Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Denjean Granulats a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions du 14 décembre 2017 et du 2 mars 2018 par lesquelles le maire de Balma s'est opposé à la mise en œuvre d'une activité de dépôt et de commercialisation de granulats sur la parcelle cadastrée section AK n°35 et a demandé la remise en état du site aménagé sans autorisation et d'annuler l'arrêté du 9 avril 2018 par lequel le maire de Balma l'a mise en demeure de cesser immédiatement les travaux de construction entrepris sur cette parcelle.
Par un jugement nos 1801928, 1802544 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 21BX03653 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL23653 les 10 septembre 2021, 17 octobre 2022 et 28 novembre 2022, la société Denjean Granulats, représenté par Me Larrouy-Castéra, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les décisions du 14 décembre 2017 et du 2 mars 2018 du maire de Balma ainsi que l'arrêté du 9 avril 2018 pris par la même autorité ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Balma une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les courriers du 14 décembre 2017 et du 2 mars 2018 sont des mesures faisant grief dont elle est recevable à demander l'annulation ;
- les décisions du 14 décembre 2017 et du 2 mars 2018 sont entachées d'erreur d'appréciation dès lors que son activité pouvait s'exercer sur la parcelle en litige ;
- l'arrêté du 9 avril 2018 a été signé par une personne n'ayant pas compétence à cet effet ;
- il est entaché d'un vice de procédure dès lors que le procès-verbal d'infraction est postérieur à cette décision ;
- cet arrêté méconnaît le principe du contradictoire dès lors qu'aucun délai ne lui a été accordé pour présenter ses observations ;
- il a été pris en violation des règles applicables au secteur Nb du plan local d'urbanisme ;
- l'arrêté du 9 avril 2018 méconnaît le principe de séparation fonctionnelle entre l'autorité administrative chargée de l'instruction et de l'autorité administrative chargée de la prise de décision dès lors que le signataire de la décision est aussi le signataire du procès-verbal d'infraction ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que la nécessité d'une déclaration préalable ou d'un permis de construire n'est démontrée ni pour la clôture, ni pour le bungalow ni pour le pont-bascule ;
- cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dès lors que le maire de Balma ne pouvait pas intervenir dans un domaine réservé à des polices spéciales ; en ce qui concerne la réglementation sur l'eau, la réalisation d'un puits pour arrosage des pistes a fait l'objet d'une déclaration auprès de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement ; son activité n'est pas soumise à la réglementation sur les installations classées pour la protection de l'environnement et ne porte pas atteinte aux conditions de circulation de la route de Gauré.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 décembre 2021 et 16 novembre 2022, la commune de Balma, représentée par Me Magrini, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Denjean Granulats une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Denjean Granulats ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 14 novembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Denjean Granulats ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société par actions simplifiée Denjean Granulats.
Par ordonnance du 14 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- et les observations de Me Larrouy-Castéra, représentant la société Denjean Granulats, et de Me Reilles, représentant la commune de Balma.
Considérant ce qui suit :
1. La société Denjean Granulats, souhaitant développer une activité de dépôt et de commercialisation de granulats sur le territoire de la commune de Balma (Haute-Garonne), a entrepris la mise en œuvre d'une plateforme de granulats sur une parcelle cadastrée section AK n° 35. Par deux courriers du 14 décembre 2017 et du 2 mars 2018, la commune l'a informée de la non-conformité de cette activité au règlement de la zone agricole et de la zone naturelle du plan local d'urbanisme et de la nécessité de remettre le site en état. Par un arrêté du 9 avril 2018, le maire de Balma a mis la société Denjean Granulats en demeure de cesser immédiatement les travaux de construction entrepris sur la parcelle cadastrée section AK n° 35. Par la présente requête, la société Denjean Granulats relève appel du jugement du 12 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux courriers et de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Le tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme irrecevable la demande présentée par la société Denjean Granulats au motif que les courriers du 14 décembre 2017 et du 2 mars 2018 ne sont pas des décisions faisant griefs susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Il ressort des pièces du dossier que, par le courrier du 14 décembre 2017, qui répond à une correspondance de la société appelante du 3 novembre 2017 reçue le 8 novembre 2017, le maire de Balma s'est borné l'informer de ce que l'activité envisagée, située en zone agricole et en zone naturelle du plan local d'urbanisme, " ne correspond en rien à ce qui est favorable dans ces zones " et que " l'aménagement (...) a été réalisé sans autorisation et nécessite une remise en état du site comme demandé dans notre précédente correspondance du 18 octobre 2017 ". De même, par un courrier du 2 mars 2018, qui répond également à une correspondance de la société requérante du 9 février 2018 reçue le 12 février 2018, le maire de Balma s'est borné à confirmer à la société Denjean Granulats que l'activité mise en œuvre par la société est " totalement impossible sur les deux zones du plan local d'urbanisme " et l'a invitée " à ce titre et comme déjà demandé, à remettre le site en état dans les plus brefs délais (puits, balance de charge et exhaussements notamment) ". Ainsi, il ressort des pièces du dossier que ces courriers constituaient de simples réponses à une demande d'information de la société requérante sur la conformité de son projet aux règles d'urbanisme. Ces réponses ne comportent ainsi pas de décisions faisant grief susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, la société Denjean granulats n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des courriers du 14 décembre 2017 et du 2 mars 2018.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal ". En outre, aux termes de l'article L. 480-2 du même code : " L'interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l'une des associations visées à l'article L. 480-1, soit, même d'office, par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel. L'interruption des travaux peut être ordonnée, dans les mêmes conditions, sur saisine du représentant de l'Etat dans la région (...). / Dans le cas de constructions sans permis de construire ou d'aménagement sans permis d'aménager, ou de constructions ou d'aménagement poursuivis malgré une décision de la juridiction administrative suspendant le permis de construire ou le permis d'aménager, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public. / Dans tous les cas où il n'y serait pas pourvu par le maire et après une mise en demeure adressée à celui-ci et restée sans résultat à l'expiration d'un délai de vingt-quatre heures, le représentant de l'Etat dans le département prescrira ces mesures et l'interruption des travaux par un arrêté dont copie sera transmise sans délai au ministère public. ".
4. Il résulte de ces dispositions que le maire est tenu de prescrire l'interruption des travaux lorsqu'il a été constaté que la construction était dépourvue de permis de construire en méconnaissance des prescriptions du code de l'urbanisme.
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 9 avril 2018 ordonnant l'interruption des travaux réalisés par la société Denjean Granulats a été pris au nom de l'Etat par le maire de Balma au visa d'un procès-verbal d'infraction dressé le 5 avril 2018 par l'adjoint au maire en charge des travaux agissant en qualité d'office de police judiciaire. S'il est vrai que ce procès-verbal, revêtu de la signature de son auteur, ne comporte pas de date, il mentionne expressément des opérations de constatations sur place réalisées le 30 mars 2018 à 15 h 00 ayant permis de relever la réalisation de travaux entrepris sans les autorisations d'urbanisme prévues au livre IV du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté interruptif de travaux n'aurait pas été précédé d'un procès-verbal d'infraction manque en fait et doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme : " Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-1 du même code : " Les constructions nouvelles doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire, à l'exception : / a) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-2 à R. 421-8-2 qui sont dispensées de toute formalité au titre du code de l'urbanisme ; / b) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-9 à R. 421-12 qui doivent faire l'objet d'une déclaration préalable ". En vertu des dispositions du a) de l'article R. 421-9 de ce code, dans leur rédaction alors en vigueur, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire les constructions nouvelles dont l'emprise au sol est supérieure à 20 m².
7. Il ressort du procès-verbal dressé à la suite de la visite sur place du 30 mars 2018 que les travaux de construction d'une plateforme de granulats et notamment d'un pont à bascule étaient en cours de réalisation sur la parcelle cadastrée section AK n°35 à la date de l'arrêté attaqué. Il ressort des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient la société appelante, que ce pont à bascule ne constitue pas une extension d'une construction existante, la parcelle en litige étant dépourvue de toute construction au sens du code de l'urbanisme. Ainsi, et dès lors que l'emprise au sol de ce pont à bascule est supérieure à 20 m², l'ensemble des travaux effectués par la société requérante nécessitaient l'obtention d'un permis de construire en application des dispositions citées au point 6 ci-dessus. Par suite, par l'arrêté en litige du 9 avril 2018, le maire de Balma a pu légalement interrompre les travaux de construction de la plateforme de granulats de la société requérante.
8. En troisième lieu, il résulte de tout ce qui précède que le maire de Balma se trouvait dans le cas décrit au point 4 du présent arrêt en présence de travaux entrepris sans permis de construire le plaçant en situation de compétence liée pour prescrire l'interruption des travaux de construction de la plateforme de granulats de la société requérante. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige, des vices de procédure tenant à la méconnaissance du principe du contradictoire et du principe de séparation fonctionnelle, de ce que l'arrêté en litige méconnaît les règles applicables au secteur Nb du plan local d'urbanisme et les dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales sont inopérants.
9. Il résulte de ce qui précède que la société Denjean Granulats n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la commune de Balma qui ne sont pas les parties perdantes à la présente instance, la somme que la société Denjean Granulats demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Denjean Granulats une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Balma au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Denjean Granulats est rejetée.
Article 2 : La société Denjean Granulats versera à la commune de Balma une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Denjean Granulats, à la commune de Balma et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21TL23653