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26/10/2023 | FRANCE | N°23TL00697

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 26 octobre 2023, 23TL00697


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour d'une durée de deux ans et a prononcé à son encontre une mesure de placement en rétention.

Par un jugement n° 2205472 du 19 janvier 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requ

te, enregistrée le 22 mars 2023 sous le n° 23TL00697, M. A..., représenté par Me Cauchon-Rionde...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour d'une durée de deux ans et a prononcé à son encontre une mesure de placement en rétention.

Par un jugement n° 2205472 du 19 janvier 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 22 mars 2023 sous le n° 23TL00697, M. A..., représenté par Me Cauchon-Riondet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur l'ensemble des décisions contestées :

- elles sont entachées d'un défaut de motivation en fait et en droit ;

- elles sont entachées d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elles méconnaissent son droit d'être entendu garanti notamment par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale, le préfet s'étant fondé à tort sur le 1° et le 5° l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;

Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation au regard des articles L. 612-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est privée de base légale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision de placement en rétention :

- elle est privée de base légale.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 juin 2023, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 16 août 2023.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 avril 2023.

II. Par une requête enregistrée le 4 avril 2023 sous le n°23TL00773, M. A..., représenté par Me Cauchon-Riondet, demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du 19 janvier 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour autorisant l'exercice d'une activité salariée jusqu'à l'intervention de la décision au fond, dans le délai de 8 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens sur lesquels est fondée sa requête au fond présentent un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 juin 2023, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 16 août 2023.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 avril 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- l'accord franco-algérien relatif à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles du 27 décembre 1968 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 87-249 du 8 avril 1987 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... ressortissant algérien qui déclare être entré sur le territoire français en 2021 en tant que mineur, a fait l'objet d'un contrôle d'identité le 19 octobre 2022. N'étant pas en mesure de justifier sa situation régulière, le préfet des Pyrénées-Orientales a pris à son encontre le même jour un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, avec interdiction de retour d'une durée de deux ans et placement en rétention administrative. Par une requête enregistrée sous le n° 23TL00697, M. A... fait appel du jugement du 19 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par une requête enregistrée sous le n° 23TL00773, il demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

2. Les requêtes n° 23TL00697 et n° 23TL00773 présentées par M. A... étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n°23TL00697 :

3. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ".

5. Les dispositions de l'article 47 du code civil posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il résulte également de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

6. M. A... produit deux copies intégrales de l'acte de naissance établies le 15 septembre 2021 et le 20 juin 2022 et indiquant une naissance le 24 mars 2005. Ces documents ne contiennent pas d'incohérences apparentes. Le préfet des Pyrénées-Orientales, qui ne critique pas leur contenu au regard des dispositions applicables pour les actes d'état-civil algériens, se prévaut principalement des résultats de la consultation du fichier automatisé des empreintes digitales effectuée le 19 octobre 2022 qui, selon lui, conduisent à écarter la date du 24 mars 2005 et à retenir celle du 24 mars 1998. Ce rapport de consultation établit en effet que M. A... s'est prévalu, lors de cinq interpellations, d'une identité différente, avec notamment des lieux de naissance différents et, dans quatre cas, une date de naissance le 24 mars 2005 et, dans un cas, une date de naissance le 24 mars 1998, seule cette dernière date comportant l'indication : " MNAE - Etat civil fiabilisé par pays tiers - Algérie ". Alors que M. A... conteste l'exactitude de cette mention contenue dans le fichier automatisé des empreintes digitales, le préfet des Pyrénées-Orientales ne produit aucun élément permettant de comprendre la démarche effectuée auprès des autorités algériennes et de connaître la forme et le contenu de leur réponse.

7. Dans ces conditions, au regard de l'ensemble des éléments mentionnés au point précédent ressortant des pièces du dossier, M. A... doit être regardé comme étant né le 24 mars 2005 et mineur de dix-huit ans à la date de l'arrêté contesté. L'arrêté contesté méconnaît donc les dispositions précédemment citées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour d'une durée de deux ans et a prononcé à son encontre une mesure de placement en rétention.

Sur la requête n° 23TL00773 :

9. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2205472 du 19 janvier 2023 du tribunal administratif de Montpellier, les conclusions de la requête n° 23TL00773 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser au conseil de M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2205472 du 19 janvier 2023 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du 19 octobre 2022 du préfet des Pyrénées-Orientales sont annulés.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23TL00773 tendant au sursis à exécution de ce jugement.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Agnès Cauchon-Riondet et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

A. BarthezL'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

N. Lafon

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL00697, 23TL00773 2


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