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21/09/2023 | FRANCE | N°22TL21047

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 21 septembre 2023, 22TL21047


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour l'exécution de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2101577 du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par un

e requête, enregistrée le 23 avril 2022, M. B... A..., représenté par Me Diaka, demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour l'exécution de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2101577 du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2022, M. B... A..., représenté par Me Diaka, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 mars 2022 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée en méconnaissance de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 ; la législation interne est incompatible sur ce point avec ledit article 12 ;

- le préfet de la Haute-Garonne n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation personnelle avant d'édicter l'arrêté en litige ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les deux mêmes décisions sont entachées d'une erreur manifeste quant à l'appréciation portée par le préfet sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de M. A....

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 7 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 août 2022.

Par une décision en date du 5 juillet 2023, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique le rapport de M. Jazeron, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant turc, né le 1er novembre 1980 à Varto (Turquie), reconduit à la frontière le 19 novembre 2009, indique être revenu sur le territoire français, de manière irrégulière, le 12 mars 2012. Sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 février 2014. Le préfet de la Haute-Garonne a prononcé à son encontre, le 21 décembre 2015, un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, puis, le 1er novembre 2017, un nouvel arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai. L'intéressé s'est maintenu en France malgré la confirmation de la légalité de ces deux arrêtés par la juridiction administrative et a présenté, le 24 février 2020, une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale et en qualité de salarié. Par un arrêté du 24 décembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté cette demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 18 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, selon l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) ". Selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. L'arrêté en litige indique l'ensemble des dispositions et stipulations dont le préfet de la Haute-Garonne a fait application et notamment les articles L. 313-10 (1°), L. 313-11 (7°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de l'édiction de cet arrêté. Il expose par ailleurs de manière précise et circonstanciée les raisons sur lesquelles l'autorité préfectorale s'est fondée pour rejeter la demande d'admission au séjour présentée par M. A..., tant sur le terrain de la vie privée et familiale qu'au titre de l'activité professionnelle. Ainsi, la décision portant refus de séjour est suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " 1. Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. / (...) ". Selon le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la date de l'arrêté en litige : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ".

5. D'une part, la directive du 16 décembre 2008 ayant été transposée en droit interne, le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 12 de cette directive à l'appui de sa contestation de la motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. D'autre part, les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas incompatibles avec les objectifs poursuivis par l'article 12 de la directive susvisée dès lors qu'elles n'ont pas pour effet de dispenser de toute motivation la décision portant obligation de quitter le territoire français. En l'espèce, l'arrêté préfectoral pris à l'encontre de M. A... vise expressément le 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile et, ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, la décision portant refus de séjour est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

6. En troisième lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté contesté, ni des autres pièces du dossier, que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. A... avant de prononcer les décisions en litige.

7. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / (...) ".

8. Le requérant ne peut utilement invoquer les dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas présenté sa demande d'admission au séjour sur ce fondement et que l'autorité préfectorale n'a pas examiné sa situation à ce titre. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. A... ne s'est marié avec sa compagne, ressortissante française, que le 29 mai 2021, soit postérieurement à l'édiction de l'arrêté préfectoral en litige, de sorte que l'intéressé ne pouvait se prévaloir d'aucun droit au séjour à ce titre à la date à laquelle le préfet s'est prononcé.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. D'une part, si M. A... indique être présent sur le territoire français depuis plus de huit ans à la date de l'arrêté attaqué, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a été admis à y séjourner que pour le temps de l'examen de sa demande d'asile et qu'il s'y est maintenu de manière illégale depuis lors en dépit des mesures d'éloignement édictées à son encontre par le préfet de la Haute-Garonne. D'autre part, si l'appelant se prévaut de sa relation de couple avec une ressortissante française avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité le 29 mai 2019, il n'établit pas plus en appel qu'en première instance l'ancienneté de cette relation à la date de l'arrêté en litige, ni même au demeurant la réalité d'une vie commune avec l'intéressée à cette même date. Il n'établit pas davantage entretenir des liens intenses avec son père et son frère présents en situation régulière sur le territoire national. Les attestations versées au soutien de la requête ne sont par ailleurs pas suffisantes pour justifier de l'intégration sociale alléguée par l'intéressé, lequel ne démontre au surplus aucune insertion professionnelle en se bornant à produire une promesse d'embauche pour un emploi de carreleur. Enfin, le requérant ne soutient pas qu'il serait sans attaches personnelles dans son pays d'origine. Dans ces conditions, l'arrêté préfectoral contesté ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, les stipulations précitées n'ont pas été méconnues.

11. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point précédent, les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ne procèdent pas d'une appréciation manifestement erronée de la situation personnelle de l'appelant.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 décembre 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par l'appelant et n'implique aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative. Les conclusions à fin d'injonction doivent donc être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second aliéna de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme réclamée par le requérant au titre des frais non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Diaka.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22TL21047


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21047
Date de la décision : 21/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : DIAKA AIME

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-21;22tl21047 ?
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