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09/11/2023 | FRANCE | N°21TL23413

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 09 novembre 2023, 21TL23413


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La Braisière a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2012 et des pénalités correspondantes, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et des pénalités correspondantes, ainsi que de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article

1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1900733 du 22 juin 2021, le tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La Braisière a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2012 et des pénalités correspondantes, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et des pénalités correspondantes, ainsi que de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1900733 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge de l'amende mise à la charge de la société La Braisière sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 août 2021, sous le n° 21BX03413 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 21TL23413 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société La Braisière, représentée par Me Richard, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2012, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que le contrôle n'a pas, en méconnaissance de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, porté sur l'ensemble des informations et données comptables ;

- la vérificatrice n'a pas dressé de procès-verbal pour défaut de présentation des données contenues dans la mémoire des caisses enregistreuses ;

- le rejet de sa comptabilité n'est pas justifié dès lors que l'administration n'établit ni l'absence de données immatérielles concernant le détail et la consistance de ses recettes, qui étaient contenues dans la mémoire de ses caisses enregistreuses, ni que les soldes mentionnés sur ses feuilles de caisse ne correspondent pas à la réalité alors même que le service vérificateur avait la faculté de procéder à un contrôle inopiné du montant des espèces en caisse et que son compte atteste d'un solde positif ;

- la méthode de reconstitution de ses recettes est radicalement viciée dans son principe dès lors que le service vérificateur, d'une part, a omis de déduire des achats de vins revendus ceux servis dans les menus de groupe, de sorte qu'ils ont généré des recettes de liquides excessives et, d'autre part, a calculé le montant des achats revendus de vins en prenant en compte des stocks de vins qui ne résultent pas d'un inventaire physique ;

- le service vérificateur a déterminé les recettes tirées de la vente de vin au verre en se basant sur une " centilisation " erronée de 12 centilitres par verre ;

- la méthode prenant en compte pour la détermination des recettes issues de la vente de vin, les achats facturés, sans variation des stocks, dont sont retranchés les achats de vin servis lors des repas de groupe, une dose de 15 centilitres pour le vin servi au verre, un pourcentage de perte de 3 % et un pourcentage d'offerts de 5 % est plus adaptée ;

- s'agissant de la détermination des charges, l'administration n'établit pas le montant des achats omis qu'elle a accepté de prendre en compte en tant que charges déductibles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société La Braisière ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 22 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Restino,

- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société La Braisière, qui exploite un restaurant et un bar à tapas à Toulouse (Haute-Garonne), relève appel du jugement du 22 juin 2021 du tribunal administratif de Toulouse en tant que, par son article 3, il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les société auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) ", aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements " et aux termes du I de l'article L. 47 A du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable peut satisfaire à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L'administration restitue au contribuable, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis et n'en conserve aucun double ". Il résulte de ces dispositions combinées que doivent être regardés comme des systèmes informatisés de tenue de comptabilité, dont les données sont soumises au contrôle qu'elles prévoient, les progiciels de comptabilité sur lesquels sont reportées les recettes journalières ainsi que les caisses ou équipements de nature comparable dotés de logiciels informatiques participant, même indirectement, à la centralisation des recettes journalières dès lors qu'ils concourent effectivement à l'établissement de la comptabilité.

3. Il est constant que la comptabilité des recettes de la société requérante était tenue, au cours de la période vérifiée, au moyen de systèmes informatisés, ces recettes étant enregistrées sur des caisses dotées de logiciels informatiques. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 15 avril 2014, que le service vérificateur a exploité, pour les besoins du contrôle, les éléments qui lui ont été remis par le gérant de la société requérante, à savoir les copies de fichiers des écritures comptables sous forme dématérialisée regroupant, dans trois CD-ROM, l'ensemble des enregistrements informatiques constituant les écritures comptables de la société. La société requérante, qui ne conteste pas que le vérificateur a utilisé la totalité des informations qu'elle lui a remises, ne saurait reprocher à ce dernier de ne pas avoir pris en compte des informations qu'elle ne lui a pas remises, à savoir des données qui auraient été contenues dans la mémoire des caisses enregistreuses qu'elle avait utilisées au cours de la période contrôlée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L.13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 13 A du livre des procédures fiscales : " Le défaut de présentation de la comptabilité est constaté par procès-verbal que le contribuable est invité à contresigner. Mention est faite de son refus éventuel ". L'établissement d'un procès-verbal en application de ces dispositions ne constitue pour le vérificateur qu'une simple faculté, destinée à lui faciliter l'administration de la preuve.

5. Aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au service vérificateur de constater, dans un procès-verbal, le défaut de présentation des données qui auraient, selon la société requérante, été contenues dans la mémoire des caisses enregistreuses. Le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant du rejet de la comptabilité :

6. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ". Il résulte de ces dispositions que la charge de la preuve des graves irrégularités entachant la comptabilité de l'entreprise incombe à l'administration fiscale.

7. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification susmentionnée, que, pour écarter comme non sincère et non probante la comptabilité de la société requérante des exercices clos en septembre 2011 et septembre 2012, le service vérificateur s'est fondé sur plusieurs manquements et irrégularités, notamment l'absence de tickets Z quotidiens et même de certains tickets Z mensuels, l'absence d'inventaire physique des liquides et des solides sur la période vérifiée, l'absence de numérotation continue des notes clients, ainsi que la tenue de feuilles de caisse mensuelles au format Excel. Le service a en outre constaté l'enregistrement d'offerts soit négatifs soit très élevés sur toute la période vérifiée. Ces éléments caractérisent, à eux-seuls, l'existence de graves irrégularités entachant la comptabilité de la société requérante, qui n'est pas en mesure de justifier de ses recettes journalières. Si la société requérante soutient que les informations requises étaient contenues dans la mémoire des caisses enregistreuses qu'elle avait utilisées au cours de la période contrôlée, il lui appartenait de produire ces informations si elle l'estimait utile. Par ailleurs, la tenue des feuilles de caisse sur un logiciel informatique de type Excel ne permet pas, compte tenu de l'absence d'édition des tickets Z quotidiens et d'une numérotation continue des notes clients, de s'assurer de la sincérité de la comptabilité. Par suite, l'administration rapporte la preuve du caractère non sincère et non probant de la comptabilité présentée. Par conséquent, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le service n'était pas en droit de reconstituer ses recettes après avoir rejeté sa comptabilité.

S'agissant de la reconstitution des recettes :

8. Lors de sa séance du 29 mars 2016, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis un avis favorable au rejet de la comptabilité des exercices vérifiés, puis a invité les parties à se rapprocher " afin de tenir compte de la centilisation des volumes de vins revendus, des offerts enregistrés en caisse et des quantités de marchandises ressortant des bons de livraison ". Il suit de là qu'en l'absence d'un avis entérinant expressément les bases d'imposition notifiées par le service, la charge de la preuve de l'insuffisance des bases d'imposition déclarées incombe à l'administration fiscale.

9. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'activité de la société requérante, le service vérificateur a recouru à la méthode dite " des vins ". Le nombre de bouteilles consommées par type de vin a été évalué par un dépouillement de tous les achats de vins sur la période concernée, la variation des stocks existants en début et fin d'exercice et le dépouillement pour le restaurant et le bar à tapas des consommations enregistrées sur les feuilles Z mensuelles. Le service a ensuite appliqué des correctifs, en tenant compte des achats omis, des offerts et appliquant une décote forfaitaire de 2 % pour perte, coulage et vin bouchonné. L'administration a alors déterminé le chiffre d'affaires par catégorie de vins en appliquant aux achats revendus les tarifs de consommation fournis par la société requérante. Enfin, elle a reconstitué le chiffre d'affaires du restaurant et du bar à tapas après avoir évalué un pourcentage des vins, champagne et apéritifs dans les consommations totales, fixé, pour le restaurant, à 20,35 % au titre de l'exercice clos en 2011 et 19,32 % au titre de l'exercice clos en 2012 et, pour le bar à tapas, à 37,67 % au titre de l'exercice clos en 2011 et 36,09 % au titre de l'exercice clos en 2012.

10. En premier lieu, il résulte de l'instruction, sans que cela soit contesté, que le restaurant et le bar à tapas exploités par la société requérante ne proposaient pas de menus " vin compris ". Si la société requérante se plaint de l'absence de prise en compte des vins consommés dans le cadre des menus " groupe ", elle ne justifie pas de l'existence de ces consommations par la seule production d'un tableau chiffré établi pour les besoins de la cause et qui n'est étayé par aucun justificatif. En tout état de cause, le ministre fait valoir, sans être contredit, qu'afin de ne pas léser la société requérante, le chiffre d'affaires correspondant à la vente de menus " groupe " n'a pas été inclus dans la reconstitution de recettes. Par conséquent, la société requérante ne peut se prévaloir de l'absence de prise en compte des menus " vin compris " dans la reconstitution de ses recettes. Le moyen doit être écarté.

11. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification, qu'en l'absence d'inventaire exploitable, les stocks de début et de fin d'exercice ont été déterminés contradictoirement à partir des factures produites par le gérant de la société requérante. Celle-ci soutient que, faute d'inventaire, le service vérificateur ne pouvait reconstituer ses recettes des exercices clos en 2011 et 2012 de manière extra-comptable, en déterminant les stocks à partir des factures d'achat et des ventes comptabilisées. Toutefois, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration n'était pas tenue de pallier ses propres manquements en matière d'établissement des stocks en réalisant un inventaire à l'occasion des opérations de contrôle qui, au demeurant, se sont déroulées en 2013 postérieurement aux exercices vérifiés. En outre, l'administration a pris en compte les éléments comptables, produits pour la première fois par la société requérante lors du recours hiérarchique, pour déterminer les stocks des produits listés dans ces documents. Ainsi, dès lors que l'administration a pris en compte les éléments correspondant au stock initial et final communiqués par la société requérante, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la reconstitution de ses recettes aurait été opérée sur la base d'un chiffrage des stocks non fiable. Le moyen doit être écarté.

12. En troisième lieu, la société soutient que l'administration a retenu à tort une dose de 12 centilitres pour le vin servi au verre dans ses deux établissements. Toutefois, il résulte de l'instruction, sans que cela soit contesté, que le service vérificateur s'est basé sur la réponse du gérant de la société requérante apportée le 20 janvier 2014 à la question portant sur la dose de vin servi au verre. En outre, cette donnée est corroborée par le menu du restaurant, qui mentionne une dose de 12 centilitres. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les recettes tirées de la vente de verre au vin auraient dû être calculées sur la base d'une dose de 15 centilitres. Le moyen doit être écarté.

13. En dernier lieu, la société requérante oppose au service une méthode alternative de reconstitution de son chiffre d'affaires, prenant en compte pour la détermination des recettes issues de la vente de vin : les achats facturés, sans variation des stocks, dont sont retranchés les achats de vin servis lors des repas de groupe ; une dose de 15 centilitres pour le vin servi au verre ; un pourcentage de perte de 3 % ; un pourcentage d'offerts de 5 %. Toutefois, d'une part, ainsi qu'il a été exposé au point 10, le chiffre d'affaires correspondant à la vente de menus " groupe " n'a pas été inclus dans la reconstitution de recettes. D'autre part, comme exposé au point 12, l'administration a retenu à bon droit une dose de 12 centilitres pour le vin servi au verre. Par ailleurs, aucun élément ne permet de retenir un taux de perte supérieur à 2 %, correspondant à la moyenne évaluée dans les restaurants et bars. Enfin, il résulte de l'instruction que le volume des offerts a été déterminé par l'administration produit par produit, sur la base des informations communiquées par la société requérante dans sa comptabilité matière et que, s'agissant des produits pour lesquels cette comptabilité ne faisait pas état d'offerts, l'administration a néanmoins admis les éléments figurant dans les feuilles Z mensuelles. Dans ces conditions, la méthode dont se prévaut la société requérante, qui s'appuie sur des hypothèses non justifiées, n'est pas susceptible de conduire à une évaluation de ses recettes plus précise que celle résultant des méthodes utilisées par le service.

14. Dans ces conditions, l'administration, qui a suffisamment pris en considération les conditions réelles d'exploitation, doit être regardée comme apportant la preuve du bien-fondé de la reconstitution des recettes de l'activité exploitée par la société La Braisière.

S'agissant des charges déductibles :

15. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient (...) ". L'article 39 du même code dispose que : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) ".

16. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

17. La société requérante soutient que l'administration n'établit pas le montant des achats omis qu'elle a accepté de prendre en compte en tant que charges déductibles dès lors, d'une part, que faute d'inventaire les stocks ont été reconstitués de manière extracomptable et, d'autre part, que les données contenues dans la mémoire des caisses enregistreuses qu'elle avait utilisées au cours de la période contrôlée n'ont pas été exploitées. Toutefois, ce faisant, la société requérante ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'insuffisance du montant de charges prises en compte par le service vérificateur. Le moyen doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la société La Braisière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions aux fins de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les société auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société La Braisière est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Braisière et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

La rapporteure,

V. RestinoLe président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL23413
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Établissement de l'impôt - Bénéfice réel - Redressements.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : CABINET DOMINIQUE RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-11-09;21tl23413 ?
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