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05/10/2023 | FRANCE | N°22TL20920

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 05 octobre 2023, 22TL20920


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Aude a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n°2106654 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 avril 2022, M. A..., représenté par Me Bautes, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2021 du préfet de l'Aude ;

3°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Aude a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n°2106654 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 avril 2022, M. A..., représenté par Me Bautes, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2021 du préfet de l'Aude ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et ce au besoin sous astreinte ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au profit de son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 423-1 et L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 215 du code civil ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2022, le préfet de l'Aude conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

Par ordonnance du 23 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 16 mars 2023.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lasserre, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né en 1987, de nationalité tunisienne, déclare être entré sur le territoire français en 2016. Il a sollicité le 21 décembre 2020 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français. Par un arrêté du 5 octobre 2021, le préfet de l'Aude a refusé de lui délivrer le titre demandé et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; (...) / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". Aux termes de l'article L. 423-2 du même code : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Aux termes de l'article L. 412-2 de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l'article L. 312-3 du même code : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ".

3. Si ces dispositions subordonnent la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au conjoint d'un français à certaines conditions, dont celle d'être en possession d'un visa de long séjour, elles n'impliquent pas que ce visa fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction. Dès lors qu'une demande de carte de séjour sur ce fondement vaut implicitement dépôt d'une demande de visa de long séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 312-3 du code précité, le préfet ne peut refuser la délivrance du titre de séjour sollicité en se fondant sur l'absence de visa de long séjour sans avoir au préalable examiné si le demandeur remplit les conditions fixées par cet article, notamment d'une entrée régulière sur le territoire français.

4. Le préfet de l'Aude a refusé d'octroyer un titre de séjour en qualité de conjoint de français à M. A... aux motifs tirés de ce que la communauté de vie avec son épouse de nationalité française n'est pas établie, qu'il est entré irrégulièrement sur le territoire français et représente une menace pour l'ordre public français. Toutefois, le seul rapport d'enquête des services de police du 16 juillet 2021 se limitant à mentionner que " la communauté de vie de M. A... et Mme C... est illusoire. En effet, les vérifications au domicile n'ont pas permis d'établir une communauté de vie réelle et effective (...) " ne permet pas d'établir l'absence de communauté de vie entre les époux alors que ces derniers produisent un contrat de bail commun, des factures d'électricité aux deux noms ou encore des attestations de la caisse d'allocations familiales, lesquels sont de nature à établir une telle vie commune. De même, les seules circonstances que M. A... ait été mis en cause pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme et de mariage contracté pour l'obtention d'un titre de séjour ne permettent pas d'établir que ce dernier représenterait une menace pour l'ordre public en l'absence de toute condamnation pénale. En revanche, il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français à une date indéterminée, circonstance faisant obstacle à ce qu'il puisse obtenir un visa long séjour en qualité de conjoint de français sur le fondement de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et incidemment un titre de séjour en cette même qualité. Par suite, et dès lors qu'il résulte de l'instruction que le préfet de l'Aude aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce seul motif tiré de l'irrégularité de son entrée sur le territoire français, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 423-1 et L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Si M. A... se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis 2016 et de son mariage avec une ressortissante française, il ne sera séparé de cette dernière que le temps d'obtenir un visa de long séjour auprès des autorités consulaires de son pays dans le cadre d'une demande de regroupement familial. Dans ces conditions, le préfet de l'Aude n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, la décision attaquée portant refus de titre de séjour ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ".

9. La décision portant refus de titre de séjour comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, M. A... ne peut pas utilement soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte, est insuffisamment motivée. Ce moyen doit ainsi être écarté comme inopérant.

10. En troisième lieu, pour les mêmes motifs qu'évoqués au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Bautes et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

D. ChabertLa greffière,

Nadia Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL20920


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20920
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: Mme Nathalie LASSERRE
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : BAUTES GEORGIA

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-05;22tl20920 ?
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