Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision de licenciement du ministre de l'éducation nationale en date du 6 novembre 2017 et la décision implicite du 8 mars 2018 portant rejet de son recours gracieux du 3 janvier 2018, d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de la titulariser ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de reconstituer sa carrière au regard de ses droits sociaux et de retraite pour une somme de 30 000 euros à parfaire, majorée des intérêts de retard dans un délai de 30 jours à compter de la notification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 1804626 du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n°21BX03262 puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL23262, Mme B..., représentée par Me Seignalet Mauhourat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 décembre 2020 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de la titulariser ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de reconstituer sa carrière au regard de ses droits sociaux et de retraite pour une somme de 30 000 euros à parfaire, majorée des intérêts de retard et de liquider cette reconstitution dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- c'est à tort que le tribunal n'a pas censuré l'irrégularité de la procédure suivie par le jury académique et tirée de la méconnaissance de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2014, alors que rien ne démontre que l'évaluation par un membre du corps d'inspection a été faite sur la base du rapport du tuteur ; il n'est pas possible de considérer que l'avis signé le 18 mai 2017 est conforme aux prescriptions de l'arrêté précité en se fondant sur des informations contenues dans le rapport d'inspection postérieur daté du 1er juin 2017 ;
- le refus de titularisation a été décidé avant toute inspection ; il est fondé sur des motifs inexacts, la réalité des insuffisances professionnelles étant contestée et non établie, et il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; le tribunal a commis une erreur dans son appréciation de la réalité des griefs et des insuffisances professionnelles qui lui sont reprochés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2022, le recteur de l'académie de Toulouse conclut au rejet de la requête de Mme B....
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 10 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été reportée au 14 novembre 2022.
Par une décision du 27 mai 2021, Mme B... n'a pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 ;
- l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation de certains personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement du second degré stagiaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., admise au concours interne de recrutement du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré en lettres modernes au titre de la session 2015, a été nommée à compter du 1er septembre 2015 en qualité de professeur certifié stagiaire et affectée à compter de la même date dans l'académie de Toulouse au collège ... de ... (Haute-Garonne). A la suite de l'avis favorable à un renouvellement de son stage rendu le 30 juin 2016 par le jury académique, le recteur de l'académie de Toulouse l'a autorisée à effectuer une seconde année de stage. Mme B... a alors été affectée au collège ... de ... (Haute-Garonne). Le jury académique réuni le 29 juin 2017 ayant proposé son ajournement définitif, le ministre de l'éducation nationale a prononcé son licenciement par arrêté en date du 6 novembre 2017. Mme B... a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision le 3 janvier 2018, qui est resté sans réponse de l'administration. Par un jugement n° 1804626 du 8 décembre 2020, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a notamment rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions portant respectivement licenciement et rejet de son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article 5 de l'arrêté susvisé du 22 août 2014, dans sa rédaction applicable au litige : " Le jury se prononce sur le fondement du référentiel de compétences prévu par l'arrêté du 1er juillet 2013 susvisé, après avoir pris connaissance des avis suivants : I. - Pour les stagiaires qui effectuent leur stage dans les établissements publics d'enseignement du second degré : 1° L'avis d'un membre des corps d'inspection de la discipline désigné par le recteur, établi sur la base d'une grille d'évaluation et après consultation du rapport du tuteur désigné par le recteur, pour accompagner le fonctionnaire stagiaire pendant sa période de mise en situation professionnelle. L'avis peut également résulter, notamment à la demande du chef d'établissement, d'une inspection ; 2° L'avis du chef de l'établissement dans lequel le fonctionnaire stagiaire a été affecté pour effectuer son stage établi sur la base d'une grille d'évaluation ; 3° L'avis de l'autorité en charge de la formation du stagiaire. (...) ".". Il résulte de ces dispositions que l'avis d'un membre des corps d'inspection de la discipline désigné par le recteur doit être rendu après consultation du rapport du tuteur désigné pour accompagner le fonctionnaire stagiaire.
3. Il ressort des pièces du dossier que le jury réuni le 29 juin 2017 s'est fondé, pour son évaluation des compétences professionnelles de Mme B..., sur les avis défavorables du chef d'établissement, d'un membre des corps d'inspection et de la directrice de l'école supérieure du professorat et de l'éducation de Toulouse Midi-Pyrénées ainsi que sur le rapport de la tutrice de la fonctionnaire stagiaire. Si Mme B... soutient que rien ne démontre que l'évaluation de l'inspectrice d'académie aurait été réalisée " sur la base " du rapport de sa tutrice, les dispositions citées au point précédent impliquent seulement une consultation préalable par l'inspectrice d'académie, membre des corps d'inspection, du rapport de la tutrice mais elles n'impliquent pas que l'avis du membre des corps d'inspection ait pour fondement ce rapport. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'avis signé par l'inspectrice d'académie, le 18 mai 2017, était joint un rapport d'inspection daté du 1er juin 2017 dans lequel l'inspectrice a relevé que Mme B... ne semblait pas avoir tiré profit des conseils de ses tutrices, cette observation révélant la consultation par le membre des corps d'inspection de leurs rapports. Dès lors, la circonstance que l'avis de l'inspectrice d'académie ne fasse pas lui-même référence au rapport de la tutrice ne suffit pas à établir qu'il aurait été rendu sans consultation préalable de ce document. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie par le jury académique ne peut qu'être écarté.
4. D'autre part, aux termes de l'article 26 du décret susvisé du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés : " A l'issue du stage, la titularisation est prononcée par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le stage est accompli, sur proposition du jury mentionné à l'article 24. La titularisation confère le certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré ou le certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement technique./ Les stagiaires qui n'ont pas été titularisés peuvent être autorisés par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle ils ont accompli leur stage à effectuer une seconde année de stage ; celle-ci n'est pas prise en compte dans l'ancienneté d'échelon. A l'issue de cette année, ils sont titularisés dans les conditions fixées au premier alinéa./ Les stagiaires qui n'ont pas été autorisés à accomplir une seconde année de stage ou qui, à l'issue de la seconde année de stage, n'ont pas été titularisés sont soit licenciés par le ministre chargé de l'éducation nationale, soit réintégrés dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine s'ils avaient la qualité de fonctionnaire. "
5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de contrôler l'appréciation portée par le jury académique en fin de stage sur l'aptitude et la manière de servir d'un professeur stagiaire et de vérifier qu'il n'a pas commis dans cette appréciation une erreur manifeste.
6. La décision de licenciement en litige fait suite au refus de titularisation de Mme B... lequel est lui-même fondé sur l'appréciation portée par le jury académique quant à son aptitude aux fonctions d'enseignement et sa manière de servir. Pour justifier sa proposition d'ajournement définitif, le jury s'est fondé, dans son avis du 29 juin 2017, sur la considération que Mme B... ne disposait pas des compétences attendues par le référentiel en vigueur et a relevé que ni la faible maîtrise des compétences, ni son engagement manifesté dans la formation et la mission au sein de l'établissement, ni sa posture professionnelle ne permettaient de constater une évolution positive suffisante au terme de l'année de renouvellement de son stage. Mme B... soutient que cette appréciation repose sur des motifs inexacts et qu'elle est entachée d'erreur manifeste en soulignant en particulier la contradiction manifeste entre les différents avis qui ont été rendus ou celle existant entre les rapports successifs établis par Mme E..., tutrice de l'école supérieure du professorat et de l'éducation. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que si Mme C..., sa tutrice désignée pour l'accompagner pendant sa période de mise en situation, a conclu son rapport en notant que Mme B... lui avait semblé profiter de l'année pour progresser sur de nombreuses pratiques pédagogiques et asseoir une réflexion didactique qu'elle lui paraissait en mesure d'enrichir et consolider, ce rapport fait néanmoins apparaître des compétences insuffisamment acquises sur la maîtrise des contenus disciplinaires et leur didactique, en particulier quant à la mise en œuvre des transpositions didactiques appropriées et l'identification des savoirs et savoir-faire à acquérir par les élèves en lien avec les programmes et référentiels et il ressort des avis dont le jury a pris connaissance, qui sont convergents et défavorables à l'intéressée sur sa capacité à exercer sa responsabilité au sein du système éducatif, un engagement insuffisant dans son établissement, une maîtrise insuffisante des compétences requises pour le métier d'enseignant ainsi que de certaines notions enseignées pour être transmises dans de bonnes conditions aux élèves, le rapport de Mme E... relevant également une posture professionnelle n'offrant pas un cadre sécurisant pour les élèves. Il ne ressort, par ailleurs, pas des pièces du dossier que le refus de titulariser Mme B... serait en lien avec l'annonce par la requérante à Mme D..., cheffe d'établissement, de sa grossesse lors d'un entretien du 8 mars 2017, alors même que la stagiaire aurait été informée au cours de cet entretien de ce que Mme D... s'opposerait à sa titularisation et que l'avis défavorable de la cheffe d'établissement est daté du même jour. Il n'est pas plus établi que ce refus reposerait sur des motifs autres que ceux retenus par le jury et sans rapport avec l'évaluation des compétences professionnelles de Mme B.... Par suite, en estimant, pour les motifs précédemment rappelés qui ne reposent pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'avait pas vocation à être titularisée, le jury académique ne s'est pas davantage livré à une appréciation manifestement erronée des compétences professionnelles de Mme B....
7. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de titularisation dont Mme B... a fait l'objet aurait été décidé avant même l'inspection menée le 1er juin 2017, en lien avec l'annonce de sa grossesse.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes d'annulation. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que demande Mme B... sur ce fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 31 août 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.
Le rapporteur,
T. Teulière
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N°21TL23262