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14/09/2023 | FRANCE | N°22TL21727

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 14 septembre 2023, 22TL21727


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 15 mars 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2201966 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2022, Mme B..., représentée pa

r Me Quintard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 mars 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 15 mars 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2201966 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2022, Mme B..., représentée par Me Quintard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 mars 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté critiqué a été pris par une autorité incompétente ;

- le refus de séjour est entaché d'erreur de droit dès lors qu'il est fondé sur l'absence de caractère réel et sérieux des études, alors même que cette condition n'est pas prévue par l'accord franco-gabonais, seul applicable ;

- le refus de séjour est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir général de régularisation ;

- l'obligation de quitter le territoire français porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle a vécu en Turquie durant trois ans.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2023.

Par ordonnance du 14 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-gabonais du 2 décembre 1992 relatif à la circulation et au séjour des personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Restino a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante gabonaise née en 1999, relève appel du jugement du 1er juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mars 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Par un arrêté du 31 janvier 2022 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, accessible tant au juge qu'aux parties, le préfet des Pyrénées-Orientales a donné délégation à M. Yohann Marcon, secrétaire général de la préfecture et signataire de l'arrêté attaqué, à l'effet de signer tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, mémoires, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département des Pyrénées-Orientales, à l'exception des réquisitions de la force armée et des arrêtés portant élévation de conflit. Cette délégation n'est pas subordonnée à l'empêchement du préfet. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

En ce qui concerne le refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 : " Les ressortissants de chacune des Parties contractantes désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants (...) " et aux termes de l'article 12 de la même convention : " Les dispositions de la présente convention ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux Parties contractantes sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention ".

4. Pour l'application des stipulations de l'article 9 de l'accord franco-gabonais, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiant, d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études effectivement poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France le 28 août 2018, munie d'un passeport revêtu d'un visa " étudiant " valable du 24 août 2018 au 24 août 2019, dans l'objectif, selon ses déclarations, d'obtenir un master de relations internationales. Pour l'année universitaire 2018/2019, elle s'est inscrite en première année de licence à la faculté de droit de Montpellier. Pour l'année universitaire 2019/2020, elle s'est inscrite en première année de licence " LEA anglais - portugais " à l'université de Montpellier. Pour l'année universitaire 2020/2021, elle s'est d'abord inscrite en première année de licence " LEA anglais - portugais ", puis " LEA anglais - espagnol " toujours à l'université de Montpellier. Enfin, pour l'année universitaire 2021/2022, en cours à la date de l'arrêté critiqué, elle s'est inscrite en première de licence " LEA espagnol " à l'université de Perpignan. Pour refuser de faire droit à la demande de titre de séjour portant la mention " étudiant " présentée par Mme B..., le préfet des Pyrénées-Orientales s'est fondé sur la circonstance qu'à l'issue de trois années d'études en France depuis 2018 l'intéressée n'avait validé aucune année de formation universitaire ni obtenu aucun diplôme dans le cursus académique, qu'elle avait opté pour des changements d'orientation sans justifier d'un projet professionnel précis, que son cursus universitaire se caractérisait par une absence de progression avérée et effective depuis le début de ses études, ses relevés de notes faisant apparaître un manque de travail sérieux. Si l'intéressée soutient que ses échecs répétés s'expliquent par le traumatisme causé par le décès de son grand-père, qui serait survenu en décembre 2018, et l'agression sexuelle dont elle aurait été victime quelques jours plus tard, ces circonstances, qui ne sont pas établies, ne sont pas de nature à justifier l'absence de progression dans son parcours universitaire au cours de l'ensemble de la période concernée. La circonstance qu'elle aurait été déprimée du fait de la crise sanitaire du covid-19 et de la mise en place de cours à distance ne suffit pas à justifier l'absence de progression depuis 2018. Par suite, en l'absence de progression notable de nature à démontrer le caractère réel et sérieux de ses études, condition qui est opposable à l'intéressée, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant à la requérante la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant.

6. En second lieu, si la requérante, qui a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ", se prévaut de trois années et demi de présence en France et de l'agression sexuelle dont elle aurait été victime, il ressort des pièces du dossier qu'elle est célibataire et sans enfant, qu'elle n'est pas dépourvue d'attache dans son pays d'origine et que l'agression alléguée n'est pas établie. Par suite, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. La requérante soutient qu'elle réside chez sa tante, qu'elle a noué de nombreuses relations amicales en France et qu'elle poursuit ses études. Toutefois, alors que la requérante est célibataire, sans enfant à charge et n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. La circonstance qu'elle aurait vécu trois années en Turquie est sans incidence à cet égard. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur de fait doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt ne nécessite aucune mesure d'exécution particulière. Il en résulte que les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... B..., à Me François Quintard et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.

La rapporteure,

V. Restino

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22TL21727


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21727
Date de la décision : 14/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : QUINTARD

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-14;22tl21727 ?
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