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25/07/2023 | FRANCE | N°21TL04472

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 25 juillet 2023, 21TL04472


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 8 août 2019 par lequel le maire de Beaucaire a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de régulariser une construction à usage d'habitation édifiée sur une parcelle cadastrée section ....

Par un jugement n° 1903411 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté, a enjoint au maire de Beaucaire de délivrer le permis de construire à M. D... dans un délai de deux mois

compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions des parti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 8 août 2019 par lequel le maire de Beaucaire a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de régulariser une construction à usage d'habitation édifiée sur une parcelle cadastrée section ....

Par un jugement n° 1903411 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté, a enjoint au maire de Beaucaire de délivrer le permis de construire à M. D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 novembre 2021 sous le n° 21MA04472 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL04472 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire enregistré le 26 avril 2023, la commune de Beaucaire, représentée par la SCP Fontaine et Floutier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2021 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. D..., ainsi que l'ensemble de ses prétentions en appel ;

3°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur de fait en retenant une erreur manifeste d'appréciation du classement en zone agricole de la parcelle de M. D... ;

- le tribunal a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en retenant que le potentiel agronomique de la parcelle n'était pas clairement établi, en méconnaissance de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme ;

- le classement de la parcelle en zone agricole n'est ni incohérent ni en contradiction avec les documents d'urbanisme ;

- la décision de première instance méconnaît l'autorité de la chose jugée en procédant à une nouvelle qualification juridique de la parcelle, différente de l'interprétation donnée par le tribunal correctionnel de Nîmes dans son jugement du 11 mars 2020 ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en annulant l'arrêté sur le seul fondement de l'illégalité du plan local d'urbanisme, dès lors que le refus de permis de construire était également fondé sur l'incomplétude du dossier de demande de permis de construire et sur la méconnaissance du plan de prévention des risques naturels d'inondation ;

- le tribunal a méconnu les dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative en enjoignant à la commune de délivrer un permis de construire au pétitionnaire.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 mars 2023 et 11 mai 2023, M. C... D..., représenté par le Cabinet Maillot Avocats et Associés, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Beaucaire.

Il soutient que :

- sa parcelle est desservie par les réseaux et voies de communication, et elle ne présente aucun potentiel agronomique ou agricole de nature à justifier son classement en zone agricole ;

- le classement de sa parcelle en zone agricole est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, de contradictions avec le projet d'aménagement et de développement durables, et méconnaît l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme ;

- le classement de sa parcelle étant illégal, la règlementation du plan local d'urbanisme qui lui est applicable doit être écartée ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé le refus de permis de construire au motif que la parcelle se situe dans une partie urbanisée de la commune au sens des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ;

- le jugement du tribunal correctionnel du 11 mars 2020 étant frappé d'appel, l'autorité de la chose jugée de cette décision ne peut être utilement invoquée ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé l'arrêté refusant d'accorder le permis de construire sur le fondement de l'illégalité du plan local d'urbanisme ;

- en refusant de délivrer le permis de construire au motif de l'incomplétude du dossier, la commune a méconnu les dispositions de l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme ;

- les dispositions de l'article 1er du règlement du plan de prévention des risques naturels d'inondation sont inopposables à son projet ;

- le tribunal administratif a valablement enjoint à la commune de lui délivrer le permis de construire.

Vu :

- l'ordonnance n° 21MA04473 de la cour administrative d'appel de Marseille du 21 février 2022, rectifiée le 25 février suivant, prononçant le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 21 septembre 2021 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabert, président ;

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- et les observations Me Fontaine, représentant la commune de Beaucaire et celles de Me Montesinos-Brisset, représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 8 août 2019, le maire de Beaucaire (Gard) a refusé de délivrer à M. D... un permis de construire de régularisation concernant une maison à usage d'habitation avec terrasse et garage implantée sur un terrain situé route de Saint-B... et classé en zone agricole A par le plan local d'urbanisme communal. Par un jugement du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté et a enjoint au maire de Beaucaire de délivrer le permis de construire sollicité. Par la présente requête, la commune de Beaucaire relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zone A ". Peuvent être classées en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

3. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle objet de la demande de permis de construire, cadastrée section ... et propriété de M. D..., se situe à l'ouest de la route départementale 90, à l'extrémité du quartier des Garrigues Planes situé au sud-ouest de l'enveloppe urbaine beaucairoise. Ce secteur, identifié par le rapport de présentation du plan local d'urbanisme, se compose d'une zone urbaine à l'est de la route départementale 90 et d'une zone agricole habitée à l'ouest de cette même route. Il ressort du rapport de présentation et du projet d'aménagement et de développement durables que les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu affirmer le " développement de l'urbanisation Beaucairoise à l'est de la RD90 sans possibilité d'extension à l'ouest de l'axe " afin de limiter l'étalement urbain. Dans cette perspective, ils ont protégé le caractère paysager et agricole du secteur ouest du quartier des Garrigues Planes, tout en attribuant une capacité de densification des espaces bâtis dans son secteur est. Dans ces conditions, si les parcelles limitrophes à celle de M. D... supportent des constructions, il ressort toutefois des pièces du dossier que la densité des constructions est faible, que son terrain est distant des principales parties agglomérées de la commune et qu'il se situe à l'extrémité d'une zone ouverte sur de vastes superficies agricoles cultivées. Il s'intègre ainsi dans un secteur à protéger en raison du potentiel des terres agricoles limitrophes. Eu égard aux objectifs retenus par le projet d'aménagement et de développement durable et aux caractéristiques de ce secteur, en rattachant la parcelle de M. D... à la zone agricole, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation. Dès lors, la commune de Beaucaire est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté en litige, les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation affectant le classement de la parcelle de M. D... en zone agricole.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... en première instance et en appel au soutien de sa demande d'annulation de l'arrêté par lequel le maire de Beaucaire a refusé de lui délivrer un permis de construire.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal :

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... A..., troisième adjoint et signataire de l'arrêté en litige du 8 août 2019, bénéficiait d'une délégation de signature du maire de Beaucaire en vertu d'un arrêté n° 14-150 du 14 avril 2014 affiché en mairie du 15 avril 2014 au 14 juin 2014. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 423-22 du code de l'urbanisme : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ". L'article R. 423-38 du même code dispose : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandées avec demande d'avis de réception, indiquant, de façon exhaustive, les pèces manquantes. ".

7. Il ressort des motifs de l'arrêté de refus de permis de construire opposé à M. D... que si le caractère incomplet du dossier de demande tendant à la régularisation d'une construction déjà édifiée a été relevé, l'administration a toutefois indiqué qu'il pouvait être statué sur la demande " au regard de l'objet du projet ". Ainsi, le maire de Beaucaire ne peut être regardé comme ayant fondé l'arrêté de refus en litige sur le caractère incomplet de la demande déposée par M. D.... Par suite, le moyen tiré l'absence de demande de production des pièces manquantes en méconnaissance de l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. ".

9. Ainsi qu'il a été exposé au point 3, M. D... n'est pas fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité du classement en zone agricole A de la parcelle dont il est propriétaire par le plan local d'urbanisme de la commune de Beaucaire. Par suite, la circonstance que son terrain pourrait être regardé comme étant situé dans les parties urbanisées de la commune de Beaucaire au sens et pour l'application de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme est sans incidence sur légalité du refus de permis de construire fondé sur les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme afférentes à la zone A. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

10. En dernier lieu, il ne ressort pas des motifs de l'arrêté de refus de permis de construire que le maire se serait fondé sur la situation de la parcelle de M. D... au regard du plan de prévention des risques d'inondation approuvé par arrêté du préfet du Gard du 13 juillet 2012. Par suite, la circonstance que ce terrain soit situé en dehors des zones inondables délimitées par ce plan ne peut être utilement invoquée pour contester la légalité de cet arrêté.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la substitution de motifs demandée par la commune de Beaucaire, que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 8 août 2019 par lequel le maire de Beaucaire a refusé de lui délivrer un permis de construire.

Sur les frais liés aux litiges :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de la commune de Beaucaire, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. D... une somme de 1 500 euros à verser à la commune au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1903411 du tribunal administratif de Nîmes de 21 septembre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nîmes ainsi que les conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : M. D... versera une somme de 1 500 euros à la commune de Beaucaire en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Beaucaire et à M. C... D....

Délibéré après l'audience du 11 juillet 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Lafon, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2023.

Le président-rapporteur,

D. Chabert

Le président-assesseur,

N. Lafon

La greffière,

P. Calendini

La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21TL04472 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04472
Date de la décision : 25/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Denis CHABERT
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : CABINET MAILLOT - AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-25;21tl04472 ?
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