Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 21 novembre 2019 par laquelle la directrice interrégionale Sud de la protection judiciaire de la jeunesse lui a refusé l'octroi de la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er septembre 2010 et d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de lui verser la nouvelle bonification indiciaire ainsi que les sommes correspondantes à compter du 1er septembre 2010, assorties des intérêts au taux légal.
Par un jugement n°2000669 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 21 juillet 2022 et le 28 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Noray-Espeig, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 mai 2022 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la directrice interrégionale Sud de la protection judiciaire de la jeunesse du 21 novembre 2019 en tant qu'elle lui refuse le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire ;
3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de lui verser la nouvelle bonification indiciaire ainsi que les sommes correspondantes à compter du 1er septembre 2010, assorties des intérêts au taux légal ;
4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ainsi qu'au versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la directrice interrégionale Sud de la protection judiciaire de la jeunesse a commis une erreur de droit en estimant que seules sont éligibles à la nouvelle bonification indiciaire les unités éducatives de milieu ouvert dont les locaux sont situés dans un quartier prioritaire de la ville ; elle intervient dans le ressort territorial du contrat local de sécurité de la ville de Toulouse, signé le 14 octobre 1999, du contrat local de sécurité de l'agglomération toulousaine, signé le 28 janvier 2002 et renouvelé le 9 octobre 2020 par le contrat de sécurité intégrée ;
- ses fonctions au sein de l'établissement de placement éducatif La Cale, exercées de 2010 à 2013, lui ouvrent droit à la nouvelle bonification indiciaire tel que le prévoit le décret du 14 novembre 2001 pour le personnel intervenant en centre éducatif renforcé ; il en va de même pour ses fonctions au sein de l'unité éducative d'hébergement diversifié de Toulouse Mercadier à compter du 20 juin 2013, puis à l'unité éducative de milieu ouvert de Toulouse la Gare à compter du 1er septembre 2017 dès lors qu'elles accueillent prioritairement des jeunes issus des quartiers prioritaire de la ville.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 juillet 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 juillet 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 31 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n°91-73 du 18 janvier 1991 ;
- le décret n°2001-1061 du 14 novembre 2001 ;
- l'arrêté du 14 novembre 2011 fixant les conditions d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Armelle Geslan-Demaret présidente rapporteure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Santin, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., agente titulaire au sein du corps d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse depuis le 1er septembre 2010, a d'abord exercé ses fonctions d'éducatrice au sein de l'établissement de placement éducatif La Cale à Toulouse, puis a été affectée à compter du 20 juin 2013 à l'unité éducative d'hébergement diversifié renforcée de Toulouse Mercadier, avant d'être enfin affectée, à compter du 1er septembre 2017, à l'unité éducative de milieu ouvert de Toulouse la Gare. Par un courrier en date du 5 novembre 2019, Mme A... a sollicité le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville avec effet rétroactif à compter du 1er septembre 2010. Par un courrier en date du 21 novembre 2019, la directrice interrégionale lui a refusé l'octroi de la nouvelle bonification indiciaire. Par un jugement du 24 mai 2022, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes du I de l'article 27 de la loi susvisée du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales : " La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires, instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulière dans des conditions fixées par décret ". Aux termes de l'article 1er du décret du 14 novembre 2001 relatif à la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice : " Une nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville, prise en compte et soumise à cotisation pour le calcul de la pension de retraite, peut être versée mensuellement, dans la limite des crédits disponibles, aux fonctionnaires titulaires du ministère de la justice exerçant, dans le cadre de la politique de la ville, une des fonctions figurant en annexe au présent décret " parmi lesquelles figurent les " fonctions de catégories A, B ou C de la protection judiciaire de la jeunesse : / 1. En centre de placement immédiat, en centre éducatif renforcé ou en foyer accueillant principalement des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville ; / 2. En centre d'action éducative situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ; / 3. Intervenant dans le ressort territorial d'un contrat local de sécurité ".
3. En application de ces dispositions, un arrêté interministériel du même jour a fixé, pour chacune des fonctions susceptibles d'ouvrir droit à la nouvelle bonification indiciaire, le nombre d'emplois éligibles. Enfin, l'arrêté du 4 décembre 2001, fixant par département les emplois éligibles à la nouvelle bonification indiciaire, vise, pour le département de la Haute-Garonne, l'emploi d'éducateur. Il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces dispositions que le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire n'est pas lié au corps d'appartenance ou au grade des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, mais aux emplois qu'ils occupent, compte tenu de la nature des fonctions attachées à ces emplois.
4. Mme A... produit plusieurs documents, notamment des articles de presse concernant la signature entre le ministre de l'intérieur et la ville de Toulouse d'un contrat local de sécurité, la copie de ce contrat local de sécurité signé le 14 octobre 1999, la copie d'un contrat local de sécurité périurbain de l'agglomération toulousaine signé en janvier 2002, ainsi que la copie d'un contrat de sécurité intégrée signé par la ville de Toulouse et le ministre de l'intérieur, et dont l'objet est notamment, comme le prévoit d'ailleurs la circulaire n° 6238-SG du 23 décembre 2020 relative à la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024, d'actualiser et de compléter le contrat local de sécurité existant. Le ministre ne conteste pas utilement en défense, le caractère probant de ces documents.
5. Dans ces conditions, Mme A... qui exerce à Toulouse, doit être regardée comme établissant qu'elle intervient dans le ressort territorial d'un contrat local de sécurité en cours d'exécution et qu'elle remplissait par conséquent l'une des conditions alternatives auxquelles les dispositions précitées du décret du 14 novembre 2001 et de son annexe subordonnent le versement de la nouvelle bonification indiciaire.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Toutefois, il appartient à la cour, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'exception de prescription opposée par le ministre à la demande de Mme A..., en tant qu'elle porte sur la période antérieure au 1er janvier 2015.
7. Dans son mémoire en défense devant le tribunal, le garde des sceaux ministre de la justice, a opposé à la demande de Mme A... la prescription quadriennale prévue par les dispositions combinées des articles 1er et 2 de la loi du 31 décembre 1968 au motif que sa demande préalable de paiement n'avait été présentée que le 5 novembre 2019. A défaut pour la requérante d'avoir justifié d'une demande antérieure, il y a lieu d'accueillir l'exception de prescription opposée par le ministre à la demande de Mme A..., en tant qu'elle porte sur la période antérieure au 1er janvier 2015.
8. Il résulte de ce qui précède que la décision 21 novembre 2019 par laquelle la directrice interrégionale Sud de la protection judiciaire de la jeunesse a rejeté sa demande d'attribution d'une nouvelle bonification indiciaire doit être annulée, en tant qu'elle porte sur la période postérieure au 1er janvier 2015.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Eu égard au motif de cette annulation, il y a lieu d'enjoindre au ministre de la justice, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui attribuer la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er janvier 2015, et de lui verser, en conséquence, les sommes correspondantes dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande préalable.
Sur les frais liés au litige :
10. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre des frais exposés pour l'instance. En revanche, Mme A... n'ayant exposé aucun des frais mentionnés par l'article R. 761-1 du même code, sa demande tendant à la mise à la charge de l'Etat des entiers dépens doit être rejetée.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2000669 du tribunal administratif de Toulouse en date du 24 mai 2022 est annulé.
Article 2 : La décision du 21 novembre 2019, par laquelle la directrice interrégionale Sud de la protection judiciaire de la jeunesse a rejeté la demande de Mme A... d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire est annulée en tant qu'elle porte sur la période postérieure au 1er janvier 2015.
Article 3 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, d'attribuer à Mme A... la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er janvier 2015, et de lui verser, en conséquence, les sommes correspondantes dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande préalable.
Article 4 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
M. Teulière, premier conseiller,
Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.
La présidente rapporteure,
A. Geslan-Demaret
Le premier conseiller le plus ancien,
T. Teulière
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°22TL21645 2