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21/09/2023 | FRANCE | N°22TL21305

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 21 septembre 2023, 22TL21305


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté en date du 14 septembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par jugement n° 2105227 du 30 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 juin 2022, M

me B..., représentée par Me Bautes, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté en date du 14 septembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par jugement n° 2105227 du 30 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Bautes, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 30 décembre 2021 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2021 du préfet de l'Hérault ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte journalière si nécessaire et subsidiairement, d'ordonner le réexamen de sa situation dans les mêmes conditions ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 janvier 1991 contre renonciation à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ou, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnaît l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du même code ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est privée de base légale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est par ailleurs entachée d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 12 décembre 2022.

La requérante a été admise à l'aide juridictionnelle totale le 9 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et de l'emploi ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Haïli, président-assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante marocaine née le 28 mars 1990, est entrée en France le 30 juillet 2017, sous couvert de son passeport. Elle a sollicité, le 13 juillet 2018, la délivrance d'un premier titre de séjour en qualité de " membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne ", son père étant de nationalité italienne et titulaire d'une carte de séjour en qualité de citoyen de l'Union européenne valable du 20 août 2021 au 19 février 2022. Elle a obtenu un titre de séjour en cette qualité le 2 mars 2020, valable du 2 mars 2020 au 1er septembre 2020. Mme B... en a sollicité le renouvellement le 20 août 2020. Par un arrêté du 14 septembre 2021, le préfet de l'Hérault lui a refusé le renouvellement de son titre et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du 30 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Il a été statué sur la demande d'aide juridictionnelle présentée par la requérante par décision du 9 novembre 2022. Par suite, les conclusions de l'appelante tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) ". Aux termes de l'article

L. 233-2 du même code : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois. Il en va de même pour les ressortissants de pays tiers, conjoints ou descendants directs à charge accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées au 3° de l'article L. 233-1. ".

4. Il résulte de ces dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, transposant les dispositions précitées de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment par son arrêt du 16 janvier 2014, Flora May Reyes c/ Migrationsverket (C-423/12), que, pour qu'un descendant direct d'un citoyen de l'Union ou de son conjoint, âgé de vingt-et-un ans ou plus, puisse être considéré comme étant " à charge " de celui-ci, l'existence d'une situation de dépendance réelle doit être établie. Cette dépendance résulte d'une situation de fait caractérisée par la circonstance que le soutien matériel du membre de la famille est assuré par le citoyen de l'Union ayant fait usage de la liberté de circulation ou par son conjoint. Afin de déterminer l'existence d'une telle dépendance, l'Etat membre d'accueil doit apprécier si, eu égard à ses conditions économiques et sociales, le descendant d'un citoyen de l'Union ou de son conjoint ne subvient pas à ses besoins essentiels. La nécessité du soutien matériel doit exister dans l'Etat d'origine ou de provenance d'un tel descendant au moment où il demande à rejoindre ce citoyen. En revanche, il n'est pas nécessaire de déterminer les raisons de cette dépendance, et donc du recours à ce soutien. La preuve de la nécessité d'un soutien matériel peut être faite par tout moyen approprié, alors que le seul engagement de prendre en charge ce même membre de la famille, émanant du citoyen de l'Union ou de son conjoint, peut ne pas être regardé comme établissant l'existence d'une situation de dépendance réelle de

celui-ci. En revanche, le fait qu'un citoyen de l'Union procède régulièrement, pendant une période considérable, au versement d'une somme d'argent à ce descendant, nécessaire à ce dernier pour subvenir à ses besoins essentiels dans l'Etat d'origine, est de nature à démontrer qu'une situation de dépendance réelle de cet ascendant par rapport audit citoyen existe.

5. En l'espèce, Mme B..., qui est entrée en France le 30 juillet 2017 pour rejoindre son père M. C... B..., ressortissant italien né le 10 juillet 1962 au Maroc, ayant fait usage de la liberté de circulation en s'installant en France, soutient qu'âgée de 31 ans, elle doit être considérée comme étant " à charge " de son père. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui vivait en Italie avant de rejoindre son père en France, est titulaire d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel établi le 11 février 2021 par la société Fast Good avec prise d'effet le jour même pour un poste d'employée polyvalente rémunérée à hauteur de 444,13 euros bruts mensuels. Par ailleurs, l'appelante est mariée depuis le 21 juin 2019 avec un ressortissant marocain en situation irrégulière sur le territoire français, avec lequel elle a eu un enfant né le 3 avril 2020. Enfin, l'appelante n'établit pas la réalité, la durée et la nécessité du soutien matériel qui lui serait apporté par son père, que ce soit en France ou dans le pays d'origine, alors qu'au surplus, le préfet de l'Hérault soutient sans être contesté qu'au cours de l'examen par ses services de la demande de renouvellement de titre de séjour, ce dernier n'a pas attesté de l'impécuniosité sa fille et de l'octroi de versements financiers réguliers. Ainsi, dans ces conditions, l'appelante ne démontre pas être à la charge de son père, au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Hérault aurait méconnu les dispositions de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est infondé et doit être écarté.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

7. Mme B... a présenté une demande en vue d'obtenir le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne " sur le seul fondement de l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort de la motivation de l'arrêté en litige, que le préfet de l'Hérault a examiné d'office la situation de l'intéressée au regard des dispositions de l'article L. 423-23 dudit code, de sorte que l'appelante peut utilement se prévaloir de ces dispositions au soutien de ses conclusions. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., âgée de 31 ans, étant mariée avec un compatriote, en situation irrégulière sur le territoire français, aucune circonstance particulière ne fait obstacle à ce que le couple et leur enfant, retourne vivre au Maroc, pays dans lequel la requérante n'établit pas être dénuée de toute attache familiale et dans lequel elle a vécu la majeure partie de sa vie personnelle et sociale. La circonstance que l'appelante justifie être insérée professionnellement sur le territoire français, où sa présence demeure relativement récente à la date de l'arrêté en litige, soit depuis quatre années, ne peut suffire à caractériser l'intensité et la stabilité de ses intérêts personnels et familiaux en France. Dans ces conditions, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni porté à son droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

8. Il résulte de ce qui précède que l'appelante ne démontre pas que la décision portant refus de titre de séjour serait illégale. Dès lors, elle n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

9. Pour les mêmes raisons que celles évoquées au point 7 du présent arrêt, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni que le préfet n'aurait pas pris en compte les conséquences de la décision sur sa situation personnelle.

10. Il résulte de ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 septembre 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation et n'implique aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Les conclusions à fin d'injonction ne peuvent donc être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme réclamée par l'appelante au titre de ces dispositions et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Bautes et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.

Le président-assesseur,

X. HaïliLe président,

D. Chabert

Le greffier,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22TL21305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21305
Date de la décision : 21/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Xavier HAÏLI
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : BAUTES GEORGIA

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-21;22tl21305 ?
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