Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2021 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de renvoi en vue de l'exécution de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2200365 rendu le 24 mai 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces, enregistrées le 22 juin 2022 et les 1er et 29 juillet 2022, M. B... A..., représenté par Me Bruna-Rosso, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Vaucluse du 10 septembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse, à titre principal, de lui délivrer une carte temporaire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans cette attente, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 440 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement attaqué ne répond pas aux moyens tirés, d'une part, de l'absence d'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et, d'autre part, de la méconnaissance de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- à titre principal :
' le préfet a méconnu les articles L. 422-1, L. 435-1, L. 423-23 et L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
' le préfet a méconnu son pouvoir de régularisation et commis une erreur de droit en ne procédant pas à un examen particulier de sa situation personnelle ;
' le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation portée sur sa situation personnelle, universitaire et professionnelle ;
' le refus de séjour est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il ne prend pas en compte l'intégralité de son parcours universitaire ;
- à titre subsidiaire :
' l'arrêté en litige a été signé par une autorité incompétente ;
' le refus de séjour est insuffisamment motivé en droit et en fait ;
' la procédure suivie est irrégulière en l'absence de recueil de l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :
- à titre principal :
' les décisions susvisées sont privées de base légale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
' le préfet a méconnu son pouvoir d'appréciation et commis une erreur de droit au regard de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en s'estimant lié par la décision portant refus de séjour ;
' le préfet a méconnu l'article L. 423-23 du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
' le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle ;
- à titre subsidiaire :
' l'arrêté en litige a été signé par une autorité incompétente ;
' l'obligation de quitter le territoire français ne comporte aucune motivation spécifique, ni en fait, ni en droit.
La requête a été communiquée le 6 septembre 2022 à la préfète de Vaucluse, laquelle n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance en date du 3 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique le rapport de M. Jazeron, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, né le 21 juillet 1987 à Mali (Guinée), est entré régulièrement sur le territoire français le 24 septembre 2014 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 24 septembre 2015. Il a bénéficié par la suite de cartes temporaires de séjour portant cette même mention, régulièrement renouvelées du 24 septembre 2015 au 24 septembre 2019. L'intéressé a sollicité le 9 décembre 2019 auprès des services de la préfecture de Vaucluse le renouvellement de sa carte temporaire de séjour portant la mention " étudiant ". Il a ensuite complété sa demande, à une date indéterminée, en sollicitant l'octroi d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 10 septembre 2021, le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande d'autorisation de travail ainsi que sa demande de titre de séjour en qualité de " salarié ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de renvoi en vue de l'exécution de cette mesure d'éloignement. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 24 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Selon l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) ". Selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. L'arrêté en litige par lequel le préfet refuse de délivrer un titre de séjour à l'appelant vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et l'article D. 5221-21-1 du code du travail. Il vise également le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais il ne précise, ni dans ses motifs, ni dans son dispositif, les dispositions de ce code dont le préfet a entendu faire application pour se prononcer sur la demande de titre de séjour de M. A.... Par suite, le requérant est fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée en droit.
4. L'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, telle que relevée au point précédent, a pour effet de priver de base légale les décisions contenues dans le même arrêté portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête et notamment sur ceux relatifs à la régularité du jugement attaqué, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, seul susceptible de l'être, le présent arrêt n'implique pas nécessairement que la préfète de Vaucluse délivre un titre de séjour à M. A..., mais seulement qu'elle prenne une nouvelle décision, après avoir réexaminé la situation de l'intéressé en tenant compte des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa nouvelle décision. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de Vaucluse de procéder à ce réexamen pour prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler dans cette attente. Il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 200 euros à verser à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 24 mai 2022 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de Vaucluse du 10 septembre 2021 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète de Vaucluse de réexaminer la situation administrative de M. A... pour prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler dans cette attente.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22TL21413