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14/09/2023 | FRANCE | N°23TL00132

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 14 septembre 2023, 23TL00132


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200668 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour dans le délai de

deux mois suivant la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200668 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 13 janvier 2023 sous le n° 23TL00132, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que le jugement du tribunal administratif de Toulouse est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a retenu, pour annuler l'arrêté du 19 janvier 2022, que le traitement dont peut bénéficier M. A... eu Bénin n'est pas équivalent à celui dont il bénéficie en France et il soutient que rien ne fait obstacle à l'arrêté en litige dès lors que M. A... peut bénéficier d'une prise en charge médicale dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2023, M. A..., représenté par Me Francos, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée au moins égale à trois mois, assortie d'une autorisation de travail ;

3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mai 2023.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2023.

II. Par une requête enregistrée le 13 janvier 2023 sous le n° 23TL00133, le préfet de la Haute-Garonne demande le sursis à exécution du jugement n° 2200668 du 16 décembre 2022 du tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que le moyen d'annulation sur lequel est fondée sa requête au fond présente un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2023, M. A..., représenté par Me Francos, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée au moins égale à trois mois assortie d'une autorisation de travail ;

3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne paraissent pas sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué.

Par une ordonnance du 21 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mai 2023.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez ;

- et les observations de Me Zemihi substituant Me Francos pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant béninois né le 24 août 1989, déclare être entré en France en 2018. Il s'est vu délivrer deux attestations provisoires de séjour successives valables du 30 août 2021 au 5 février 2022 en raison de son état de santé. Le 28 septembre 2021, il a sollicité son admission au séjour en France en qualité d'étranger malade. Le 19 janvier 2022, le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre un arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Par la requête n° 23TL00132, le préfet de la Haute-Garonne fait appel du jugement du 16 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté au motif qu'il était entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par la requête n° 23TL00133, il demande à la cour d'en prononcer le sursis à exécution.

2. Les requêtes n° 23TL00132 et n° 23TL00133 présentées par le préfet de la Haute-Garonne étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 23TL00132 :

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

4. En vertu des articles L. 425-9, R. 425-11 à R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 3 et 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

5. Il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par un avis du 7 décembre 2021, a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Bénin, il pourrait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Selon le rapport médical destiné au collège des médecins de l'Office du 2 décembre 2021 que produit M. A..., celui-ci est atteint d'une hépatite virale chronique B découverte en 2019 et d'un diabète de type II depuis 2018. L'hépatite virale chronique B ne requiert qu'une surveillance et le traitement de l'intéressé pour soigner le diabète se compose de deux médicaments, la Metformine et l'Ozempic.

6. M. A... produit plusieurs attestations médicales d'origine béninoise ou française tendant à établir que l'Ozempic est indisponible au Bénin, ce qui n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par le préfet de la Haute-Garonne. Celui-ci estime toutefois, en se prévalant de l'avis du collège des médecins, que M. A... ne démontre pas qu'il serait dans l'impossibilité d'y être traité pour sa pathologie de manière approprié soit en utilisant un substitut à l'Ozempic, soit en adaptant son traitement sur place. Or, d'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un certificat médical du Dr B..., médecin endocrinologue, établi le 4 février 2022, et du même rapport médical destiné à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le diabète de M. A... a été déséquilibré en 2021, puis a réussi à être rééquilibré à la suite d'une hospitalisation en mars 2021 avec une bithérapie par Metformine et Ozempic et cette bithéparie constituait, à la date de la décision en litige, toujours le traitement prescrit au requérant. D'autre part, il ressort des pièces médicales produites par le requérant, et notamment des certificats du Dr B..., que la seule prise de Metformine conduit à un niveau de diabète " très élevé avec risque de décompensation ", " pouvant aller jusqu'au coma hyperosolaire et conduire au décès ", alors que son association avec l'Ozempic " représente (...) chez lui, de loin, la solution la plus efficace et la plus sécurisée " pour le traitement de son diabète. Dans ces conditions, et alors que ces pièces suffisamment précises ne sont pas utilement contestées par le préfet de la Haute-Garonne, M. A... établit la nécessité de poursuivre un traitement comprenant de l'Ozempic, un traitement uniquement à base de Metformine ne pouvant être regardé comme approprié à sa pathologie. Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a estimé que la décision du préfet de la Haute-Garonne portant refus de titre de séjour avait méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 19 janvier 2022 et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé le titre de séjour sollicité dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement. Il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, ni de limiter à quinze jours le délai laissé au préfet de la Haute-Garonne pour délivrer le titre de séjour sollicité ni d'assortir d'une astreinte l'injonction prononcée par le jugement attaqué.

Sur la requête n° 23TL00133 :

8. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2200668 du 16 décembre 2022 du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 23TL00133 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais liés au litige :

9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Francos, avocat de M. A..., sous réserve que Me Francos renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

D E C I D E :

Article 1er : La requête n° 23TL00132 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. A... aux fins d'injonction et d'astreinte sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23TL00133 tendant au sursis à exécution du jugement.

Article 4 : L'État versera au conseil de M. A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. C... A... et à Me Benjamin Francos.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.

Le président-rapporteur,

A. Barthez

L'assesseur le plus ancien,

dans l'ordre du tableau

N. LafonLe greffier,

F. Kinach

Le République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°23TL00132, 23TL00133 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00132
Date de la décision : 14/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : FRANCOS;FRANCOS;FRANCOS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-14;23tl00132 ?
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