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05/10/2023 | FRANCE | N°22TL00038

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 05 octobre 2023, 22TL00038


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... K... et M. G... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de la décision du 15 janvier 2021 par laquelle le maire de Carcassonne ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux présentée par Mme E... B... pour la rénovation d'un bâtiment existant ainsi que la mise en place de portails et de clôtures sur un terrain situé " Domaine de Rivoire ".

Par un jugement n° 2001165 rendu le 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l

a décision du maire de Carcassonne du 15 janvier 2021 et a rejeté les conclusions p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... K... et M. G... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de la décision du 15 janvier 2021 par laquelle le maire de Carcassonne ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux présentée par Mme E... B... pour la rénovation d'un bâtiment existant ainsi que la mise en place de portails et de clôtures sur un terrain situé " Domaine de Rivoire ".

Par un jugement n° 2001165 rendu le 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du maire de Carcassonne du 15 janvier 2021 et a rejeté les conclusions présentées tant par la commune de Carcassonne que par Mme E... B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 janvier 2022 sous le n° 22MA00038 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00038 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis un mémoire en réplique enregistré le 2 janvier 2023, Mme I... E... B..., représentée par Me Chopin, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 7 décembre 2021 ;

2°) de rejeter l'ensemble des demandes présentées par Mme K... et M. C... ;

3°) de mettre à la charge de Mme K... et M. C... le versement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que les travaux déclarés avaient pour objet de changer la destination d'un bâtiment agricole en habitation dès lors que l'immeuble litigieux a toujours été affecté à un usage d'habitation et non à un usage agricole ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les travaux déclarés méconnaissaient le point 9 de l'article A/11 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors que l'irrégularité initiale concernant les clôtures a été régularisée par une déclaration modificative ;

- en outre, les moyens invoqués par les intimés tirés de l'insuffisance de l'accès et de l'existence de prétendues manœuvres frauduleuses ne sont pas fondés ; au surplus, les travaux en litige auraient pu être autorisés sur le fondement de l'article L. 111-23 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 avril 2022 et le 24 juillet 2023, Mme K... et M. C..., représentés par Me Cobourg-Gozé, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme E... B... une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- les moyens invoqués par l'appelante ne sont pas fondés et, à supposer même que le bâtiment soit destiné à l'habitation, le plan local d'urbanisme n'autorise pas les travaux en litige, puisqu'ils ne se rapportent pas à une activité agricole ;

- le maire de Carcassonne était tenu de s'opposer à la déclaration préalable dès lors que les travaux ne respectent pas les règles de sécurité incendie compte tenu de l'insuffisance de la voie d'accès au regard des articles R. 111-2 et R. 111-5 du code de l'urbanisme, de l'article 4 de l'arrêté interministériel du 31 janvier 1986 ainsi que de l'article 3 des dispositions communes du règlement du plan local d'urbanisme de la commune ;

- l'autorisation en litige a été obtenue à la suite de manœuvres frauduleuses en ce que la pétitionnaire a mentionné des informations inexactes et multiplié les déclarations préalables au lieu de déposer une demande de permis de construire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2022, la commune de Carcassonne, représentée par le cabinet d'avocats Richer et associés, s'en rapporte à la sagesse de la cour et conclut à ce que les frais d'instance soient laissés à la charge de chaque partie.

Par une ordonnance en date du 21 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté interministériel du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Duvignau, représentant la commune de Carcassonne, et de Me Cobourg-Gozé, représentant Mme K... et M. C....

Une note en délibéré produite par Mme K... et M. C..., représentés par Me Cobourg-Gozé, a été enregistrée le 21 septembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... B... a présenté, le 29 septembre 2020, une déclaration préalable de travaux portant sur la rénovation d'un bâtiment existant et la mise en place de clôtures et de portails sur un terrain constitué par les parcelles cadastrées section ... nos ... et (408(/ANO) situées " Domaine de Rivoire ", route de Cazilhac, sur le territoire de la commune de Carcassonne (Aude). Par une décision du 15 janvier 2021, le maire de Carcassonne ne s'est pas opposé aux travaux ainsi déclarés par Mme E... B.... Mme K... et M. C..., voisins immédiats de l'intéressée, ont contesté cette décision de non-opposition devant le tribunal administratif de Montpellier, lequel en a prononcé l'annulation par un jugement rendu le 7 décembre 2021. Par sa requête, Mme E... B... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'une autorisation d'urbanisme, de se prononcer sur le bien-fondé des différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance. Dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus ne justifie l'annulation, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens.

En ce qui concerne les motifs d'annulation retenus par les premiers juges :

3. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme : " Les destinations de constructions sont : / 1° Exploitation agricole et forestière ; / 2° Habitation ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 151-28 du même code : " Les destinations de constructions prévues à l'article R. 151-27 comprennent les sous-destinations suivantes : / 1° Pour la destination " exploitation agricole et forestière " : exploitation agricole, exploitation forestière ; / 2° Pour la destination " habitation " : logement, hébergement ; / (...) ". Doit être regardé comme une construction à usage d'habitation pour l'application des dispositions d'un plan local d'urbanisme un édifice destiné, compte tenu de ses caractéristiques propres, à l'habitation. La circonstance qu'une telle construction n'a pas été occupée, même durant une longue période, n'est pas par elle-même de nature à changer la destination du bâtiment.

4. Selon l'article A/1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Carcassonne régissant la zone agricole A dans laquelle se situe le terrain d'assiette des travaux litigieux et plus particulièrement le secteur Ap au sein duquel ce terrain est classé : " Sont interdites les occupations et utilisations du sol non conformes à la vocation de la zone et autres que celles autorisées à l'article A/2 (...) ". Aux termes de l'article A/2 du même règlement auquel il est ainsi renvoyé : " Sont admises sous conditions particulières : / 2.1. Dans l'ensemble de la zone : / (...) / d) Les extensions des bâtiments d'habitation existants, sous réserve qu'ils ne portent atteinte ni à l'exploitation agricole existante ni à la qualité paysagère su site ; / e) Les annexes des constructions à usage d'habitation existantes (...) sous réserve : - qu'elles ne portent pas atteinte à l'exploitation agricole existante (...) / 2.3. Sont également autorisées en secteur Ap : / a) Les constructions et les installations nécessaires à une exploitation agricole à condition qu'elles ne portent pas atteinte à la qualité des paysages ; / (...) / b) Les constructions nouvelles à destination d'habitation (...), dans la limite d'une par exploitation agricole, à condition : / - qu'elles soient nécessaires à une exploitation agricole ; (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... B... a acquis avec son conjoint, par un acte notarié signé le 9 avril 2020, les parcelles cadastrées ... nos ... et 408 auprès de M. D..., lequel les avait lui-même achetées à M. F... le 28 décembre 2012. Il ressort des mêmes pièces que l'unité foncière en cause supporte sur la parcelle ... n° 408 d'une part, un bâtiment principal de niveau R + 1 et, d'autre part, un ancien pigeonnier implanté sur la limite séparative avec la parcelle ... n° .... Il ressort à cet égard clairement des mentions portées par Mme E... B... tant dans le formulaire de déclaration préalable que dans la notice jointe à l'appui de cette déclaration que l'objet de ladite déclaration se limite aux travaux de rénovation prévus sur le bâtiment principal sans inclure les travaux envisagés sur le pigeonnier.

6. La notice descriptive du projet précise que le bâtiment principal a été édifié avant l'année 1900 et qu'il constituait la maison d'habitation du régisseur du Domaine de Rivoire. Les photographies jointes à la déclaration préalable révèlent notamment que la construction en litige présente une composition architecturale symétrique en forme de H et qu'elle est pourvue de nombreuses ouvertures au rez-de-chaussée et à l'étage. Il ressort par ailleurs du diagnostic technique de ce bâtiment, annexé à l'acte notarié du 28 décembre 2012, versé au dossier par les intimés, que, si le sous-sol de l'immeuble comprend deux granges et si son rez-de-chaussée intègre deux garages, la majeure partie de la surface du rez-de-chaussée, ainsi que l'intégralité de la surface de l'étage, sont affectées à des locaux à usage d'habitation, à savoir une entrée, un séjour, deux cuisines, des toilettes et huit chambres. Les photographies intérieures du bâtiment, produites par la requérante, confirment que le bâtiment en cause a été édifié en vue de l'usage principal de logement et qu'il a été utilisé en tant que tel pendant plusieurs décennies. Les actes notariés des 28 décembre 2012 et 9 avril 2020 identifient le bien comme " un immeuble bâti à usage d'habitation en mauvais état avec terrain attenant " et les services fiscaux attestent qu'une surface totale de 365 m2 est évaluée en tant que " locaux d'habitation " depuis au moins l'année 1970. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, corroborés par le relevé hypothécaire de l'ancienne parcelle n° 1093 et par l'attestation établie par M. F..., la construction principale implantée sur la parcelle ... n° 408 présente les caractéristiques d'un bâtiment à destination d'habitation et non celles d'un bâtiment à destination d'exploitation agricole. Il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges ont regardé les travaux déclarés par Mme E... B... comme ayant pour objet le changement de destination d'un bâtiment agricole en habitation en violation des dispositions précitées du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Carcassonne.

7. En second lieu, aux termes du paragraphe 9 de l'article A/11 du règlement du plan local d'urbanisme de Carcassonne : " La clôture est constituée : / - soit d'un muret en pierres traditionnel ou maçonné et crépi, / - soit d'un grillage à large maille de 15/20 cm minimum sur piquet bois ou acier, sans aucun muret de soubassement maçonné ni scellement apparent, / - et éventuellement doublée d'une haie végétale composée d'essences variées. / (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier et notamment des plans d'élévation annexés par Mme E... B... à sa déclaration préalable du 29 septembre 2020 que les travaux envisagés par l'intéressée comportent notamment la réalisation d'une clôture constituée d'un muret d'une hauteur de 80 centimètres surmonté d'un grillage d'une hauteur d'un mètre, ce que n'autorisent pas les prescriptions du paragraphe 9 de l'article A/11 du règlement du plan local d'urbanisme mentionnées au point précédent. Il est vrai que la requérante a déposé le 6 septembre 2021 une nouvelle déclaration préalable, présentée comme modifiant la déclaration initiale et prévoyant la réalisation d'un simple muret doublé d'une haie végétale, laquelle a donné lieu à une décision de non-opposition prise par le maire de Carcassonne le 5 novembre 2021. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, par un arrêté pris le 1er février 2022, le maire a retiré cette décision de non-opposition, de sorte que l'intéressée ne peut plus utilement s'en prévaloir pour soutenir que l'illégalité concernant la clôture aurait été régularisée à la date du présent arrêt. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des prescriptions relatives aux clôtures reste fondé.

9. L'article L. 600-5 du code de l'urbanisme dispose que : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ".

10. Le vice entachant la décision en litige, relevé au point 8 ci-dessus, n'affecte qu'une partie identifiable du projet de travaux présenté par Mme E... B... et peut être régularisé par l'intervention d'une décision de non-opposition modificative sans que la nature même du projet n'en soit changée. Il en résulte que ce seul vice n'est pas de nature à justifier à lui seul l'annulation totale de la décision du 15 janvier 2021 prononcée par le tribunal administratif de Montpellier. Il appartient dès lors à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme K... et M. C..., tant en première instance qu'en appel, à l'encontre de la décision du maire de Carcassonne.

En ce qui concerne les autres moyens de Mme K... et M. C... :

11. En premier lieu, la décision en litige a été signée, pour le maire de Carcassonne, par Madame H... A..., première adjointe au maire déléguée à l'urbanisme, au cœur de ville et à l'hygiène, laquelle bénéficiait d'une délégation de signature à cet effet en vertu d'un arrêté du maire pris le 3 juillet 2020 et régulièrement publié le 4 juillet suivant. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision doit être écarté comme manquant en fait.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires : / (...) c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 ; / (...) ".

13. Il résulte de ce qui a été exposé au point 6 du présent arrêt que les travaux déclarés par Mme E... B... ne peuvent être regardés comme entraînant le changement de destination d'un bâtiment d'exploitation agricole en bâtiment à usage d'habitation. Par suite, les intimés ne sont pas fondés à soutenir que le projet de l'intéressée était soumis à un permis de construire en application de l'article R. 421-14 précité du code de l'urbanisme.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-35 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " La déclaration préalable précise : / (...) c) La nature des travaux ou du changement de destination ; / d) S'il y a lieu, la surface de plancher et la destination et la sous-destination des constructions projetées définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 ; / e) Les éléments, fixés par arrêtés, nécessaires au calcul des impositions ; / (...) ".

15. D'une part, ainsi qu'il a été précisé au point 5 ci-dessus, il ressort clairement des indications portées par l'appelante dans sa déclaration préalable que l'objet de la déclaration se limite aux travaux de rénovation envisagés sur le bâtiment principal sans inclure les travaux projetés sur le pigeonnier. D'autre part, il résulte de ce qui a été développé au point 6 que la requérante n'avait pas à faire mention d'un changement de destination dans sa déclaration préalable. Enfin, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les travaux prévus par l'intéressée seraient de nature à entraîner la création de nouvelles surfaces taxables. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de déclaration préalable ne peut qu'être écarté.

16. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 111-23 du code de l'urbanisme : " La restauration d'un bâtiment dont il reste l'essentiel des murs porteurs peut être autorisée, sauf dispositions contraires des documents d'urbanisme et sous réserve des dispositions de l'article L. 111-11, lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment. ".

17. D'une part et contrairement à ce que soutiennent les intimés, les dispositions des articles A/1 et A/2 du règlement du plan local d'urbanisme de Carcassonne citées au point 4 du présent arrêt ne subordonnent pas toutes les possibilités de construction au sein du secteur Ap à la condition que les travaux se rapportent à une activité agricole. D'autre part et en toute hypothèse, ainsi que le relève l'appelante, les travaux envisagés sur sa propriété pouvaient être légalement autorisés sur le fondement des dispositions de l'article L. 111-23 du code de l'urbanisme mentionnées au point précédent, auxquelles se réfère d'ailleurs explicitement le paragraphe 5 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme, dès lors qu'ils portent sur la rénovation d'une construction présentant un intérêt architectural, située dans le périmètre du site classé de la cité de Carcassonne, ayant conservé l'ensemble de ses murs porteurs et ne nécessitant pas la réalisation de travaux d'extension des réseaux publics.

18. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". En outre, aux termes de l'article 3 des dispositions communes du règlement du plan local d'urbanisme de Carcassonne : " Pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur le fonds voisin en application de l'article 682 du code civil. (...) / Les caractéristiques géométriques et mécaniques des accès et voies doivent être conformes aux législations, règlementations et prescriptions en vigueur afin de faciliter la circulation et l'approche (...) des moyens d'urgence et de secours (...). / 3.a - Les accès : / Les accès ne devront pas présenter de risques pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. (...) / 3.c - Accessibilité des moyens de secours : / Les voies et accès devront présenter des caractéristiques minimales requises pour permettre l'approche du matériel de lutte contre l'incendie. / Ces caractéristiques sont celles d'une voie engin ci-après définies : / - largeur : 3 mètres hors stationnement, (...) / De plus et en aggravation, les voies et accès qui doivent permettre l'approche du matériel de lutte contre l'incendie pour les bâtiments dont le plancher bas est à plus de 8 mètres devront avoir des caractéristiques d'une voie échelle. / La voie échelle est une partie de la voie engin dont les caractéristiques sont complétées et modifiées comme suit : / - longueur minimale : 10 mètres, / - largeur : 4 mètres hors stationnement, (...) ".

19. Il ressort des pièces du dossier que les travaux déclarés par Mme E... B... incluent la mise en place d'un mur de clôture parallèle à la façade nord du bâtiment principal, lequel viendra scinder en deux parties distinctes la voie privée située sur la parcelle ... n° 408 servant d'accès à l'ensemble des propriétés du Domaine du Rivoire et en particulier à celles des intimés. Il ressort cependant des plans annexés à la déclaration préalable en litige que les deux parties de la voie d'accès ainsi réaménagée présenteront chacune une largeur de 3 mètres, ce qui répond aux exigences précitées du plan local d'urbanisme pour une voie engin. Si les intimés soutiennent que la sécurité du Domaine de Rivoire imposerait la réalisation d'une voie échelle large d'au moins 4 mètres, il n'est ni établi ni allégué que l'un des bâtiments de ce domaine et notamment le château appartenant à Mme K... présenterait un plancher bas situé à plus de 8 mètres de hauteur. Par ailleurs, si les intéressés se prévalent d'un message électronique rédigé par un agent du service départemental d'incendie et de secours de l'Aude le 26 mars 2021, lequel se borne au demeurant à conseiller le maintien d'un passage permettant l'accès et le stationnement de l'échelle des pompiers, il ressort du courrier établi par le directeur de ce même service à l'attention du maire le 5 octobre 2021 que l'accessibilité du domaine par les engins de lutte contre l'incendie est assurée de manière satisfaisante par un chemin d'une largeur de 3 mètres. En outre, si les intimés font valoir que la pétitionnaire aurait implanté des installations techniques réduisant la largeur de l'accès à moins de 3 mètres, une telle circonstance relative à l'exécution des travaux, à la supposer même avérée, est sans influence sur la légalité de l'autorisation d'urbanisme en litige. Il s'ensuit qu'en ne s'opposant pas aux travaux déclarés par l'appelante, le maire de Carcassonne n'a ni méconnu les dispositions précitées du règlement du plan local d'urbanisme, ni commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Enfin, les intimés ne peuvent utilement se prévaloir sur ce point ni de l'article R. 111-5 du même code, lequel ne s'applique pas en présence d'un plan local d'urbanisme, ni de l'article 4 de l'arrêté interministériel du 31 janvier 1986 susvisé, lequel n'est pas directement opposable à une autorisation d'urbanisme, ni des prescriptions des paragraphes 3.b et 3.d des dispositions communes du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Carcassonne, lesquelles ne régissent que la création de voies nouvelles et ne s'appliquent pas aux servitudes de passage permettant l'accès des terrains à ces voies.

20. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prévoyant de scinder la voie d'accès au Domaine de Rivoire en deux parties d'une largeur de 3 mètres comme il a été indiqué au point précédent, le projet porté par Mme E... B... aurait pour effet d'empêcher l'accès des engins agricoles aux parcelles sylvicoles de Mme K.... Dès lors, les intimés ne sont pas fondés à soutenir que l'édification du mur de clôture ne serait pas conforme à la vocation de la zone agricole et que l'autorisation d'urbanisme en litige méconnaîtrait de ce fait l'article A/1 du règlement du plan local d'urbanisme rappelé au point 4 du présent arrêt.

21. En septième lieu, selon l'article R. 425-17 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans un site classé ou en instance de classement, la décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable ne peut intervenir qu'avec l'accord exprès prévu par les articles L. 341-7 et L. 341-10 du code de l'environnement : / a) Cet accord est donné par le préfet (...) dans les conditions prévues par l'article R. 341-10 du code de l'environnement, après avis de l'architecte des Bâtiments de France, lorsque le projet fait l'objet d'une déclaration préalable ; / (...) ". Aux termes de l'article 11 des dispositions communes du règlement du plan local d'urbanisme de Carcassonne : " (...) / En aucun cas, les constructions, réhabilitations et installations diverses ne doivent, par leur situation, leurs dimensions ou leur aspect extérieur, porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages, ainsi qu'à la préservation des perspectives monumentales. (...) Tout projet, à la fois dans son ensemble et dans chacune de ses composantes (rythme, proportions, matériaux, couleurs), doit au moins s'harmoniser voire améliorer le caractère du quartier ou du secteur dans lequel il est situé et de l'espace urbain existant ou projeté dans lequel il s'inscrit. / (...) / Toute intervention (extension ou réhabilitation) sur une construction existante devra être réalisée en harmonie avec le bâtiment initial, tant du point de vue architectural que de l'aspect des matériaux, avec les mêmes teintes, les mêmes pentes et matériaux de toiture. Toutefois, d'autres teintes et matériaux pourront être mise en œuvre s'ils sont justifiés par une recherche et une création architecturale intégrées au site et à l'environnement naturel et bâti. (...) ".

22. Il ressort des pièces du dossier que l'architecte des bâtiments de France, consulté sur la déclaration préalable de l'appelante en raison de la situation des parcelles dans le périmètre du site classé de la cité de Carcassonne, a émis le 25 novembre 2020 un avis favorable assorti de plusieurs prescriptions portant notamment sur les formes, matériaux et teintes des menuiseries et sur les finitions des murs de clôture. Par une décision du 7 janvier 2021 prise au titre de l'article R. 425-17 du code de l'urbanisme, la préfète de l'Aude a autorisé la réalisation des travaux projetés sous réserve du respect de l'ensemble des prescriptions de l'architecte des bâtiments de France. Enfin, par la décision en litige, le maire de Carcassonne a imposé à Mme E... B... le respect de ces mêmes prescriptions. En se bornant à relever que le projet prévoit de remplacer les portes en bois par des portes-fenêtres avec seuil en aluminium, les intimés ne démontrent ni que les travaux prévus ne respecteraient pas les prescriptions de l'architecte des bâtiments de France, ni que le maire aurait méconnu l'article 11 des dispositions communes du règlement du plan local d'urbanisme en ne s'opposant pas à la déclaration préalable de l'appelante.

23. En huitième lieu, d'une part, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 15 ci-dessus, Mme K... et M. C... ne peuvent valablement soutenir que Mme E... B... aurait porté des informations inexactes dans sa déclaration préalable du 29 septembre 2020 en présentant les bâtiments en cause comme étant à destination d'habitation. D'autre part, s'il est vrai que la requérante a présenté d'autres déclarations préalables de travaux portant sur les mêmes parcelles ... nos ... et 408 après le 15 janvier 2021, il ne ressort pas des pièces du dossier que, même pris dans leur ensemble, les travaux inclus dans les déclarations préalables successives de l'intéressée auraient justifié le dépôt d'une demande de permis de construire en application de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme. En conséquence, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été obtenue par fraude doit être écarté.

24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé l'annulation totale de la décision de non-opposition du 15 janvier 2021 et qu'il n'a pas limité la portée de cette annulation aux travaux relatifs à la réalisation des clôtures.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme E... B..., qui n'a pas la qualité de partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, la somme demandée par Mme K... et M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme K... et M. C... la somme réclamée par Mme E... B... sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du maire de Carcassonne du 15 janvier 2021 est annulée en tant seulement qu'elle autorise la réalisation de la clôture.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 7 décembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme E... B... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de Mme K... et M. C... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... E... B..., à la commune de Carcassonne, à Mme J... K... et à M. G... C....

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au préfet de l'Aude, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL00038


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00038
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SELAS CHOPIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-05;22tl00038 ?
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