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12/10/2023 | FRANCE | N°21TL03274

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 12 octobre 2023, 21TL03274


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société It Immo et Services a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 mars 2017.

Par un jugement n° 1905021 du 28 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2021 sous le n° 21MA03274 au greffe de la cour adm

inistrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL03274 au greffe de la cour administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société It Immo et Services a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 mars 2017.

Par un jugement n° 1905021 du 28 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2021 sous le n° 21MA03274 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL03274 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société It Immo et Services, représentée par Me Blain, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 mars 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la maison qu'elle donne en location à Cases-de-Pène remplit les conditions de la location meublée au sens des dispositions du b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, justifiant son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 16 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société It Immo et Services, qui a pour objet l'acquisition par voie d'achat ou d'apport, la propriété, la transformation, la construction, l'aménagement, la location de tous biens ou droits immobiliers nus ou meublés, fait appel du jugement du 28 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 mars 2017. Ces rappels procèdent de la remise en cause par l'administration fiscale, à l'issue d'une vérification de comptabilité, du bien-fondé de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des dépenses relatives à un bien immobilier dont la société est propriétaire à Cases-de-Pène (Pyrénées-Orientales), au motif qu'eu égard aux conditions dans lesquelles elle avait été mise en œuvre, l'activité d'hébergement pour les besoins de laquelle ces dépenses avaient été engagées s'était avérée être exonérée de taxe sur le fondement de l'article 261 D du code général des impôts.

Sur les conclusions en décharge :

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

2. D'une part, l'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, reprenant les dispositions du b) du B de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, prévoit au point l) de son paragraphe 1 que les Etats membres exonèrent " la location de biens immeubles ". Toutefois, en application de son 2, " 2. Sont exclues de l'exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes : / a) les opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (...) ". Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) / 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : / (...) / b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle (...) ". Ces dispositions, qui fixent les critères de la taxation des prestations de location de logements meublés, doivent être interprétées, pour le respect des objectifs énoncés précédemment, tels qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, de manière à garantir que ne soient exonérés du paiement de la taxe que des assujettis dont l'activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles d'une entreprise hôtelière et qui ne sont donc pas en concurrence potentielle avec ces dernières entreprises.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que M. et Mme A..., qui contrôlent la société It Immo et Services par l'intermédiaire d'une participation directe et d'une participation indirecte à travers la société Styka qu'ils possèdent, ont été les seuls locataires de la maison située à Cases-de-Pène à compter du 17 mars 2016. Elle a été proposée à la location sur une plateforme de mise en relation pour une durée minimum de six mois. Le contrat de bail notarié signé par M. et Mme A... fait état d'une location en meublé avec prestations de services pour une durée d'un mois reconductible tacitement, prévoit un loyer mensuel de 3 000 euros hors taxes et stipule que le bien est destiné exclusivement à l'habitation principale, impliquant une occupation au moins huit mois par an. Bien que le petit déjeuner soit proposé sur demande moyennant un supplément de 15 euros, la société requérante n'en a servi aucun au cours de la période vérifiée et n'établit pas, alors qu'elle a la charge de la preuve en vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle s'est abstenue de présenter dans le délai légal ses observations sur les rectifications proposées, qu'elle était en mesure d'assurer une telle prestation. Elle ne démontre pas davantage la réalité de prestations d'accueil ou de réception et n'invoque aucun autre service offert à sa clientèle. Dans ces conditions, alors même que le ministre admet que les prestations de nettoyage et de blanchisserie sont exécutées au bénéfice des locataires, la société It Immo et Services doit être regardée, eu égard aux modalités de la location consentie, comme exerçant une activité ne remplissant pas les fonctions essentielles d'une entreprise hôtelière et comme n'étant pas en concurrence potentielle avec de telles entreprises. Elle n'est donc pas fondée, pour ces seuls motifs, à soutenir qu'elle devait être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de l'activité réalisée à partir du bien immobilier détenu à Cases-de-Pène, en application des dispositions précitées du b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des dépenses relatives à ce bien.

En ce qui concerne les pénalités :

5. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

6. La vérificatrice a relevé que M. et Mme A... avaient acquis à titre personnel le terrain à bâtir, qui supporte désormais la maison de Cases-de-Pène, afin d'y édifier leur résidence principale, conformément aux mentions du permis de construire qu'ils avaient obtenu. Ils ont ensuite revendu ce terrain à la société It Immo et Services, à laquelle le permis de construire a été transféré. Ils lui ont également vendu des meubles qui ont été retrouvés dans la maison de Cases-de-Pène. La vérificatrice en a déduit que M. et Mme A... avaient eu l'intention, dès l'origine, d'habiter personnellement dans ce bien, qui constitue leur résidence principale depuis le mois de mars 2016. Elle a également relevé que la société It Immo et Services avait fait l'objet, en 2014, d'un précédent contrôle, concernant les conditions de location d'une seconde maison dont elle est propriétaire, à l'occasion duquel l'administration fiscale l'avait informée des règles relatives à l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des locations de logements assorties de prestations para-hôtelières. La vérificatrice en a déduit que la société avait en conséquence organisé la mise en place de prestations afin de soumettre les locations des deux biens immobiliers à la taxe sur la valeur ajoutée et déduire ainsi la taxe grevant la construction de la maison de Cases-de-Pène, alors pourtant que sa location ne répond pas aux conditions d'assujettissement à cette taxe. Dans ces conditions, eu égard d'ailleurs aux montants importants des demandes de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée et à la nature de l'activité de la société It Immo Services, l'administration établit le manquement délibéré de cette dernière, qui n'a pu légitimement s'interroger sur le bien-fondé de la position exposée par le service. Par suite, le moyen tiré de ce que l'application de la majoration prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas fondée doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que la société It Immo et Services n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la société It Immo et Services est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société It Immo et Services et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL03274
Date de la décision : 12/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Exemptions et exonérations.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : AVOCATS CONSEILS ASSOCIES PHILIPPE BLAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-12;21tl03274 ?
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