Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
En premier lieu, M B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'État et la commune de Perpignan à lui payer, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, une somme de 457 600 euros, assortie des intérêts légaux à compter de sa demande préalable.
Par un jugement n° 2004464 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'État à lui verser la somme totale de 15 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2020.
En second lieu, la société civile immobilière Syx One a demandé à ce même tribunal de condamner l'État et la commune de Perpignan à lui payer une somme de 141 753,07 euros, assortie des intérêts légaux à compter de sa demande préalable.
Par un jugement n° 2004462 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'État à lui verser la somme totale de 41 619,92 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2020.
Procédure devant la cour :
I.- Par une requête n° 22TL00368, enregistrée le 28 janvier 2022, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022, au greffe de la cour administrative de Toulouse, et un mémoire, enregistré le 1er août 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Weyl, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2004464 du tribunal administratif de Montpellier du 30 novembre 2021 en tant qu'il n'a condamné que l'État et en limitant le montant de la condamnation à la somme de 15 000 euros ;
2°) de condamner conjointement et solidairement la commune de Perpignan et l'État, ou, à tout le moins, de condamner l'État seul, à l'indemniser de l'intégralité de ses préjudices pour un montant total de 457 600 euros, assorti des intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2020 et de la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de mettre conjointement et solidairement à la charge de la commune de Perpignan et de l'État, ou à la seule charge de l'État, une somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont méconnu l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; en l'absence d'écriture en défense au nom de l'État, les conclusions du rapporteur public, qui constituent la seule discussion opposée à sa demande indemnitaire, devaient lui être communiquées ;
- l'État et la commune de Perpignan ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité, d'une part, en conduisant de façon partiale, publique et malveillante la procédure préalable à l'édiction à l'encontre de la société Syx One de l'arrêté d'insalubrité et d'interdiction d'habiter du 15 décembre 2017 et, d'autre part, en adoptant cet arrêté illégal qui présente un caractère fautif ;
- en qualité de gérant et d'associé de la société Syx One, il a subi des pertes de revenus nets et de dividendes et a dû s'endetter auprès de son entourage ;
- il a subi un préjudice patrimonial ; son impécuniosité ne lui ayant pas permis de faire face à des travaux de rénovation lors du départ de locataires, son patrimoine immobilier s'est dégradé ; il a dû supporter des charges de toute nature pour assurer la défense des intérêts de la société Syx One, notamment des frais de déplacement ; il a supporté des coûts financiers en apportant à la société Syx One en difficulté des fonds qui sont inscrits à son compte courant d'associé ;
- il a perdu la chance d'acquérir à titre personnel la maison dont il était locataire depuis 25 ans, sa capacité de financement ayant été absorbée dans les apports en compte courant effectués au profit de la société Syx One ;
- il a subi des troubles dans ses conditions d'existence en ce qu'il a dû renoncer aux voyages qu'il accomplissait deux fois par an pour se rendre à Madagascar, que son cadre de vie a été altéré pendant les mois où il a été hébergé, qu'il a été contraint d'exercer une activité professionnelle qui a provoqué une aggravation de son état de santé et qu'il a souffert d'un syndrome anxiodépressif ;
- il a subi un préjudice moral faute d'avoir pu accompagner sa mère en fin de vie en raison de ses démarches concomitantes pour procéder au relogement de sa locataire, et en raison de la ruine de ses projets d'union avec sa fiancée à Madagascar.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2022, la commune de Perpignan conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... le paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, si sa responsabilité venait à être reconnue, à ce qu'elle ne soit condamnée qu'à lui verser la somme de 15 000 euros et une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les premiers juges n'ont pas violé les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- à titre principal, sa responsabilité ne peut être engagée dès lors qu'elle n'est pas à l'origine de la décision illégale ;
- le jugement attaqué doit être confirmé s'agissant des demandes indemnitaires de l'appelant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2023, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le jugement attaqué n'est pas vicié du fait de l'absence de défense du préfet en première instance ;
- l'appelant n'établit pas que la responsabilité de l'Etat pour faute doit être engagée en raison de la mise en œuvre prétendument fautive de la procédure préalable à l'édiction de l'arrêté du 15 décembre 2017 ;
- l'appelant n'établit pas avoir droit à une indemnité supérieure à celle allouée par les premiers juges.
Par une ordonnance du 9 juin 2023, la clôture de l'instruction a été reportée du 9 juin au 11 juillet 2023.
II.- Par une requête n° 22TL00369, enregistrée le 28 janvier 2022, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022, au greffe de la cour administrative de Toulouse, et un mémoire, enregistré le 1er août 2023 et n'ayant pas été communiqué, la société Syx One, représentée par Me Weyl, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2004462 du tribunal administratif de Montpellier du 30 novembre 2021 en tant qu'il n'a condamné que l'État et qu'il a limité la condamnation à la somme de 41 619,92 euros ;
2°) de condamner conjointement et solidairement la commune de Perpignan et l'État, ou à tout le moins de condamner l'État seul, à l'indemniser de l'intégralité de ses préjudices pour un montant total de 198 753 euros, assorti des intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2020 ;
3°) de mettre conjointement et solidairement à la charge de la commune de Perpignan et de l'État, ou à la seule charge de l'État, une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont méconnu l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; en l'absence d'écriture en défense au nom de l'État, les conclusions du rapporteur public, qui constituent la seule discussion opposée à sa demande indemnitaire, devaient lui être communiquées ;
- l'État et la commune de Perpignan ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité, d'une part, en conduisant de façon partiale, publique et malveillante la procédure préalable à l'édiction à l'encontre de la société Syx One de l'arrêté d'insalubrité et d'interdiction d'habiter du 15 décembre 2017 et, d'autre part, en adoptant cet arrêté illégal qui présente un caractère fautif ;
- du fait de l'interdiction d'habiter l'immeuble, elle a été privée de la perception des loyers pour un montant à parfaire de 15 000 euros en 2017, pour un montant annuel de 21 840 euros en 2018 et en 2019 et pour un montant de 15 000 euros en 2020 ;
- elle a également dû faire face à des dégradations commises par les occupants et a dû recourir à l'installation d'un système d'alarme et de surveillance pour éviter des dégradations supplémentaires dans un immeuble inoccupé ;
- elle a supporté des charges financières exorbitantes et des dépenses de conseil et d'expertise pour tenter de s'opposer à la restructuration injustifiée de l'immeuble exigée par l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2022, la commune de Perpignan conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, si sa responsabilité venait à être reconnue, à ce qu'elle ne soit condamnée qu'à verser la somme de 41 619,92 euros et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de la société appelante le paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les premiers juges n'ont pas violé les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- à titre principal, sa responsabilité ne peut être engagée dès lors qu'elle n'est pas à l'origine de la décision illégale ;
- le jugement attaqué doit être confirmé s'agissant des demandes indemnitaires de l'appelante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2023, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le jugement attaqué n'est pas vicié du fait de l'absence de défense du préfet en première instance ;
- l'appelante n'établit pas que la responsabilité de l'Etat pour faute doit être engagée en raison de la mise en œuvre prétendument fautive de la procédure préalable à l'édiction de l'arrêté du 15 décembre 2017 ;
- l'appelante n'établit pas avoir droit à une indemnité supérieure à celle allouée par les premiers juges.
Par une ordonnance du 9 juin 2023, la clôture de l'instruction a été reportée du 9 juin au 11 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère,
- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique
- et les observations de Me Taulet, représentant les appelants.
Considérant ce qui suit :
1. Saisi d'un rapport motivé de la directrice du service communal d'hygiène et santé de Perpignan, le préfet des Pyrénées-Orientales a, par un arrêté du 15 décembre 2017, pris après avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, déclaré insalubre avec possibilité d'y remédier, avec interdiction temporaire d'habiter et d'utiliser les lieux en l'état et interdiction de relouer en l'état, l'immeuble appartenant à la société civile immobilière Syx One, situé 16 rue des Dragons à Perpignan, et prescrit au propriétaire les mesures à réaliser dans le délai maximum de douze mois pour remédier à l'insalubrité, soit huit mesures pour les parties communes et onze mesures pour les logements. Par une ordonnance du 3 décembre 2018 le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a suspendu l'exécution de cet arrêté, en tant qu'il prescrit la réalisation de travaux. Par un jugement du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté préfectoral du 15 décembre 2017. Estimant que tant la procédure préalable que l'arrêté préfectoral présentaient un caractère fautif, M. A..., en sa qualité de gérant et d'associé de la société Syx One, et cette société ont adressé au préfet des Pyrénées-Orientales et au maire de Perpignan une demande indemnitaire préalable tendant à la réparation des préjudices qu'ils estiment avoir respectivement subis du fait des fautes commises. Par une requête n° 22TL00368, M. A... relève appel du jugement n° 2004464 du 30 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'État à lui verser la somme de 15 000 euros. Par une requête n° 22TL00369, la société Syx One relève appel du jugement n° 2004462 du 30 novembre 2021 par lequel ce même tribunal a condamné l'État à lui verser la somme de 41 619,92 euros.
2. Les deux requêtes précitées présentent à juger des questions similaires. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la régularité du jugement :
3. L'article L. 5 du code de justice administrative prévoit que " l'instruction des affaires est contradictoire ". Aux termes de l'article L. 7 de ce code : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent ".
4. Le rapporteur public, qui a pour mission d'exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement. L'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction. Il suit de là que, pas plus que la note du rapporteur ou le projet de décision, les conclusions du rapporteur public - qui peuvent d'ailleurs ne pas être écrites - n'ont à faire l'objet d'une communication préalable aux parties. Celles-ci ont en revanche la possibilité, après leur prononcé lors de la séance publique, de présenter des observations, soit oralement à l'audience, soit au travers d'une note en délibéré.
5. La circonstance que l'État n'ait présenté aucune écriture en défense devant les premiers juges, n'imposait pas la communication des conclusions du rapporteur public au demandeur même si ces conclusions ne satisfaisaient pas entièrement sa demande indemnitaire. Au demeurant, le demandeur disposait de la faculté de répondre à ces conclusions après leur prononcé lors de l'audience publique, et de présenter des observations, soit oralement à l'audience, soit au travers d'une note en délibéré. Par suite, les premiers juges, qui n'ont pas méconnu le principe du contradictoire garanti par l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article L. 5 du code de justice administrative, n'ont pas entaché d'irrégularité leur jugement.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne le principe de responsabilité :
6. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Elle comprend notamment : / (...) 5° Le soin (...) de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure (...) ". Si aux termes de l'article L. 1421-4 du code de la santé publique : " Le contrôle administratif et technique des règles d'hygiène relève : 1° de la compétence du maire pour les règles générales d'hygiène fixées en application du chapitre 1er du titre Ier du livre III pour les habitations, leurs abords et leurs dépendances (...) ", il résulte de l'article L. 1331-26 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté litigieux, que : " Lorsqu'un immeuble (...) constitue soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'État, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé ou, par application du troisième alinéa de l'article L. 1422-1, du directeur du service communal d'hygiène et de santé, concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois : 1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; / 2° Sur les mesures propres à y remédier (...) Le directeur départemental de la santé et de l'action sociale établit le rapport prévu au premier alinéa soit de sa propre initiative, soit sur saisine du maire (...), soit encore à la demande de tout locataire ou occupant de l'immeuble (...). Enfin l'article L. 1331-28 de ce code définit les mesures qu'il appartient alors au représentant de l'État de prendre, suivant que la commission conclut à la possibilité ou non de remédier à l'insalubrité.
7. S'il appartient au maire, en vertu des pouvoirs généraux de police qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et des pouvoirs de contrôle administratif et technique des règles générales d'hygiène applicables aux habitations et à leurs abords qui lui sont désormais conférés par l'article L. 1421-4 du code de la santé publique, de veiller au respect des règles de salubrité sur le territoire de la commune, la prescription de mesures adéquates de nature à faire cesser l'insalubrité dans un logement relève, en application des articles L. 1331-26 et L. 1331-28 du même code, de la compétence des services de l'État au terme d'une procédure qui débute par l'établissement d'un rapport motivé sur l'état de l'immeuble par le directeur général de l'agence régionale de santé ou par le directeur du service communal d'hygiène et de sécurité, si un tel service existe. Ces rapports sont établis soit sur la propre initiative de ces services, soit sur saisine du maire, soit à la demande du locataire ou de l'occupant de l'immeuble.
8. En premier lieu, par un jugement définitif n° 1801182 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 15 décembre 2017 ayant déclaré insalubre avec possibilité d'y remédier, avec interdiction temporaire d'habiter et d'utiliser les lieux en l'état et interdiction de relouer en l'état, l'immeuble situé à Perpignan et appartenant à la société civile immobilière Syx One dont M. A... est le gérant, et a prescrit à cette dernière les mesures à réaliser pour y remédier. L'illégalité dont est entaché cet arrêté est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'État à l'égard tant de la société Syx One que de son gérant.
9. En revanche, dès lors que, comme cela a été exposé au point 7, la procédure d'insalubrité d'un immeuble prévue aux articles L. 1331-26 et L. 1331-28 du code de la santé publique relève de la compétence des services de l'État, la circonstance que le service d'hygiène et de sécurité de la commune de Perpignan a initié le déclenchement, par l'établissement d'un rapport motivé, de cette procédure ne saurait avoir pour effet d'engager la responsabilité de cette commune.
10. En second lieu, si les appelants se prévalent de la partialité et de la malveillance des services municipaux dans la conduite de la procédure d'insalubrité de l'immeuble appartenant à la société Syx One, cette allégation n'est cependant étayée par aucune des pièces versées à l'instance. En particulier, il n'est nullement établi que ces services aient agi dans la précipitation. De plus, il résulte de l'instruction que les constats effectués par les services municipaux lors de la visite de l'immeuble litigieux le 11 avril 2017 ont conduit M. A... à remédier à certains désordres par la réalisation de travaux ou de prestations, tels que la pose de grille d'aération sur chaque fenêtre avec dispositif de retraitement d'air, traitements anti-blattes, condamnation d'une ouverture donnant sur les parties communes, installation d'une rampe et pose de bandes antidérapantes en nez de marche, étanchéification des portes palières et résolution du problème d'insuffisance d'éclairage naturel d'une chambre. Enfin, la circonstance que, dans son jugement du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Montpellier a jugé que les seuls dysfonctionnements établis n'étaient pas de nature à justifier la déclaration d'insalubrité de l'immeuble, ni ses mesures accessoires, n'est pas de nature à démontrer la partialité et la malveillance alléguée des services municipaux. Dans ces conditions, la responsabilité pour faute de la commune de Perpignan ne saurait être engagée à ce titre.
En ce qui concerne les préjudices de M. A... :
11. En premier lieu, M. A... soutient que l'illégalité fautive de l'arrêté du 15 décembre 2017 lui a causé une perte de revenus nets et de dividendes et l'a contraint à s'endetter auprès de son entourage. Toutefois, il ne justifie pas, par les pièces qu'il produit, de la perte de revenus alléguée.
12. Par ailleurs, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que le régime d'imposition de la société Syx One l'autorise à distribuer des dividendes à ses deux associés. De plus, la circonstance que le compte courant d'associé de l'appelant soit créditeur n'obligeait pas la société à procéder à une distribution de dividendes. Enfin, il n'est pas établi que l'organe délibérant compétent de la société ait décidé de procéder à une distribution de dividendes au titre des années antérieures à 2018 et que l'appelant en aurait été privé pour les années postérieures à l'arrêté du 15 décembre 2017. D'autre part, l'appelant, qui se borne à produire des attestations de sa co-associée et de son beau-père faisant état de l'octroi de prêts en sa faveur pour un montant de 36 000 euros et de 18 000 euros, ne justifie cependant pas, en l'absence de production des contrats de prêts et de ses relevés bancaires, des sommes effectivement prêtées, des modalités de leur remboursement et de leur affectation. Enfin, il n'établit pas la perte de gain liée à la vente de la maison familiale par la seule attestation de sa sœur faisant état de sa vente en urgence à un prix inférieur à sa valeur vénale réelle.
13. En deuxième lieu, M. A... prétend que l'illégalité fautive de l'arrêté du 15 décembre 2017 est à l'origine d'un préjudice patrimonial et financier. Toutefois, s'il fait état de la dégradation de son patrimoine immobilier résultant de son incapacité à financer des travaux de rénovation lors du départ de ses locataires, il ne justifie ni de la consistance de son patrimoine immobilier, ni de la nécessité des rénovations alléguées, ni de leur coût. De plus, si, pour assurer la défense des intérêts de la Société Syx One, des frais ont été engagés notamment pour la réalisation de diagnostics ou de rapports techniques, qui ont pu mettre en évidence que certains désordres n'étaient pas établis, l'appelant ne justifie cependant pas avoir personnellement acquitté ces frais. En revanche, il résulte de l'instruction qu'au titre de l'année 2018, M. A... a apporté à la société des fonds inscrits à son compte courant d'associé, apport le plus important au titre de la période 2013 à 2018. Il suit de là que l'appelant établit avoir apporté son concours financier à la société qui, du fait de l'intervention de l'arrêté en litige, a été privée d'une partie conséquente de ses revenus. Dès lors, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant la somme de 9 313 euros correspondant à l'augmentation des fonds apportés entre 2017 et 2018.
1. En troisième lieu, si l'appelant soutient avoir perdu la chance d'acquérir à titre personnel la maison dont il était locataire depuis 25 ans dès lors que sa capacité de financement avait été absorbée par les apports en compte courant effectués au profit de la société Syx One, il n'établit pas cependant qu'il disposait, avant l'intervention de l'arrêté litigieux, des ressources financières suffisantes pour procéder à son acquisition. M. A... n'est donc pas fondé à solliciter une indemnité à ce titre.
15. En quatrième lieu, M. A... justifie par le certificat médical qu'il produit que le syndrome anxiodépressif qu'il a enduré à compter de janvier 2018, est en lien direct avec l'adoption de l'arrêté du 15 décembre 2017.
16. En revanche, les autres troubles dans ses conditions d'existence qu'il dit avoir subis en ce qu'il a dû renoncer aux voyages qu'il accomplissait deux fois par an pour se rendre à Madagascar, que son cadre de vie a été altéré pendant les trois mois où il a été hébergé, et qu'il a été contraint d'exercer une activité professionnelle qui a provoqué une aggravation de son état de santé, ne sont pas en lien direct avec la faute retenue.
17. En conséquence de ce qui a été exposé aux deux points précédents, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence de l'intéressé en évaluant à la somme de 4 000 euros la somme destinée à les réparer.
18. En cinquième et dernier lieu, M. A... n'établit pas que les démarches qu'il a dû accomplir pour reloger sa locataire en application de l'arrêté du 15 décembre 2017 l'ont empêché d'accompagner sa mère en fin de vie. De plus, l'illégalité fautive de l'arrêté du 15 décembre 2017, qui ne porte pas normalement en elle-même la ruine des projets d'union de l'appelant avec sa fiancée à Madagascar, ne peut être regardée comme en étant la cause. M. A... n'est donc pas fondé à solliciter une indemnité au titre de son préjudice moral.
19. En l'absence d'appel incident, la somme totale à laquelle l'État est condamné ne peut qu'être fixée à 15 000 euros, ainsi que cela a été jugé par le tribunal administratif de Montpellier.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a limité à 15 000 euros la somme au paiement de laquelle l'État a été condamné.
En ce qui concerne les préjudices de la société Syx One :
21. En premier lieu, si l'interdiction d'habitation de l'immeuble appartenant à la société Syx One, édictée par l'article 3 de l'arrêté préfectoral litigieux, a privé cette société de la perception de loyers, cette perte de revenus résultant de l'illégalité fautive de cet arrêté ne couvre que la période au cours de laquelle cet acte s'est appliqué, soit de la date de sa notification, le 15 janvier 2018, à la date de son annulation par le tribunal administratif de Montpellier, le 5 juillet 2019. Dès lors, la société appelante n'est pas fondée à demander une indemnité en dédommagement de la perte de revenus subie au titre de l'année 2017 et pour la période postérieure au 5 juillet 2019.
22. En deuxième lieu, les divers autres frais dont se prévaut la société Syx One dont les premiers juges ont écarté l'indemnisation correspondent soit à des dépenses justifiées par le mauvais état de l'immeuble, telles qu'un traitement anti-blattes ou la pose de grilles d'aérations, soit à des dépenses dont le lien de causalité avec la faute n'est pas établi. Il en est ainsi des factures de copies, de fournitures de bureau ou de frais d'huissier concernant un litige avec un locataire. Enfin, comme les premiers juges l'ont justement relevé, les frais d'avocats relatifs aux procédures engagées à l'encontre de l'arrêté du 15 décembre 2017 ont fait l'objet d'une indemnisation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans une précédente instance et ne constituent pas des préjudices en lien avec la faute commise.
23. En troisième lieu, le lien de causalité direct entre les dégradations commises par les occupants des appartements n° 1 du premier étage et n° 2 du deuxième étage et la faute commise par l'État n'est pas établi. Ce lien n'est pas davantage démontré s'agissant du coût supporté pour l'installation d'un système d'alarme et d'abonnement annuel. Par suite, la société Syx One n'est pas fondée à solliciter une indemnité au titre de ces préjudices.
24. En quatrième et dernier lieu, le préjudice pour perte sur le prix de vente de l'immeuble, évalué à 57 000 euros par l'appelante, n'est pas établi par la seule production du compromis de vente et de l'attestation notariale de vente de l'immeuble au prix de 190 000 euros. Le lien de causalité direct de ce préjudice avec la faute de l'État n'est pas non plus démontré. Dans ces conditions, aucune indemnisation ne peut être demandée à l'État à ce titre.
25. Il résulte de ce qui précède que la société Syx One n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'État à lui verser la somme de 41 619,925 euros au lieu de celle de 141 753,07 euros.
Sur les frais liés au litige de première instance :
26. M. A... ne justifie pas qu'en mettant à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les premiers juges auraient fait une estimation insuffisante des frais exposés par lui dans le cadre de la première instance. Dès lors, les conclusions présentées par l'appelant tendant à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de la commune de Perpignan et de l'État la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. A... et de la société Syx One sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dirigées contre la commune de Perpignan et l'État qui ne sont pas les parties perdantes à l'instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. A... et de la société Syx One une somme de 750 euros, chacun, au titre des conclusions présentées sur le même fondement par la commune de Perpignan.
DÉCIDE:
Article 1er : Les requêtes n° 22TL00368 de M. A... et n° 22TL00369 de la société Syx One sont rejetées.
Article 2 : M. A... et la société Syx One verseront, chacun, à la commune de Perpignan une somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société civile immobilière Syx One, à la commune de Perpignan et au ministre de la santé et de la prévention.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22TL00368 ; 22TL00369