ne génère aucun rejet en milieu naturel. Alors même que le service instructeur ne disposait pas des dossiers déposés par la société pétitionnaire au titre de la législation sur l'eau et au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, les indications qui figuraient sur le plan de masse et la notice descriptive relatives aux conditions de traitement des eaux de la plateforme de production permettaient audit service de s'assurer du respect des règles applicable à la gestion des eaux usées, et en particulier des dispositions de l'article UE4 du règlement du plan local d'urbanisme. Dans ces conditions, la commune de Bruguières et la société MSO Matériaux du Sud-Ouest sont fondées à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté en litige, les premiers juges ont accueilli le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande de permis de construire.

S'agissant des risques pour la santé et la sécurité publiques et des nuisances incompatibles avec l'affectation des parcelles voisines :

8. L'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Pour l'application de cette disposition, l'autorité administrative doit tenir compte des caractéristiques intrinsèques de la construction, de la nature de l'activité projetée, des nuisances y compris sonores pouvant être générées et des prescriptions pouvant les réduire susceptibles d'être édictées par ailleurs au titre de la police administrative générale ou spéciale.

9. Aux termes de l'article UE2 du règlement du plan local d'urbanisme de Bruguières : " Les occupations et utilisations du sol suivantes sont autorisées si elles respectent les conditions ci-après : / 2.1. Dans l'ensemble de la zone : / (...) Les installations classées nécessaires au bon fonctionnement des constructions autorisées à condition qu'elle n'aient pas un effet dommageable sur l'environnement et qu'elles n'entrainent pas de nuisances incompatibles avec l'affectation des parcelles voisines (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet en litige, d'une superficie totale de 17 097 m², se situe en bordure de l'impasse de Toulouse dans un secteur de la commune qui accueille majoritairement des activités industrielles et logistiques. Ce projet consiste en la construction d'une centrale à béton prêt à l'emploi composée d'un malaxeur d'une hauteur de 11,88 mètres, de plusieurs silos d'une hauteur de 13,62 mètres et de bassins de traitement des eaux de lavage et " de process ". Il ressort également des pièces du dossier que la maison d'habitation de M. C... se situe en face du projet, de l'autre côté de l'impasse de Toulouse.

11. D'une part, s'agissant des nuisances liées à l'augmentation de la circulation des poids lourds, il ressort des pièces du dossier que l'impasse de Toulouse permet déjà la desserte d'une importante plateforme logistique située en arrière de l'habitation de M. C... et du site d'implantation de la centrale à béton. Il ne ressort en revanche d'aucune des pièces du dossier que la circulation et les manœuvres des poids lourds et des engins de chantier présenteront un risque pour la sécurité des usagers de cette voie ni qu'elles seront de nature à entraîner des nuisances incompatibles avec l'affectation des parcelles voisines dont celle appartenant à M. C.... D'autre part, s'agissant des nuisances sonores, il est vrai que l'activité industrielle prévue sur le site est de nature à générer des bruits de fonctionnement et la société MSO Matériaux du Sud-Ouest a d'ailleurs, postérieurement à l'arrêté en litige, réalisé un mur anti-bruit qui ne figurait pas sur le dossier de permis de construire et mandaté un laboratoire d'analyse afin d'effectuer des mesures de bruit en limite de propriété. Toutefois, alors au demeurant qu'il résulte des mesures réalisées les 28 et 29 octobre 2021 que les mesures de bruit sont conformes aux exigences réglementaires, seules les mesures d'émergence étant déclarées non conformes, il ressort des plans figurant dans le dossier de demande de permis de construire qu'aucun bâtiment ou installation n'est installé à proximité de la propriété de M. C..., les plus proches étant localisés à 30 mètres de la limite séparative. Dans ces conditions, les nuisances sonores induites par l'exploitation de la centrale à béton n'apparaissent pas de nature à créer un risque pour la santé publique ni comme étant incompatibles avec l'affectation des parcelles voisines. Ensuite, s'agissant des poussières, il ressort des pièces du dossier que pour limiter les émissions de poussières résultant du fonctionnement de la centrale à béton, les silos sont prévus pour être équipés de filtres dépoussiéreurs et aucun bâtiment n'est, ainsi qu'il vient d'être exposé, situé à proximité immédiate de la propriété de M. C.... Les photographies versées au débat par M. C... montrant des traces de poussières sur des véhicules ou des appuis de fenêtres de son habitation ne permettent pas de caractériser un risque pour la santé publique ni l'existence de nuisances incompatibles avec l'affectation des parcelles voisines. Enfin, si l'intimé soutient que le stockage de produits dangereux sur le site risque d'engendrer une pollution des eaux, il n'apporte aucune précision permettant d'établir la nature de ces pollutions, alors d'ailleurs que le projet prévoit justement une conservation des eaux exploitées dans un circuit fermé sans rejet en milieu naturel. Il résulte de ce qui précède que le projet autorisé ne peut être regardé comme entraînant des nuisances incompatibles avec l'affectation les parcelles voisines en méconnaissance de l'article UE2 du règlement du plan local d'urbanisme. Pour les mêmes motifs, en délivrant le permis de construire à la société MSO Matériaux du Sud-Ouest, le maire de Bruguière n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur ces motifs pour annuler l'arrêté du 16 mai 2019 du maire de Bruguières.

13. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... en première instance et en appel au soutien de sa demande d'annulation de l'arrêté par lequel le maire de Bruguières a délivré un permis de construire une centrale à béton à la société MSO Matériaux du Sud-Ouest.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés à l'encontre du permis en litige :

14. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme (...) ".

15. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de délivrance du permis de construire en litige, le territoire de la commune de Bruguières était couvert par le plan local d'urbanisme intercommunal approuvé le 11 avril 2019. Ce permis de construire a été signé par M. D... E..., maire de Bruguières, lequel était compétent alors qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cette compétence aurait été transférée à l'établissement public de coopération intercommunale dont est membre la commune de Bruguières. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

16. En deuxième lieu, aux termes de l'article UE2.2.1 du règlement du plan local d'urbanisme de Bruguières : " " Les occupations et utilisations du sol suivantes sont autorisées si elles respectent les conditions ci-après : / 2.1. Dans l'ensemble de la zone / Les constructions et installations si elles respectent : / - La réglementation du Plan de Prévention des Risques " Sécheresse " ; / - La réglementation du Plan de Prévention des Risques " Inondation ", pour les secteurs concernés ; / - Les dispositions liées à l'application de l'Arrêté Préfectoral de classement sonore des Infrastructures de Transports Terrestres de la Haute Garonne, pour les secteurs concernés ".

17. M. C... soutient que les parcelles formant le terrain d'assiette du projet sont partiellement classées en zone UE, A et N par le plan local d'urbanisme de Bruguières et que la partie en zones agricole et naturelle de ces parcelles est identifiée par la cartographie des aléas du plan de prévention des risques d'inondation de l'Hers-Mort Aval en zone d'aléa faible à moyen et en zone de crue historique. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que toutes les constructions projetées s'implanteront sur la partie du terrain classée en zone UE, à l'extérieur des zones d'aléa et de crue historique identifiées par le plan de prévention des risques d'inondation de l'Hers-Mort Aval. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l'article UE2.2.1 du règlement du plan local d'urbanisme de Bruguières doit être écarté.

18. En troisième lieu, aux termes de l'article UE3 du règlement du plan local d'urbanisme : " Les caractéristiques de ces accès* et voiries doivent répondre aux normes minimales en vigueur concernant l'approche des moyens de défense contre l'incendie et de protection civile, le brancardage, la circulation des handicapés moteurs. / Un projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions* ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. / Il peut également être refusé, ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales, si les accès* présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès*. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès*, de leur configuration ainsi que de l'intensité du trafic ".

19. Il ressort des pièces du dossier que l'impasse de Toulouse desservant le terrain d'assiette de la centrale à béton projetée est une voie structurante du secteur d'activités en cause présentant une largeur d'environ 8 mètres à double sens et rectiligne. Si M. C... soutient que l'intensification du trafic routier liée au fonctionnement de la centrale à béton est de nature à créer un risque pour la sécurité publique en raison de l'absence d'aménagement spécifique pour les piétons et les cyclistes, il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment du plan de masse et des photographies, que cette voie publique, compte tenu de ses dimensions rappelées ci-dessus, offre une bonne visibilité au niveau de l'accès au terrain d'assiette du projet en litige, lequel présente une entrée et une sortie distinctes de cinq mètres de large. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UE3 du règlement du plan local d'urbanisme de Bruguières doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de M. C... ni sur le moyen relatif à la régularité du jugement, que la commune de Bruguières et la société MSO Matériaux du Sud-Ouest sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 16 mai 2019.

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par l'intimé :

21. M. C... demande à la cour qu'il soit enjoint au maire de faire cesser l'illégalité de la situation de la société MSO Matériaux du Sud-Ouest dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Toutefois, de telles conclusions ne peuvent, en tout état de cause et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, qu'être rejetées compte tenu des motifs du présent arrêt qui annule le jugement rendu par le tribunal administratif de Toulouse et rejette la demande présentée par l'intéressé tendant à l'annulation du permis de construire en litige.

Sur les frais liés aux litiges :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bruguières et de la société MSO Matériaux du Sud Ouest, qui ne sont pas, dans les présentes instances, les parties perdantes, les sommes que demande M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. C... les sommes que demandent les parties appelantes sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1906478 du tribunal administratif de Toulouse du 24 septembre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande de M. C... devant le tribunal administratif de Toulouse et les conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : les conclusions présentées par la commune de Bruguières et par la société MSO Matériaux du Sud-Ouest sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bruguières, à la société par actions simplifiée unipersonnelle MSO Matériaux du Sud-Ouest et à M. A... C....

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

Le président-rapporteur,

D. Chabert

Le président- assesseur,

X. Haïli

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 21TL24253, 21TL24318

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL24253
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Denis CHABERT
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU et ASSOCIES;SCP BOUYSSOU ET ASSOCIES;SCP BOUYSSOU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-11-09;21tl24253 ?
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