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05/10/2023 | FRANCE | N°21TL00865

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 05 octobre 2023, 21TL00865


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet du Gard a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 10 mai 2019 par lequel le maire de Nîmes a délivré un permis de construire à la société civile immobilière (SCI) Le Sénevé pour l'extension et la rénovation de cinq bâtiments.

Par un jugement n° 1903867 du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mars 2021, sous le n°21MA00865 au greffe de la cou

r administrative d'appel de Marseille, puis sous le n° 21TL00865 au greffe de la cour administrative d'ap...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet du Gard a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 10 mai 2019 par lequel le maire de Nîmes a délivré un permis de construire à la société civile immobilière (SCI) Le Sénevé pour l'extension et la rénovation de cinq bâtiments.

Par un jugement n° 1903867 du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mars 2021, sous le n°21MA00865 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis sous le n° 21TL00865 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Le Sénevé, représentée par la SCP CGCB et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 janvier 2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le déféré est irrecevable pour tardiveté ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de l'absence de l'attestation prévue au e) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme ;

- seuls les travaux de bâtiments neufs entrent dans le champ du contrôle technique obligatoire et, au demeurant, les bâtiments concernés par l'opération litigieuse ne relèvent pas, mis à part le bâtiment 2, de la catégorie d'importance III prévue par l'arrêté du 22 octobre 2010 relatif à la classification et aux règles de construction parasismique applicables aux bâtiments de la classe dite " à risque normal " ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de l'application erronée des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme alors que ce moyen est inopérant et que l'existence d'un risque sismique n'est pas établie ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la non-conformité du dispositif d'alimentation en eau potable aux exigences de l'article A4 du règlement du plan local d'urbanisme et à celles de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2021, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le déféré a été introduit dans le délai de recours contentieux, régulièrement interrompu par le courrier de demande d'informations et de pièces nécessaires ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

En application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 25 octobre 2022.

Les parties ont été informées le 14 septembre 2023, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, que la cour était susceptible de surseoir à statuer dans l'attente de l'intervention d'une éventuelle mesure de régularisation susceptible de remédier aux illégalités entachant le permis de construire en litige tirées de la méconnaissance du e) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, de la méconnaissance de l'article A4 du règlement du plan local d'urbanisme de Nîmes et de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 22 octobre 2010 relatif à la classification et aux règles de construction parasismique applicables aux bâtiments de la classe dite " à risque normal " ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Aldigier représentant la société appelante.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 10 mai 2019, le maire de Nîmes a délivré à la société civile immobilière Le Sénevé un permis de construire pour l'extension et la rénovation de cinq bâtiments sur un terrain situé route de Générac kilomètre 7, cadastré section KA numéros de parcelles 44, 50 et 51, en secteur de taille et de capacité limitées Ac2 du plan local d'urbanisme de la commune. Sur déféré du préfet du Gard, par un jugement n° 1903867 du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté. Par la présente requête, la société Le Sénevé interjette appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande du préfet du Gard devant le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement (...) ". Aux termes de l'article L. 2131-2 du même code : " Sont soumis aux dispositions de l'article L. 2131-1 les actes suivants: / (...) 6° Le permis de construire et les autres autorisations d'utilisation du sol et le certificat d'urbanisme délivrés par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, lorsqu'il a reçu compétence dans les conditions prévues aux articles L. 422-1 et L. 422-3 du code de l'urbanisme ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2131-6 du même code : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (...) ". Par ailleurs, en application de l'article L. 424-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque l'autorité compétente est le maire au nom de la commune (...) le permis est exécutoire, lorsqu'il s'agit d'un arrêté, à compter de sa notification au demandeur et de sa transmission au préfet dans les conditions définies aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales ". Selon l'article R. 423-7 du même code : " Lorsque l'autorité compétente pour délivrer le permis ou pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est le maire au nom de la commune, celui-ci transmet un exemplaire de la demande ou de la déclaration préalable au préfet dans la semaine qui suit le dépôt. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le délai de deux mois prévu à l'article L. 2132-6 du code général des collectivités territoriales court à compter de la date à laquelle cet acte a été reçu par le préfet de département, en préfecture, ou le sous-préfet d'arrondissement compétent, en sous-préfecture, ou, si elle est antérieure, à la date à laquelle le texte intégral de l'acte a été porté à sa connaissance par les services de l'Etat placés sous son autorité, lorsque la commune concernée a transmis l'acte à ces derniers en application des dispositions rappelées ci-dessus. Lorsque la transmission de l'acte au représentant de l'État, faite en application de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, ne comporte pas le texte intégral de cet acte ou n'est pas accompagnée des documents annexes nécessaires pour mettre le préfet à même d'en apprécier la portée et la légalité de l'acte, il appartient au représentant de l'État de demander à l'autorité territoriale, dans le délai de deux mois de la réception de l'acte transmis, de compléter cette transmission. Dans ce cas, le délai de deux mois imparti au préfet pour déférer l'acte au tribunal administratif court soit de la réception du texte intégral de l'acte ou des documents annexes réclamés, soit de la décision, explicite ou implicite, par laquelle l'autorité territoriale refuse de compléter la transmission initiale. En outre, ce délai peut être prorogé si le préfet forme, dans le délai de deux mois suivant la transmission des documents nécessaires ou la décision de refus de les transmettre un recours gracieux auprès de l'autorité auteure de l'acte en cause.

4. Il est constant que le permis de construire délivré le 10 mai 2019, objet du déféré du préfet du Gard, a été reçu par les services préfectoraux le 13 mai suivant sans que l'autorisation préfectorale mentionnée au point 1.2 alinéa 2 de l'article A4 du règlement du plan local d'urbanisme relative à l'adduction collective privée pour l'alimentation en eau, et l'attestation d'un contrôleur technique relative à la prise en compte des règles parasismiques, pièce prévue par les dispositions du e) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme n'y soient jointes. Comme l'a jugé le tribunal, il ressort des pièces du dossier que ces pièces, dont le préfet a demandé la transmission par courrier du 11 juillet 2019 reçu le 15 juillet suivant, sauf à ce que le maire de Nîmes l'informe de l'absence d'augmentation de la capacité d'accueil du bâtiment à étendre et rénover, étaient nécessaires pour mettre le préfet à même d'apprécier la légalité du permis attaqué afin, d'une part, de vérifier sa conformité aux règlementations sanitaires et parasismiques, et, d'autre part s'agissant de l'alimentation en eau potable des bâtiments par un forage privé soumis à autorisation préfectorale, du respect des dispositions de l'article A4 du règlement du plan local d'urbanisme de Nîmes, alors même que cette autorisation n'est pas, par sa nature même, soumise à transmission. Si la société appelante soutient que le formulaire Cerfa transmis au préfet le 13 mai 2019 comportait un bordereau de pièces jointes dont la rubrique PC12 " si votre projet est tenu de respecter les règles parasismiques et paracycloniques " n'était pas cochée, de sorte que la demande de transmission de ces pièces ne présentait aucune utilité, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait disposé des informations lui permettant de s'assurer du respect par les travaux projetés de la réglementation parasismique. Dans le délai de deux mois suivant la transmission du permis de construire attaqué, le préfet a demandé, par courrier du 11 juillet 2019 au maire de Nîmes de compléter cette transmission par l'information nécessaire, ou à défaut, la production de ces deux documents. Par suite, la demande de pièces complémentaires a empêché le déclenchement du délai de recours juridictionnel, qui n'a commencé à courir qu'à compter du 15 septembre 2019, date du refus implicite du maire de compléter la transmission du dossier de permis de construire, et qui n'était pas expiré le 14 novembre 2019, date de l'enregistrement du déféré au greffe du tribunal. En conséquence, le déféré du préfet du Gard n'est pas tardif et la fin de non-recevoir opposée par la commune de Nîmes devait être écartée.

En ce qui concerne les motifs d'annulation retenus par les premiers juges :

5. En application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement annulant un acte en matière d'urbanisme, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation.

S'agissant du motif tiré de l'absence de l'attestation prévue au e) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme :

6. D'une part, aux termes du 1er alinéa de l'article L. 563-1 du code de l'environnement : " Dans les zones particulièrement exposées à un risque sismique ou cyclonique, des règles particulières de construction parasismique ou paracyclonique peuvent être imposées aux équipements, bâtiments et installations ". Aux termes de l'article R. 563-3 de ce code : " I. - La classe dite "à risque normal" comprend les bâtiments, équipements et installations pour lesquels les conséquences d'un séisme demeurent circonscrites à leurs occupants et à leur voisinage immédiat. / II. - Ces bâtiments, équipements et installations sont répartis entre les catégories d'importance suivantes (...) 3° Catégorie d'importance III : ceux dont la défaillance présente un risque élevé pour les personnes et ceux présentant le même risque en raison de leur importance socio-économique ; (...) ". Selon l'article R. 563-4 du même code : " I.- Des mesures préventives, notamment des règles de construction, d'aménagement et d'exploitation parasismiques, sont appliquées aux bâtiments, aux équipements et aux installations de la classe dite " à risque normal " situés dans les zones de sismicité 2, 3, 4 et 5, respectivement définies aux articles R. 563-3 et R. 563-4. (...). / II.- Pour l'application de ces mesures, des arrêtés (...) définissent la nature et les caractéristiques des bâtiments, des équipements et des installations, les mesures techniques préventives ainsi que les valeurs caractérisant les actions des séismes à prendre en compte. / III.-Les dispositions des I et II s'appliquent : / 1° Aux équipements, installations et bâtiments nouveaux ; / 2° Aux additions aux bâtiments existants par juxtaposition, surélévation ou création de surfaces nouvelles ; / 3° Aux modifications importantes des structures des bâtiments existants ".

7. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / (...) e) Dans les cas prévus par les 4° et 5° de l'article R. 111-38 du code de la construction et de l'habitation, un document établi par un contrôleur technique mentionné à l'article L. 111-23 de ce code, attestant qu'il a fait connaître au maître d'ouvrage son avis sur la prise en compte, au stade de la conception, des règles parasismiques et paracycloniques prévues par l'article L. 563-1 du code de l'environnement ; (...) ". Selon l'article R. 111-38 du code de la construction et de l'habitation : " Sont soumises obligatoirement au contrôle technique prévu à l'article L. 111-23 les opérations de construction ayant pour objet la réalisation : / (...) 5° Lorsqu'ils sont situés dans les zones de sismicité 2,3,4 ou 5, délimitées conformément à l'article R. 563-4 du code de l'environnement, des bâtiments appartenant aux catégories d'importance III et IV au sens de l'article R. 563-3 du même code (...) ". L'article 2 de l'arrêté du 22 octobre 2010 relatif à la classification et aux règles de construction parasismique applicables aux bâtiments de la classe dite " à risque normal ", dans sa version applicable, précise que : " Pour l'application du présent arrêté, les bâtiments de la classe dite à risque normal sont répartis en quatre catégories d'importance définies par l'article R. 563-3 du code de l'environnement et précisées par le présent article. Pour les bâtiments constitués de diverses parties relevant de catégories d'importance différentes, c'est le classement le plus contraignant qui s'applique à leur ensemble. Les bâtiments sont classés comme suit : (...) En catégorie d'importance III : ' les établissements scolaires ; ' les établissements recevant du public des 1re, 2e et 3e catégories au sens des articles R. 123-2 et R. 123-19 du code de la construction et de l'habitation ; ' les bâtiments dont la hauteur dépasse 28 mètres : ' bâtiments d'habitation collective ; (...) ". L'article 3 du même arrêté prévoit que : " Les règles de construction définies à l'article 4 s'appliquent : / 1° A la construction de bâtiments nouveaux des catégories d'importance III et IV dans la zone de sismicité 2 définie par l'article R. 563-4 du code de l'environnement ; / 2° A la construction de bâtiments nouveaux des catégories d'importance II, III et IV dans les zones de sismicité 3,4 et 5 définies par l'article R. 563-4 du code de l'environnement ; / 3° Aux bâtiments existants dans les conditions suivantes : Conditions générales : La catégorie d'importance à considérer pour l'application des dispositions constructives est celle qui résulte du classement du bâtiment après travaux ou changement de destination. Les extensions de bâtiments désolidarisées par un joint de fractionnement respectent les règles applicables aux bâtiments neufs telles qu'elles sont définies à l'article 4. Les travaux, de quelque nature qu'ils soient, réalisés sur des bâtiments existants ne doivent pas aggraver la vulnérabilité de ceux-ci au séisme. En cas de travaux visant uniquement à renforcer le niveau parasismique d'un bâtiment, le niveau de dimensionnement de ce renforcement au sens de la norme NF-EN 1998-3 décembre 2005 "évaluation et renforcement des bâtiments" à savoir quasi-effondrement, dommage significatif ou limitation des dommages relève du choix du maître d'ouvrage. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le projet concernant l'extension et la rénovation de cinq bâtiments d'un établissement religieux à vocation d'enseignement est situé en zone de sismicité 2 pour l'application de l'article R. 563-4 du code de l'environnement. Le permis de construire en litige porte, notamment, sur l'extension et le changement de destination de surfaces d'un bâtiment, en particulier le changement de destination d'un hangar agricole en locaux d'enseignement et d'habitation, la création de surfaces sur vide et la prolongation de terrasse couverte, dont les locaux, qui comprennent une salle de cours, une bibliothèque et des salles d'activités diverses, sont destinés partiellement à un usage d'établissement scolaire pour des mineurs. Ce bâtiment, qui reçoit ainsi du public vulnérable pour lequel la défaillance de la structure entraînerait un risque élevé, relève de la catégorie d'importance III pour la prévention du risque sismique selon l'article 2 de l'arrêté du 22 octobre 2010. Il ressort également des pièces du dossier que le permis de construire autorise des travaux sur cinq bâtiments existants accolés, par juxtaposition, surélévation ou création de surfaces nouvelles, alors au demeurant qu'il n'est établi ni même allégué une désolidarisation des extensions autorisées et qu'il n'est fait état d'aucune précision quant à l'impact des travaux sur le comportement de la structure. Par suite, eu égard tant à la localisation du projet qu'à ses caractéristiques, ces travaux autorisés constituent une opération de construction pour la réalisation d'un établissement scolaire, au sens de l'article R. 111-38 du code de la construction et de l'habitation. Il s'ensuit qu'en l'absence dans le dossier de demande de l'avis du contrôleur technique sur la prise en compte des règles parasismiques, l'autorité administrative n'a pas été mise en mesure, au vu de l'ensemble des pièces produites de porter une appréciation sur la conformité du projet à la réglementation applicable. Par conséquent, en prenant l'arrêté de permis de construire du 10 mai 2019, le maire de Nîmes a méconnu les dispositions du e) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme.

S'agissant du motif tiré de la méconnaissance de l'article A4 du règlement du plan local d'urbanisme :

9. Aux termes du point 1.2 de l'article A4 du règlement du plan local d'urbanisme de Nîmes relatif à l'alimentation en eau par une ressource privée : " Pour tout local ou installation réputés non desservis dans le schéma communautaire de distribution d'eau potable (...), il sera admis une installation individuelle sous réserve qu'elle soit conforme à la législation et à la réglementation en vigueur ; les forages devront notamment être déclarés en Mairie conformément au décret n°2008-652 du 2 juillet 2008 et aucune liaison physique ne sera autorisée avec le réseau public d'eau potable, y compris via le réseau privé d'eau potable, le jour où le local ou l'installation deviendront desservis et raccordés. / Il est à noter que la règlementation diffère selon les deux types d'usage suivants : - unifamilial régi par l'article L. 2224-9 du code général des collectivités territoriales pour lequel une analyse de l'eau de type Pl conformément à l'arrêté préfectoral du 26 février 2004 doit être réalisée et jointe à la déclaration auprès de la commune, - collectif desservant des tiers ou alimentant plusieurs familles pour lequel une autorisation préfectorale doit être demandée au titre de l'article L. 1321-7 du code de la santé publique. Le service d'hygiène procèdera à l'étude complète du dossier et un programme d'analyse sera établi ". Aux termes de l'article L. 1321-7 du code de la santé publique : " I.- Sans préjudice des dispositions de l'article L. 214-1 du code de l'environnement, est soumise à autorisation du représentant de l'Etat dans le département l'utilisation de l'eau en vue de la consommation humaine, à l'exception de l'eau minérale naturelle, pour : / (...) 2° La distribution par un réseau public ou privé, à l'exception de la distribution à l'usage d'une famille mentionnée au III et de la distribution par des réseaux particuliers alimentés par un réseau de distribution public ; (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire que les bâtiments concernés par le projet litigieux, qui ne sont pas raccordés au réseau public de distribution d'eau potable, doivent être alimentés en eau par un forage existant, lequel doit être autorisé au titre du code de la santé publique afin de garantir la salubrité et la santé publiques. Il est constant que l'installation individuelle d'alimentation en eau potable du bâtiment collectif de la société Le Sénevé, dont la capacité d'accueil est augmentée d'au moins seize personnes par le projet autorisé, n'a fait l'objet d'aucune autorisation du préfet du Gard. Dans ces conditions, l'installation individuelle ainsi prévue ne peut être regardée comme respectant les dispositions précitées de l'article A4 du règlement du plan local d'urbanisme de Nîmes.

S'agissant du motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

11. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

12. Ainsi qu'il a été exposé aux points précédents, d'une part, le projet d'extension et de rénovation du bâtiment à usage d'établissement scolaire a été autorisé sans que les règles parasismiques aient été prises en compte au stade de la conception des travaux et, d'autre part, le projet d'extension et de rénovation des cinq bâtiments a été autorisé sans que le dispositif d'alimentation en eau potable par une ressource privée ait fait l'objet de l'autorisation préfectorale requise destinée à sécuriser l'alimentation en eau pour la consommation humaine. Dans ces conditions, alors que le dossier ne permettait pas d'apprécier la conformité des travaux aux dispositions précitées du code de l'urbanisme et du règlement du plan local d'urbanisme, le maire de Nîmes en délivrant le permis de construire en litige a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des prescriptions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Sur la possibilité d'une régularisation :

13. L'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. (...). ".

14. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Un vice relatif au bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si la régularisation implique de revoir l'économie générale du projet, dès lors que les règles en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

15. Les illégalités entachant le permis de construire accordé par l'arrêté en litige du maire de Nîmes en date du 10 mai 2019, telles que relevées aux points 8, 10 et 12 ci-dessus, sont susceptibles d'être régularisées par l'octroi d'un permis de construire modificatif. La régularisation de ces vices n'implique pas d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature. Il y a donc lieu de surseoir à statuer sur les conclusions relatives à ce permis, pendant une durée de trois mois suivant la notification du présent arrêt, dans l'attente de la notification par la société appelante d'un permis de construire modificatif susceptible de remédier à ces illégalités.

D E C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête de la société Le Sénevé pendant une durée de trois mois à compter la notification du présent arrêt dans l'attente de la notification à la cour d'un permis de construire modificatif régularisant les vices relevés par le présent arrêt.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Le Sénevé, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Nîmes.

Copie pour information en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, à laquelle siégeaient

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.

Le président-assesseur,

X. Haïli

Le président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21TL00865

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00865
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Xavier HAÏLI
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : COULOMBIE, GRAS, CRETIN, BECQUEVORT, ROSIER, SOLAND

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-05;21tl00865 ?
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