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18/07/2023 | FRANCE | N°21TL03774

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 18 juillet 2023, 21TL03774


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 32 785 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de la faute commise par le rectorat d'académie de Montpellier dans le traitement de sa situation résultant de son affectation entre les mois de juin 2018 et septembre 2019 et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1904702 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Mon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 32 785 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de la faute commise par le rectorat d'académie de Montpellier dans le traitement de sa situation résultant de son affectation entre les mois de juin 2018 et septembre 2019 et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1904702 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er septembre 2021 sous le n° 21MA03774, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL03774, et un mémoire enregistré le 2 mai 2023 et non communiqué, M. A... B..., représenté par Me Font, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1904702 du 30 juin 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 33 585 euros en réparation de son entier préjudice ;

3°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 19 juin 2018 par laquelle il a été changé d'affectation a été prise par une autorité incompétente ;

- il a été affecté sur une matière ne relevant pas du champ de compétence pour lequel il a été recruté, d'autres enseignants auraient dû être prioritairement affectés sur ce poste ;

- il a été empêché de postuler sur le poste d'intervention sur le patrimoine bâti qu'il occupait avant la rentrée 2018 ;

- il n'a pas signé la fiche de poste à laquelle se réfère l'administration et celle-ci n'a aucune valeur probante ;

- sa candidature n'était pas pluridisciplinaire et portait uniquement sur la discipline génie civil construction ouvrage réalisation et il n'avait pas vocation à enseigner plusieurs disciplines ;

- l'administration a commis une faute dans la gestion de sa situation, en faisant preuve de passivité alors qu'il voulait reprendre un poste d'enseignant sur un domaine de compétence adapté à son profil ;

- son état de santé est la conséquence de son changement d'affectation et de l'incapacité de sa hiérarchie à revenir sur sa décision ;

- ses préjudices, consécutifs à son état de santé, sont en lien avec les fautes commises entre les mois de juin 2018 et septembre 2019 ;

- il a subi un préjudice moral qui doit être réparé à hauteur d'une somme de 3 000 euros ;

- il a subi un préjudice financier correspondant à une perte de salaire sur la période qui s'établit à la somme de 5 717 euros, 2 376,40 euros correspondant à la perte de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves, 18 520 euros au titre d'une perte d'échelon sur l'ensemble de sa carrière jusqu'à la date de la mise à la retraite, ainsi que 2 000 euros de frais divers pour assurer le suivi administratif de sa situation ;

- il a subi une perte de chance de pouvoir à nouveau obtenir des crédits à taux avantageux, qui doit être évaluée à un montant de 1 000 euros ;

- il a subi un préjudice d'agrément en raison de l'annulation d'un voyage qui s'élève à la somme de 1 171,60 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2023, la rectrice de la région académique Occitanie conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- l'affectation de l'intéressé n'a pas été modifiée et elle n'a pas commis de faute dans la gestion de la situation de M. B... ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis.

Par une ordonnance du 24 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n°92-1189 du 6 novembre 1992 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., professeur de lycée professionnel, a été affecté à compter du 1er septembre 2007 sur un poste spécifique national dans la discipline génie civil-construction réalisation d'ouvrage, avec une mission spécifique pour l'enseignement de la topographie en section topographie au lycée professionnel ... où il a notamment dispensé un enseignement en baccalauréat professionnel dans le domaine des interventions sur le patrimoine bâti. A la suite de la fermeture de ce lycée au mois de septembre 2017, et de l'intégration de sa section d'enseignement professionnel au lycée ... devenu le lycée polyvalent ..., M. B... a candidaté et est resté affecté sur ce poste spécifique national. Il s'est vu confier à compter du 1er septembre 2018, un enseignement en baccalauréat professionnel technicien géomètre topographe. M. B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'indemnisation des préjudices qu'il soutient avoir subis du fait du retrait illégal du poste à profil sur lequel il a été recruté et des fautes commises par la rectrice de l'académie de Montpellier dans la gestion de sa situation entre les mois de juin 2018 et septembre 2019. Par un jugement du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le retrait ou la modification de l'affectation :

2. Aux termes de l'article R. 421-10 du code de l'éducation : " En qualité de représentant de l'Etat au sein de l'établissement, le chef d'établissement : 1° A autorité sur l'ensemble des personnels affectés ou mis à disposition de l'établissement. Il désigne à toutes les fonctions au sein de l'établissement pour lesquelles aucune autre autorité administrative n'a reçu de pouvoir de nomination. Il fixe le service des personnels dans le respect du statut de ces derniers (...) " et aux termes de l'article 2 du décret du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel : " les professeurs de lycée professionnel participent aux actions d'éducation et de formation, principalement en assurant un service d'enseignement dans leurs disciplines respectives. Ils exercent principalement dans les classes ou divisions conduisant à l'acquisition des certificats d'aptitude professionnelle, des brevets d'études professionnelles et des baccalauréats professionnels. (...) ils peuvent également exercer dans les classes ou divisions conduisant à l'obtention de brevets de technicien supérieur et dans les formations conduisant à l'obtention de licences professionnelles quand celles-ci sont organisées par convention avec les établissements scolaires. ".

3. M. B... a été affecté par un arrêté du 30 mars 2007 du ministre de l'éducation nationale sur un poste spécifique national dans la discipline génie civil-construction réalisation d'ouvrage. La fiche de profil de poste établie dans le cadre de l'appel à candidature, datée du 20 octobre 2006, indique que le poste comporte une mission spécifique pour l'enseignement de la topographie, en section topographie, pouvant conduire le professeur candidat à assurer des enseignements dans la filière topographie de l'établissement au sein de classes de niveau brevet d'études professionnelles et baccalauréat professionnel. Si M. B... soutient que les candidatures des postes spécifiques sont gérées par l'administration centrale alors que la fiche de profil de poste transmise par l'administration comporte l'enseigne du lycée de ..., la procédure d'affectation sur les postes spécifiques nationaux prévue par la note de service n° 2006-173 du 8 novembre 2006 pour la rentrée 2007, prévoit que les recteurs établissent une liste de postes spécifiques qu'ils transmettent à l'administration centrale. La décision est prise par le ministre, après avis des instances paritaires nationales et le recteur procède à l'affectation dans l'établissement après information des instances paritaires académiques. Par ailleurs, M. B... a lui-même indiqué dans un courriel du 13 septembre 2018 avoir candidaté sur un poste spécifique national " mise en œuvre et topographie " en mentionnant avoir précisé dans sa candidature ses compétences dans le domaine des travaux publics, du bâtiment et de la topographie liée à la mise en œuvre " topographie appliquée au chantier ". Par suite, sans qu'il soit besoin de solliciter la transmission de la lettre de motivation rédigée par M B..., l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la fiche de profil de poste du 20 octobre 2006 serait dépourvue de toute valeur probante.

4. M. B... soutient que l'enseignement de la topographie relève de la discipline P3013 " dessin calcul topographie " alors qu'il a postulé pour la discipline P 3020 " génie civil, construction et réalisation ". Toutefois, il résulte de l'instruction que le profil recherché impliquait des compétences en topographie, lesquelles font partie des connaissances et concept utiles à / pouvant être enseignés dans la discipline génie civil-construction réalisation d'ouvrages. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui demandant de dispenser des heures d'enseignement en topographie, le recteur de l'académie de Montpellier lui aurait retiré le poste spécifique national sur lequel il a été affecté.

5. Si M. B... soutient également que ce changement serait inopportun dès lors que deux enseignants ont été recrutés sur les postes spécifiques académiques pour la discipline dessin, calcul topographie, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision d'affectation du service de M. B.... En tout état de cause, il n'établit pas que d'autres professeurs du lycée professionnel auraient été affectés sur des postes à profil spécifique comportant un enseignement en topographie, quand bien même l'un d'entre eux disposerait par ailleurs d'une telle compétence.

6. Il résulte par ailleurs de l'instruction que M. B..., qui a été sélectionné dans le cadre du mouvement spécifique national dans la discipline génie civil-construction réalisation d'ouvrage avec mission spécifique pour l'enseignement de la topographie en section topographie, présentait les compétences nécessaires pour enseigner cette discipline, dont il a d'ailleurs assuré des heures d'enseignement au cours des années scolaires 2007/2008 et 2008/2009 et où sa manière de servir a été regardée comme particulièrement satisfaisante. S'il est constant qu'il ne lui a plus été demandé dispenser un tel enseignement à compter de la rentrée scolaire suivante, mais un enseignement relevant des interventions sur le patrimoine bâti, il ne disposait toutefois pas d'un droit acquis à conserver ce dernier enseignement ainsi que l'ont indiqué les premiers juges. La circonstance que ni l'administration du lycée professionnel Germaine Tillion, ni l'inspecteur de l'éducation nationale, ne l'auraient averti qu'un enseignement en topographie lui serait confié avant le mois de mai 2018 n'est pas de nature à établir que cet enseignement ne correspondrait pas au champ de compétences pour lesquelles il a été recruté. En lui attribuant un service d'enseignement comportant des heures de topographie dans le cadre de l'enseignement en baccalauréat professionnel technicien géomètre topographe, la proviseure du lycée ... n'a pas procédé à une modification de l'affectation de M. B.... La circonstance supplémentaire que M. B... se serait vu proposer un mentorat et une session de formation pour lui permettre d'exercer l'enseignement confié à la rentrée 2018 n'est pas d'avantage de nature à caractériser un changement d'affectation.

7. Enfin, il résulte de l'instruction, notamment du courriel du 4 octobre 2018, que M. B... a été reconduit à la fin de l'année 2016, à sa demande, sur le poste spécifique national discipline génie civil, construction réalisation d'ouvrage avec mission spécifique pour l'enseignement de la topographie et n'a pas souhaité candidater sur le poste " intervention sur le patrimoine bâti " créé au cours de l'année 2017 correspondant aux matières qu'il avait enseignées jusqu'à la rentrée 2018. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'enseignement qui lui a été confié à la rentrée scolaire 2018 constitue un retrait ou une modification illégale de son affectation.

En ce qui concerne les autres fautes :

8. M. B... soutient que l'administration n'a pas mis en place d'accompagnement pertinent et n'a pas réagi aux alertes dont elle était saisie alors qu'elle avait connaissance de la dégradation de son état de santé du fait de sa situation administrative. Il résulte toutefois de l'instruction qu'un accompagnement et une formation ont été proposés à M. B... dès le mois de juin 2018 après l'annonce de son choix de demeurer affecté sur son poste spécifique national. Une médiation a également été organisée le 13 novembre 2018 avec deux inspecteurs de l'éducation nationale, la proviseure du lycée, le directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques et le médiateur académique à l'issue de laquelle il a été proposé à M. B..., soit une réintégration sur son poste au sein du lycée professionnel ..., avec l'accompagnement mis en place à la rentrée scolaire 2018, soit dispenser la même formation que celle qu'il assurait précédemment mais dans un autre établissement de l'académie. M. B... a refusé ces deux propositions en exprimant le souhait d'un changement de corps, pour la faisabilité duquel un entretien avec deux inspecteurs pédagogiques régionaux pour les mathématiques puis la technologie a eu lieu. Cette démarche n'a pas abouti, M. B... ayant finalement décidé de ne pas y donner suite. L'intéressé a obtenu, sur sa demande, le bénéfice d'un congé longue maladie du 10 septembre 2018 au 9 septembre 2019, congé prolongé jusqu'au 31 août 2020. Finalement, il a été affecté au sein du lycée professionnel ... à compter du 1er septembre 2020. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que M. B... aurait été maintenu dans l'incertitude quant à son affectation pour le rentrée scolaire 2019, toutes les informations nécessaires lui ayant été fournies par le chef d'établissement, l'inspection de l'éducation nationale et les services académiques. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'Etat aurait commis des fautes dans la gestion de sa situation administrative entre le mois de juin 2018 et le mois de septembre 2019.

9. La circonstance qu'à la suite du placement de M. B... en congé maladie ordinaire pour syndrome dépressif réactionnel, ni le proviseur du lycée ... ni la rectrice de l'académie de Montpellier n'aient modifié son enseignement n'est pas plus de nature à caractériser une faute de l'administration.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. B... la somme que celui-ci réclame au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée pour information à la rectrice de l'académie de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

La rapporteure,

C. Arquié

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21TL03774


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL03774
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04-005 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. - Responsabilité et illégalité. - Absence d'illégalité et de responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Céline ARQUIÉ
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : SELARL TRILLES-FONT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-18;21tl03774 ?
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