Vu les procédures suivantes :
Par un arrêt avant-dire-droit du 8 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Toulouse, statuant sur les requêtes nos 20TL01677 et 20TL01714 présentées respectivement par la commune de Lourmarin et par M. B... D... contre le jugement n° 1803446 du 25 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé le permis de construire accordé le 3 septembre 2018 par le maire de Lourmarin à M. D..., a sursis à statuer pendant une période de trois mois, sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans l'attente de l'intervention d'une mesure de régularisation susceptible de remédier aux illégalités affectant ce permis de construire tirées de la méconnaissance des articles A 1, A 2, A 7 et A 9 du règlement du plan local d'urbanisme de ladite commune.
I - Dans l'instance enregistrée sous le n° 20TL01677, la commune de Lourmarin, représentée par Me Légier, a produit, le 14 mars 2023, le dossier de demande de permis de construire modificatif déposé par M. D... le 3 mars 2023, puis, le 30 mai 2023, l'arrêté du 22 mai 2023 par lequel le maire de Lourmarin lui a accordé ce permis modificatif.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 juin 2023, le 11 août 2023 et le 28 septembre 2023, Mme F... C..., représentée par Me Ibanez, conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) au rejet de la requête de la commune de Lourmarin ;
2°) à l'annulation du permis de construire modificatif du 22 mai 2023 ;
3°) à ce que soit mise à la charge de la commune de Lourmarin et de M. D... une somme de 3 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 22 mai 2023 a été signé par une autorité incompétente ;
- le permis de construire modificatif ne permet pas de régulariser l'illégalité entachant le permis initial au regard de l'article A 9 du règlement du plan local d'urbanisme compte tenu de l'emprise au sol totale de l'extension envisagée ;
- le permis modificatif méconnaît en outre les dispositions de l'article A 2 du même règlement s'agissant de l'implantation de l'auvent.
Par des mémoires, enregistrés le 17 juillet 2023 et le 20 septembre 2023, la commune de Lourmarin, représentée par Me Légier, conclut :
1°) à l'annulation du jugement du 25 février 2020 ;
2°) au rejet de la demande de Mme C... ainsi que de ses conclusions tendant à l'annulation du permis de construire modificatif du 22 mai 2023 ;
3°) à ce que soit mise à la charge de Mme C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le signataire de l'arrêté du 22 mai 2023 était compétent à cet effet ;
- le permis modificatif permet de régulariser les illégalités retenues par la cour dans son arrêt avant-dire-droit du 8 décembre 2022 au regard des articles A 1, A 2, A 7 et A 9 du règlement du plan local d'urbanisme.
II - Dans l'instance enregistrée sous le n° 20TL01714, M. B... D..., représenté par Me Humbert-Simeone, a produit, le 9 mars 2023, le dossier de demande de permis de construire modificatif déposé par M. D... le 3 mars 2023, puis, le 2 juin 2023, l'arrêté du 22 mai 2023 par lequel le maire de Lourmarin lui a accordé ce permis modificatif.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 juin 2023, le 11 août 2023 et le 28 septembre 2023, Mme F... C..., représentée par Me Ibanez, conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) au rejet de la requête de M. D... ;
2°) à l'annulation du permis de construire modificatif du 22 mai 2023 ;
3°) à ce que soit mise à la charge de la commune de Lourmarin et de M. D... une somme de 3 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 22 mai 2023 a été signé par une autorité incompétente ;
- le permis de construire modificatif ne permet pas de régulariser l'illégalité entachant le permis initial au regard de l'article A 9 du règlement du plan local d'urbanisme compte tenu de l'emprise au sol totale de l'extension envisagée ;
- le permis modificatif méconnaît en outre les dispositions de l'article A 2 du même règlement s'agissant de l'implantation de l'auvent.
Par des mémoires, enregistrés le 15 juillet 2023 et les 19 et 22 septembre 2023, M. B... D..., représentée par Me Humbert-Simeone, conclut :
1°) à l'annulation du jugement du 25 février 2020 ;
2°) au rejet de la demande de Mme C... ainsi que de ses conclusions tendant à l'annulation du permis de construire modificatif du 22 mai 2023 ;
3°) à ce que soit mise à la charge de Mme C... une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le signataire de l'arrêté du 22 mai 2023 était compétent à cet effet ;
- le permis modificatif permet de régulariser les illégalités retenues par la cour dans son arrêt avant-dire-droit du 8 décembre 2022 au regard des articles A 1, A 2, A 7 et A 9 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- la cour pourrait faire usage des pouvoirs qu'elle tient de l'article R. 741-2 du code de justice administrative compte tenu du caractère abusif de l'action de Mme C....
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Légier, représentant la commune de Lourmarin,
- les observations de Me Humbert-Simeone, représentant M. D...,
- et les observations de Me Ranson, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a présenté, le 3 mars 2023, auprès des services de la commune de Loumarin, une demande de permis de construire modificatif visant à régulariser les illégalités relevées par la cour dans son arrêt avant-dire-droit du 8 décembre 2022 prononçant un sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Par un arrêté du 22 mai 2023, le maire de Lourmarin lui a délivré ce permis modificatif. Dans le dernier état de ses écritures, Mme C... demande également l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2023.
2. L'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et à des membres du conseil municipal. ". Aux termes de l'article L. 2131-1 du même code : " I. - Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'ils ont été portés à la connaissance des intéressés dans les conditions prévues au présent article et, pour les actes mentionnés à l'article L. 2131-2, qu'il a été procédé à la transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement prévue par cet article. / Le maire peut, sous sa responsabilité, certifier le caractère exécutoire d'un acte. / (...) / IV. - Dans les communes de moins de 3 500 habitants, les actes réglementaires et les décisions ni réglementaires, ni individuelles sont rendus publics : / 1° Soit par affichage ; / (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 20 juillet 2020, le maire de Lourmarin a consenti une délégation de fonctions et de signature à M. A... E..., adjoint au maire, portant, en particulier, sur les autorisations d'urbanisme et de travaux. Les mentions portées sur cet arrêté font état de sa transmission aux services de la préfecture de Vaucluse le jour même et le maire a établi le 13 juillet 2023 un certificat attestant de son affichage en mairie pendant la durée règlementaire. Par suite, M. E... était compétent pour signer l'arrêté du 22 mai 2023 et le moyen soulevé par Mme C... en ce sens ne peut qu'être écarté.
4. L'article A 1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Lourmarin, applicable dans la zone A au sein de laquelle se situe le terrain d'assiette du projet, dispose que : " Occupations et utilisations du sol interdites : / Dans l'ensemble de la zone A, toutes les occupations et utilisations du sol non autorisées à l'article A 2 sont interdites (...). ". Selon l'article A 2 du même règlement : " Occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières : / Seuls sont autorisés dans la zone A : / 1 - Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole (...). / 2 - L'extension des constructions à usage d'habitation, sans création de nouveaux logements, dont la surface de plancher est supérieure ou égale à 70 m2. L'extension ne pourra porter la taille du logement à plus (de) 250 m2 de surface de plancher, sauf si elle est réalisée dans l'enveloppe de bâtiments existants. / 3 - Les annexes (garages, abris de jardin, pool house, etc.) des constructions à usage d'habitation : / - Dans le cas des piscines, celles-ci ne pourront avoir une superficie supérieure à 80 m2. / - Pour les autres annexes, elles devront être en contiguïté de la construction principale à la date d'approbation du PLU et ne pourront excéder 50 % de l'emprise au sol du bâtiment, sans pouvoir dépasser 80 m2. / Les extensions et annexes autorisées au 2 et 3 du présent article devront former un ensemble cohérent avec le bâtiment dont elles dépendent. Les annexes et extensions devront être situées en contiguïté du bâtiment principal, à l'exception des piscines qui pourront s'implanter dans un rayon de 30 mètres autour de la construction principale. ".
5. L'article A 7 du même règlement mentionne que : " Implantation des constructions par rapport aux limites séparatives : / Tout point d'une construction doit être situé à une distance au moins égale à 4 mètres des limites séparatives. / (...) ". Selon l'article A 9 du même règlement : " Emprise au sol : / Dans le cas d'extension de bâtiments d'habitation, l'emprise au sol créée ne pourra excéder 50 % de l'emprise au sol existante du bâtiment. / Dans le cas des annexes de bâtiments d'habitation : / - L'emprise au sol des piscines ne devra pas excéder 80 m2. / - Pour l'emprise au sol des autres annexes, celles-ci ne pourront excéder 50 % de l'emprise au sol existante du bâtiment d'habitation, sans pouvoir dépasser 80 m2. (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le permis modificatif du 23 mai 2023 autorise M. D... à réaliser, d'une part, une extension de la maison d'habitation par l'adjonction d'un nouveau volume habitable sur le côté ouest du bâtiment existant et, d'autre part, une terrasse surmontée d'un auvent accolé à l'extension ainsi projetée. L'auvent constitue une construction secondaire aux dimensions inférieures à la construction principale et apportant un complément fonctionnel à cette dernière. Il doit donc être considéré comme une annexe de la construction principale à usage d'habitation au sens et pour l'application des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de Lourmarin énoncées aux points 4 et 5 ci-dessus. La circonstance que l'auvent en cause soit accolé à la partie habitable du projet n'a pas pour effet de lui retirer la qualification d'annexe alors au surplus que l'article 2 du règlement précité impose d'implanter les annexes autres que les piscines en contiguïté du bâtiment principal. La circonstance que la terrasse surmontée par l'auvent soit accessible depuis le rez-de-chaussée de la construction principale n'est pas non plus de nature à faire obstacle à la qualification d'annexe faute de précision expresse en ce sens dans le règlement du plan local d'urbanisme de Lourmarin.
7. D'une part, il ressort du formulaire de demande de permis modificatif et de la notice jointe à cette demande que le projet modifié conduit à augmenter de 56 m2 supplémentaires la surface de plancher du bâtiment à usage d'habitation existant, laquelle s'élève à 85 m2. Il ressort par ailleurs de la même notice, ainsi que des plans du projet modifié, que la nouvelle partie habitable constituant l'extension de la construction existante présentera une emprise au sol de 35 m2, laquelle est sensiblement inférieure à l'emprise au sol du bâtiment existant. Eu égard à l'ampleur limitée de la nouvelle partie habitable ainsi créée par rapport aux dimensions de la maison existante, les travaux d'agrandissement de l'habitation doivent être regardés comme procédant à une simple extension du bâtiment existant au sens du point 2 de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme mentionné au point 4 ci-dessus. Par suite, le vice entachant le permis initial au regard des articles A 1 et A 2 de ce règlement, tel que relevé par la cour dans l'arrêt avant-dire-droit du 8 décembre 2022, a été régularisé par le permis modificatif.
8. D'autre part, il ressort des plans joints au dossier de permis modificatif que tant la nouvelle partie habitable que l'auvent surmontant la terrasse seront implantés à une distance de 4 mètres de la limite séparative nord de la parcelle, conformément aux exigences prévues par l'article A 7 du règlement du plan local d'urbanisme cité au point 5. En conséquence, le permis modificatif a également régularisé l'illégalité du permis initial au regard de cet article.
9. En outre, il ressort de l'indication portée dans un encadré sur les plans du permis modificatif que la construction existante présente une emprise au sol de 70 m2. Si Mme C... relève que les mesures mentionnées sur les mêmes plans ne permettent pas de corroborer cette indication, il ressort toutefois des pièces produites par la commune et le pétitionnaire à l'appui de leurs dernières écritures, notamment des plans plus précis établis par l'architecte du projet, que la maison existante n'est pas parfaitement rectangulaire et que son emprise au sol est légèrement supérieure à 70 m2 en y incluant l'escalier extérieur. Contrairement à ce que soutient l'intimée, il n'y a pas lieu d'exclure de ce calcul les premières marches de cet escalier, dès lors que lesdites marches créent du volume au-dessus du sol naturel. Il ressort par ailleurs des plans du projet modifié que la nouvelle partie habitable et l'auvent présenteront chacun une emprise au sol de 35 m2, laquelle n'excèdera donc pas le ratio de 50 % de l'emprise existante prévu, tant pour les extensions que pour les annexes, par l'article A 9 du règlement du plan local d'urbanisme rappelé au point 5. Par suite, le vice relevé par l'arrêt avant-dire-droit du 8 décembre 2022 au regard de cet article a été également régularisé par le permis modificatif du 22 mai 2023.
10. En revanche, il résulte des prescriptions du point 3 de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme citées au point 4 que les annexes des constructions à usage d'habitation ne sont permises que si elles sont implantées en contiguïté du bâtiment principal tel que celui-ci se présentait à la date d'approbation du plan local d'urbanisme le 12 février 2018. Dès lors que l'auvent dont la construction est projetée par M. D... se trouve accolé à la nouvelle partie habitable à bâtir et non à la maison existante, Mme C... est fondée à soutenir que le permis modificatif délivré le 22 mai 2023 méconnaît le point 3 de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Lourmarin en tant qu'il autorise la réalisation de cet auvent, lequel constitue un élément de construction divisible des autres éléments du projet.
11. Il résulte de tout de ce qui précède, d'une part, que la commune de Lourmarin et M. D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé le permis de construire initial du 3 septembre 2018 et, d'autre part, que Mme C... est seulement fondée à demander l'annulation du permis modificatif du 22 mai 2023 en tant qu'il autorise la réalisation de l'auvent surmontant la terrasse.
12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Par conséquent, les conclusions présentées par la commune de Lourmarin, M. D... et Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1803446 du 25 février 2020 est annulé.
Article 2 : Le permis de construire modificatif du 22 mai 2023 est annulé en tant qu'il autorise la réalisation de l'auvent surmontant la terrasse.
Article 3 : La demande de Mme C... devant le tribunal administratif de Nîmes et le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Lourmarin et M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lourmarin, à M. B... D... et à Mme F... C....
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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Nos 20TL01677, 20TL01714