Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 août 2022 par lequel le préfet du Tarn l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2204654 du 21 septembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Gontier, demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2022 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet du Tarn du 8 août 2022 ;
4°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet du Tarn de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue par le code des relations entre le public et l'administration et la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- elle n'a pas davantage été précédée d'un examen sérieux de sa situation ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire prévue par le code des relations entre le public et l'administration et dont l'exigence est tirée des principes généraux du droit de l'Union européenne ;
- elle n'a pas davantage été précédée d'un examen sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue par le code des relations entre le public et l'administration et la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- elle n'a pas davantage été précédée d'un examen sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2022, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lafon,
- et les observations de Me Gontier, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité algérienne, fait appel du jugement du 21 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2022 par lequel le préfet du Tarn l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans.
Sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. M. A... a bénéficié, par une décision du 5 juillet 2023, de l'aide juridictionnelle totale. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet et il n'y a donc pas lieu d'y statuer.
Sur le surplus des conclusions :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, et notamment des éléments précis et non stéréotypés concernant la situation personnelle de M. A..., est suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, d'une part, il résulte des dispositions du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le requérant ne saurait utilement invoquer les dispositions des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration à l'encontre de la mesure d'éloignement attaquée.
5. D'autre part, depuis la transposition, dans l'ordre juridique interne, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, l'autorité préfectorale doit, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mettre l'intéressé à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal dressé par les services de police le 8 août 2022, à 10 heures, que M. A... a été mis en mesure de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur ces éléments avant l'intervention de la mesure envisagée. Par suite, le droit de M. A... à être entendu n'a pas été méconnu.
6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Tarn ne s'est pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation de M. A....
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". L'article L. 612-3 du même code dispose que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".
8. En premier lieu, la décision portant refus de délai de départ volontaire, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivée.
9. En deuxième lieu, d'une part, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt, M. A... ne peut utilement soutenir que la décision ne lui accordant pas de délai de départ pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre méconnaît les dispositions du code des relations entre le public et l'administration relatives à la procédure contradictoire préalable.
10. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 et alors qu'il ressort du procès-verbal du 8 août 2022 que M. A... a été mis en mesure de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu doit être écarté.
11. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Tarn ne s'est pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation de M. A... avant de prendre la décision de refus de délai de départ volontaire.
12. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet de trois précédentes mesures d'éloignement, le 23 novembre 2009, le 16 mars 2017 et le 19 mars 2021, auxquelles il s'est systématiquement soustrait. Dans ces conditions et pour ce seul motif, le préfet du Tarn a pu légalement, sans erreur d'appréciation, faire application des dispositions citées au point 9 pour prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise que M. A... n'établit pas que sa vie ou sa liberté soit menacée ou qu'il soit exposé à des peines ou traitements contraires à cet article en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée.
14. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Tarn ne s'est pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation de M. A... avant de prendre la décision fixant le pays de renvoi.
15. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. A... n'établit aucun risque de subir personnellement de tels traitements en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
16. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". L'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
17. En premier lieu, la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans comporte, d'une manière qui n'est pas stéréotypée, l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement.
18. En deuxième lieu, d'une part, pour les mêmes motifs que ceux précédemment mentionnés au point 4, M. A... ne peut utilement soutenir que la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les dispositions du code des relations entre le public et l'administration relatives à la procédure contradictoire préalable.
19. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 et alors qu'il ressort du procès-verbal du 8 août 2022 que M. A... a été mis en mesure de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu doit être écarté.
20. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Tarn ne s'est pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation de M. A... avant de prendre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
21. En quatrième lieu, M. A... n'invoque aucune circonstance humanitaire qui aurait permis de justifier que le préfet du Tarn n'édicte pas d'interdiction de retour à son encontre. Par ailleurs, il a fait l'objet de trois précédentes mesures d'éloignement et a été condamné en 2011, 2012 et 2018 à des peines d'emprisonnement ferme d'une durée cumulée de plus de neuf ans pour des faits de vol aggravé, de détention non autorisée de stupéfiants et d'offre ou cession, transport, détention, acquisition non autorisée de stupéfiants et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement. Dans ces conditions, alors d'ailleurs qu'il n'est pas sérieusement contesté que M. A... a été mis en cause à quatre reprises entre 2019 et 2021 pour conduite sous l'emprise de stupéfiants et pour conduite sans permis, sa présence sur le territoire français demeure une menace pour l'ordre public. En outre, M. A..., qui est né le 29 novembre 1987, est célibataire, ne démontre pas participer effectivement à l'entretien ou à l'éducation de ses deux enfants résidant en France, dont il n'a pas la garde, et ne justifie pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Ainsi, alors même que M. A... déclare vivre sur le territoire national depuis 2001, qu'il justifie bénéficier de droits de visite bimensuels auprès de ses enfants et que sa mère et ses sœurs résident en France, l'ensemble des circonstances propres à sa situation sont de nature à justifier légalement la durée de deux ans de l'interdiction de retour sur le territoire français.
22. Aucune des circonstances évoquées par M. A..., y compris la stabilité prétendue de son domicile et l'exercice d'une activité professionnelle, n'est de nature à faire regarder la décision contestée du préfet du Tarn comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
23. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Pierre Gontier et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22TL22045 2