Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Bâti Services 30 a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2019 par lequel le préfet du Gard l'a rendue redevable d'une astreinte journalière jusqu'à satisfaction de la mise en demeure signifiée le 20 décembre 2017, ainsi que la décision du 18 octobre 2019 par laquelle la même autorité a rejeté son recours gracieux présenté contre cet arrêté.
Par un jugement n° 1904330 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de la société Bâti Services 30.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 janvier 2022 sous le n° 22MA00089 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00089 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société à responsabilité limitée Bâti Services 30, représentée par Me Audouin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 novembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 29 juillet 2019 ainsi que sa décision du 18 octobre 2019 ;
3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'astreinte journalière à de plus justes proportions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige a été édicté en méconnaissance de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 171-8 du code de l'environnement ; les éléments relatifs à la sanction ne lui ont pas été suffisamment communiqués préalablement à son prononcé ;
- la sanction administrative n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet du Gard a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 171-8 du code de l'environnement ; il ne démontre pas le bien-fondé de la sanction prononcée, laquelle présente en outre un montant disproportionné ;
- subsidiairement, le montant de l'astreinte doit être minoré.
Une mise en demeure a été adressée le 14 novembre 2022 au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le fondement des dispositions de l'article L. 612-3 du code de justice administrative.
Des pièces produites par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires à la demande de la cour ont été enregistrées le 12 juillet 2023.
Par une ordonnance du 13 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Bâti Services 30 a exploité une carrière de matériaux alluvionnaires sur les parcelles cadastrées section B nos 888, 889 et 1643, situées lieu-dit " Ribière " sur le territoire de la commune de Sauzet (Gard). L'exploitation de la carrière a cessé en 2014, mais l'inspection de l'environnement y a constaté la poursuite de travaux d'extraction en 2017. Par un arrêté du 20 décembre 2017, le préfet du Gard a mis en demeure la société Bâti Services 30 de régulariser la situation avant le 31 janvier 2018, en cessant toute activité d'extraction et en procédant au réaménagement du site en vue de le restituer à sa vocation agricole initiale et de permettre sa remise en culture. Par un arrêté du 29 juillet 2019, après avoir considéré que la société Bâti Services 30 n'avait pas respecté la mise en demeure du 20 décembre 2017, le préfet du Gard l'a rendue redevable d'une astreinte d'un montant journalier de 50 euros pendant deux mois, puis de 100 euros, jusqu'à satisfaction de ladite mise en demeure. La société Bâti Services 30 a présenté le 20 septembre 2019 un recours gracieux contre cet arrêté, lequel a été expressément rejeté par le préfet le 18 octobre 2019. Par la présente requête, la société Bâti Services 30 relève appel du jugement du 16 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2019 et de la décision du 18 octobre 2019.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. L'article R. 612-6 du code de justice administrative dispose que : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Malgré la mise en demeure qui lui a été adressée par la cour le 14 novembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'a produit aucun mémoire en défense avant la clôture de l'instruction. Il est donc réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête. Il appartient cependant au juge de vérifier que ces faits ne sont pas contredits par l'instruction et qu'aucune règle d'ordre public ne s'oppose à ce qu'il soit donné satisfaction au requérant. En outre, l'acquiescement aux faits est par lui-même sans conséquence sur leur qualification juridique au regard des textes sur lesquels l'administration s'est fondée ou dont le requérant revendique l'application.
3. L'article L. 171-8 du code de l'environnement prévoit que : " I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe, par le même acte ou par un acte distinct, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. / II. - Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, aux mesures d'urgence mentionnées à la dernière phrase du I du présent article ou aux mesures ordonnées sur le fondement du II de l'article L. 171-7, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : / (...) / 4° Ordonner le paiement d'une amende administrative au plus égale à 15 000 €, recouvrée comme en matière de créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine, et une astreinte journalière au plus égale à 1 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée. Les deuxième et dernier alinéas du même 1° s'appliquent à l'astreinte. / Les amendes et les astreintes sont proportionnées à la gravité des manquements constatés et tiennent compte notamment de l'importance du trouble causé à l'environnement. / (...) / Les mesures mentionnées aux 1° à 4° du présent II sont prises après avoir communiqué à l'intéressé les éléments susceptibles de fonder les mesures et l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations dans un délai déterminé. / (...) ".
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la mise en demeure prononcée à l'encontre de la société Bâti Services 30 le 20 décembre 2017 et d'une visite de l'inspection de l'environnement réalisée sur le site le 5 février 2018, le préfet du Gard a adressé à la société requérante, le 3 avril 2018, une lettre, reçue par cette dernière le 4 avril suivant, par laquelle il constatait que les excavations irrégulières avaient été remblayées avec des déchets inertes, alors que le retour du site à l'état agricole nécessitait l'enlèvement de ces déchets avant l'apport de terre végétale sur une épaisseur suffisante. Il résulte également de l'instruction que, par un courrier du 5 juin 2019, reçu par la société Bâti Services 30 le 6 juin suivant, le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement d'Occitanie a relevé que ladite société n'avait pas répondu à la lettre du 3 avril 2018 et lui a adressé, d'une part, la copie du rapport établi par l'inspecteur de l'environnement le 5 juin 2019 relatant l'ensemble des constats réalisés sur les lieux et, d'autre part, un projet d'arrêté préfectoral prononçant une astreinte d'un montant journalier de 50 euros pendant deux mois, puis de 100 euros, jusqu'à satisfaction de la mise en demeure, en invitant la société à faire part de ses observations sur ce projet d'arrêté dans le délai de quinze jours. Les services de l'Etat ont ainsi régulièrement mis en œuvre la procédure contradictoire prévue par le II précité de l'article L. 171-8 du code de l'environnement avant l'édiction de la sanction litigieuse le 29 juillet 2019. La société appelante ne peut sérieusement soutenir qu'elle ignorait le contenu du rapport de l'inspecteur, alors qu'il est démontré qu'elle a réceptionné le courrier du 5 juin 2019 indiquant que le rapport y était annexé, qu'elle n'allègue pas avoir signalé à l'administration que le pli en cause n'aurait pas contenu cette pièce et qu'il ressort au surplus des visas de l'arrêté en litige qu'une nouvelle visite sur place s'est tenue en présence de son gérant le 24 juin 2019. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la sanction litigieuse serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise les textes dont il fait application et rappelle les étapes de la procédure suivie, notamment les termes de la mise en demeure préfectorale du 20 décembre 2017. Il mentionne avec précision les constats réalisés sur le site et les raisons pour lesquelles les travaux exécutés par la société Bâti Services 30 ne peuvent être regardés comme respectant les prescriptions prévues par la mise en demeure. Il caractérise également les atteintes susceptibles d'être causées à l'environnement en raison des manquements relevés. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige ne peut qu'être écarté.
6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction et en particulier du rapport établi par l'inspecteur de l'environnement le 5 juin 2019, lequel a été versé au dossier à la demande de la cour et reprend les constats des inspections précédentes, que la société requérante a remblayé les excavations irrégulières observées le 29 mars 2017 au moyen de matériaux inertes avant de mettre en place une couche de terre végétale au-dessus de ces déchets. Il ressort par ailleurs des motifs de l'arrêté en litige que, selon les constats réalisés par l'inspecteur lors de sa visite du 24 juin 2019, la couche de terre végétale déposée sur le site présente une épaisseur de l'ordre de seulement 30 centimètres. En se bornant à produire en appel un extrait du " registre de sortie des matériaux tout-venant " de la société Gas-Centre de tri pour les mois de septembre à décembre 2016, ainsi qu'un procès-verbal de constat d'huissier relatant l'absence d'activité d'extraction à la date du 11 avril 2017, soit des pièces antérieures à la mise en demeure du 20 décembre 2017, la société appelante ne contredit pas utilement les constats de l'inspecteur de l'environnement et n'établit notamment pas que les travaux réalisés par ses soins permettraient le retour des lieux à leur vocation agricole initiale en vue de leur remise en culture, ainsi que l'imposait l'arrêté de mise en demeure. Elle ne démontre au demeurant pas davantage le caractère " non polluant " des matériaux inertes employés pour remblayer les excavations. En conséquence, le préfet du Gard n'a commis aucune erreur de droit en considérant que la société Bâti Services 30 n'avait pas satisfait à la mise en demeure du 20 décembre 2017 et lui infligeant une astreinte journalière sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 171-8 du code de l'environnement.
7. En quatrième lieu, il ressort des écritures produites par le préfet du Gard en première instance que le coût de la remise en état du site a été estimé à un montant total de 102 000 euros incluant les travaux de terrassement pour une somme de 60 000 euros et le remblaiement par de la terre végétale pour une somme de 42 000 euros. Eu égard au montant ainsi évalué, lequel n'est pas utilement contesté par la société appelante et ne serait couvert qu'au terme de 1 050 jours de liquidation de l'astreinte, ainsi qu'à la nature des manquements relevés et des atteintes causées par la société à l'environnement, les montant journaliers de 50 euros pendant deux mois, puis de 100 euros jusqu'à satisfaction de la mise en demeure, prévus par l'arrêté en litige, ne présentent pas un caractère disproportionné. Si la société Bâti Services 30 soutient par ailleurs que sa situation financière ne lui permettrait pas de s'acquitter de ces sommes, la seule production de la lettre d'information peu circonstanciée rédigée par le cabinet d'expertise comptable GC Gard le 23 janvier 2020 n'est en tout état de cause pas suffisante pour justifier des difficultés alléguées sur ce point. Dès lors, l'autorité préfectorale n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant le montant journalier de l'astreinte à 50 euros pendant deux mois et 100 euros par la suite.
8. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent du présent arrêt, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande subsidiaire de la société requérante tendant à la minoration du montant de l'astreinte infligée par l'arrêté du 29 juillet 2019.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bâti Services 30 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté et de la décision du préfet du Gard.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la société appelante au titre des frais non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Bâti Services 30 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Bâti Services 30 et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL00089