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28/09/2023 | FRANCE | N°21TL24539

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 28 septembre 2023, 21TL24539


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société RAGT Semences a, en sa qualité de société mère d'un groupe fiscalement intégré, demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer le remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche d'un montant de 1 202 752 euros, correspondant à des dépenses exposées par sa filiale, la société RAGT 2N, au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1902973 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête, enregistrée le 15 décembre 2021 sous le n° 21BX04539 au greffe de la cour administrativ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société RAGT Semences a, en sa qualité de société mère d'un groupe fiscalement intégré, demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer le remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche d'un montant de 1 202 752 euros, correspondant à des dépenses exposées par sa filiale, la société RAGT 2N, au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1902973 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2021 sous le n° 21BX04539 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 21TL24539 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et trois mémoires enregistrés le 25 juillet 2022, le 17 février 2023 et le 29 juin 2023, la société RAGT Semences, représentée par Me Letranchant, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer le remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche d'un montant de 1 202 752 euros, correspondant à des dépenses exposées par sa filiale, la société RAGT 2N, au titre de l'année 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande devant le tribunal administratif était recevable ;

- les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et devant les charges publiques font obstacle à ce que la prescription du droit de reprise de l'administration en matière de crédit impôt recherche, prévue par l'article L. 172 G du livre des procédures fiscales, s'applique différemment selon que le contribuable a pu imputer le crédit d'impôt sur l'impôt dû ou demande la restitution de la créance correspondant à l'excédent de crédit d'impôt qui n'a pu être imputé ;

- le droit de reprise de l'administration était prescrit lorsqu'elle a partiellement rejeté la demande de restitution de la créance de crédit d'impôt recherche présentée par la société Natixis, cessionnaire de cette créance ;

- les dotations aux amortissements sur le Germplasm doivent être prises en compte dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 31 mai 2022 et le 11 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande devant le tribunal administratif était irrecevable, faute d'avoir été précédée d'une réclamation préalable présentée par la société requérante ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 12 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Restino,

- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,

- et les observations de Me Leroy, représentant la société RAGT Semences.

Considérant ce qui suit :

1. La société RAGT Semences, société mère d'un groupe fiscalement intégré auquel appartient la société RAGT 2N qui exerce une activité de recherche en vue de la création de nouvelles variétés des principales espèces de semences de grande culture, a déclaré le 14 octobre 2015 un crédit d'impôt recherche d'un montant de 8 968 875 euros à raison des dépenses de recherche exposées par sa filiale en 2014. Par convention du 2 juin 2016 conclue en application de l'article L. 313-23 du code monétaire et financier, la société RAGT Semences a cédé à la société Natixis la créance de crédit d'impôt d'un montant de 8 968 875 euros dont elle s'estimait titulaire, faute d'avoir pu imputer le crédit d'impôt sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos le 30 juin 2015. Cette cession a été notifiée à l'administration fiscale le jour même. La société Natixis a présenté le 2 janvier 2019 une réclamation tendant au remboursement de cette créance. L'administration a partiellement admis la demande de la société Natixis, à hauteur de 7 766 123 euros et lui a remboursé cette somme. La société RAGT Semences relève appel du jugement du 19 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à obtenir le remboursement du surplus de la créance de crédit d'impôt recherche cédée à la société Natixis, à hauteur de 1 202 752 euros.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. - Les entreprises industrielles (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) ". Aux termes de l'article 220 B du même code : " Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise dans les conditions prévues à l'article 199 ter B " et aux termes de l'article 199 ter B du même code : " I. - Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période (...) ".

3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire " et aux termes du premier alinéa de l'article R. 190-1 du même livre : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition ". La demande de remboursement de la créance de crédit d'impôt recherche présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article 199 ter B du code général des impôts constitue une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales.

4. Enfin, aux termes de l'article L. 313-23 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout crédit qu'un établissement de crédit ou qu'une société de financement consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement ou de cette société, par la seule remise d'un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-24 du même code : " Même lorsqu'elle est effectuée à titre de garantie et sans stipulation d'un prix, la cession de créance transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée. / Sauf convention contraire, le signataire de l'acte de cession ou de nantissement est garant solidaire du paiement des créances cédées ou données en nantissement ". Aux termes de l'article L. 313-27 du même code : " La cession ou le nantissement prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité (...) ". L'article L. 313-28 du code mentionné ci-dessus, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : " L'établissement de crédit ou la société de financement peut, à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée ou nantie de payer entre les mains du signataire du bordereau. À compter de cette notification, (...) le débiteur ne se libère valablement qu'auprès de l'établissement de crédit ou de la société de financement ".

5. Il résulte de ces dispositions, qui sont applicables aux créances détenues sur des personnes morales de droit public, que la cession d'une créance professionnelle effectuée dans les conditions prévues aux articles L. 313-23 à L. 313-34 du code monétaire et financier, d'une part, transfère à l'établissement de crédit cessionnaire la propriété de la créance cédée et, d'autre part, est opposable aux tiers à compter de la date portée sur le bordereau visé à l'article L. 313-23 de ce code, sans autre formalité. La notification de la cession, laissée à la seule initiative de l'établissement de crédit, prévue par l'article L. 313-28 de ce code a pour effet de garantir le débiteur du caractère libératoire de son paiement. Lorsque la cession de créance intervient avant la présentation de la demande au tribunal, l'établissement de crédit cessionnaire, comme le cédant, a qualité pour agir devant le juge de l'impôt afin d'obtenir le paiement de cette créance, indépendamment des procédures de notification de la cession de créance ou d'acceptation de cette cession par le débiteur. Toutefois, eu égard à l'objet de la demande de remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche et aux informations qu'elle doit contenir lorsqu'elle est présentée par le contribuable, la société cédante, qui a certes également intérêt à agir devant le juge de l'impôt dès lors notamment que, sauf convention contraire, elle est garante solidaire du paiement de la créance cédée, ne peut se prévaloir de la réclamation préalable présentée par l'établissement de crédit cessionnaire pour justifier de la recevabilité de l'instance qu'elle a directement introduite devant le tribunal administratif afin d'obtenir que la créance cédée soit remboursée.

6. Il résulte de l'instruction, d'une part, que la société requérante a directement saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à obtenir le remboursement du surplus de cette créance sans avoir présenté de réclamation préalable à l'administration fiscale et, d'autre part, que la demande de remboursement de la créance de crédit d'impôt recherche correspondant aux dépenses de recherche exposées par la société RAGT 2N en 2014 a été présentée le 2 janvier 2019 par la société Natixis, agissant en son nom propre et en sa qualité d'établissement cessionnaire. La circonstance que l'administration ait adressé à la société requérante la décision d'admission partielle de cette réclamation en date du 16 avril 2019 n'a pas eu pour effet de lui conférer la qualité d'auteur de cette réclamation. Par suite, la demande présentée devant le tribunal administratif de Toulouse par la société RAGT Semences était irrecevable.

7. Contrairement à ce que soutient la société requérante, cette irrecevabilité est d'ordre public et pouvait être invoquée pour la première fois en appel par le ministre.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société RAGT Semences n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société RAGT Semences est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société RAGT Semences et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.

La rapporteure,

V. RestinoLe président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL24539
Date de la décision : 28/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Questions diverses.

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Demandes et oppositions devant le tribunal administratif - Formes et contenu de la demande.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : CABINET VINAMASTE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-28;21tl24539 ?
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